vague de suicides dans les prisons françaises


article de la rubrique prisons
date de publication : dimanche 19 octobre 2008
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Vendredi 17 octobre, des surveillants de la maison d’arrêt d’Ensisheim (Haut-Rhin) ont découvert un détenu qui s’était donné la mort en se pendant dans une cellule du quartier disciplinaire.
L’homme, âgé de 45 ans, d’origine marocaine, purgeait une peine de trente ans de réclusion pour meurtre.

Cette nouvelle affaire porte à 90 le nombre de suicides depuis le début de l’année 2008, en hausse de 18% par rapport à l’an passé à la même époque, selon l’Observatoire international des prisons (OIP).

Les deux suicides récents de mineurs — le 6 octobre à la prison de Metz et le 9 à celle de Strasbourg — illustrent l’indigence de la politique gouvernementale dans ce domaine.


Indigence de la politique de prévention des suicides à l’égard des mineurs détenus

Communiqué de l’OIP

Paris, le 9 octobre 2008

La section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) demande que toute la lumière soit faite sur les circonstances exactes du suicide par pendaison de Nabil L. dans la nuit du 6 et 7 octobre à la maison d’arrêt de Metz-Queuleu et des trois tentatives de suicides survenues au sein du quartier mineur dans la semaine qui a précédé le drame.

Perplexe au regard de la politique de prévention du suicide mise en œuvre dans cet établissement, l’OIP souhaite que les conclusions du rapport de l’Inspection des services pénitentiaires diligentée sur les lieux soient rendues publiques.

Concernant la série de mesures annoncées ce jour par Mme Rachida Dati, l’OIP relève l’indigence de la politique de prévention des suicides à l’égard des mineurs détenus, déplore qu’aucune stratégie spécifique n’ait été mise en œuvre à ce jour alors même que la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait demandé, dès décembre 2004, qu’ « une étude comparative soit réalisée pour mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus » [1].

Plus globalement, constatant que le nombre de suicides décomptés au premier semestre 2008 est 27 % supérieur à celui constaté à l’issue du premier semestre 2007, l’OIP demande à l’administration pénitentiaire de rendre publics sans délai :

- le nombre de suicides survenus depuis le début de l’année 2008 dans les prisons françaises

- les rapports annuels de la commission centrale de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral

- le bilan intermédiaire élaboré par cette même commission au terme du premier semestre 2008.

Combien de mineurs laisserons-nous mourir en prison ?

Communiqué du Groupe Départemental 44 de l’Emancipation

Nantes, le 16 octobre 2008

Trois mineurs se sont suicidés en prison depuis le début de l’année. L’hypocrisie du ministère de la justice en la matière est sans limite. Faites circuler ce communiqué, rejoignez les luttes contre l’emprisonnement des enfants !

Ouverts depuis à peine plus d’un an, les Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs persistent dans leur bilan dramatique. A l’EPM d’Orvault (44) la situation est explosive. Fin septembre, les éducateurs ont ainsi fait valoir leur droit de retrait face à un quotidien chargé d’insupportable violence. La prison, même lorsqu’elle est réservée aux mineurs, n’est qu’une machine à briser les individus et l’objectif éducatif qu’on lui assigne, une imposture. Comment penser que l’enfermement, la mise au ban, la soumission et le déni de soi permettront à des jeunes de se préparer à vivre en société ?

Trois jours après le suicide de Nabil, un adolescent de 16 ans, à la Maison d’arrêt de Metz, c’est Nordine, jeune détenu de 16 ans également, qui a tenté de mettre fin à ses jours à Strasbourg jeudi 9 octobre. Il est finalement décédé à l’hôpital le 14 octobre. Après le suicide de Julien à l’EPM de Meyzieu en février, cela porte déjà à trois le nombre connu de mineurs qui ont mis fin à leurs jours en prison sur ces 10 mois de 2008.

