L’entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, du Statut de Rome adopté le 17 juillet 1998 et portant création