Qui nous fera croire qu’une entrevue avec le Procureur comme préalable à l’incarcération, et une grille d’évaluation sur le risque suicidaire des jeunes à leur entrée réduiront les suicides de jeunes en prison ? En 2007, on comptait 72 tentatives de suicide chez les 780 mineurs incarcérés, soit 10 tentatives pour 100 jeunes enfermés, contre 0,25 pour 100 jeunes à l’extérieur ! S’il y a 40 fois plus de risque suicidaire en prison pour les jeunes, c’est que la prison influe sur ce risque, bien davantage que l’état du jeune à son arrivée. Car la prison n’a comme horizon que la mort, sociale, psychique ou biologique.

Face à la violence de l’enfermement, les détenus n’ont comme échappatoire que de retourner cette violence contre les agents de l’institution pénitentiaire (éducateurs et surveillants en EPM), contre les autres détenus (voir l’actualité récente) ou le plus souvent contre eux-mêmes par des pratiques d’automutilation et des tentatives de suicides, qui aboutissent de plus en plus souvent.

L’Etat français vient d’être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme pour « n’avoir pas protégé le droit à la vie » d’un détenu qui s’était suicidé en 2000. Combien de suicide de mineurs faudra-t-il, pour remettre en cause l’incarcération comme réponse systématique aux jeunes en dérive ? Nous réaffirmons qu’il est plus qu’urgent d’admettre que seule la prévention peut éviter de tels drames. « Le mineur délinquant est d’abord un enfant en souffrance et il convient de traiter les causes de cette souffrance plutôt que ses effets. » [2]

Un décès non encore élucidé à la prison de Toulon-La Farlède :

Prison de La Farlède : un détenu décède dans sa cellule

par Fred Dumas, Var Matin, le 17 octobre 2008

Un homme de 23 ans, détenu à la prison de La Farlède où il purgeait une peine de huit mois de prison est mort dans sa cellule au cours de la nuit de lundi à mardi.

C’est une « régurgitation massive » qui est apparemment à l’origine de son décès a signalé le procureur de la République de Toulon. Une enquête pour « recherche des causes de la mort » a été ouverte mais le magistrat a indiqué que le corps de la victime ne présentait « aucune lésion » et « qu’il n’y avait pas eu d’attaque extérieure ».

C’est un surveillant qui a découvert le corps immobile sur son lit de la victime, lors d’une ronde vers 1 h 30 du matin et a donné immédiatement l’alerte. Pris en charge par l’équipe du SMUR de Toulon et malgré les efforts de réanimation des sapeurs-pompiers, le jeune homme n’a pas survécu.

L’autopsie pratiquée à l’hôpital Font-Pré a révélé que la victime était effectivement décédée des suites d’une régurgitation importantes.

Un taux d’occupation de 130 %

C’est pourquoi, le procureur a ordonné des analyses toxicologiques complémentaires car le détenu était soumis à un traitement médical qui l’obligeait à prendre des médicaments régulièrement. Mais, d’après les premiers éléments, il apparaît qu’aucun comprimé n’a été localisé dans son estomac.

La victime ne se trouvait pas seule en cellule au moment des faits. Son codétenu a été interrogé mais, selon le procureur, « ses déclarations restent imprécises et trop variables ». L’enquête judiciaire ouverte devra préciser les circonstances de ce drame. Pour l’instant, aucune hypothèse n’est émise par le parquet.

Hier, l’inspection des services pénitentiaires s’est rendue à la prison de La Farlède pour entendre les surveillants de permanence cette nuit-là. D’après les premiers éléments, il semble qu’aucune alerte ne leur a été donnée. « Les surveillants de La Farlède organisent, chaque nuit, des rondes toutes les deux heures et n’ont rien noté d’anormal jusqu’à la découverte du corps. Ils ont alors tout de suite fait appel aux secours », explique Paul Adjedj, représentant CGT. « Il faut savoir qu’actuellement, l’établissement compte un taux d’occupation de 130 % ! Il y a près de 700 détenus à La Farlède en ce moment : un record. Dans ces conditions, les risques d’incidents graves se multiplient et le personnel pénitentiaire est épuisé ».

Fred Dumas

Notes

[1CNCDH, Etude et propositions sur les mineurs en milieu carcéral, 16 décembre 2004.

[2Extrait du Manifeste La place des enfants n’est pas en prison. Nous ne travaillerons pas en EPM.


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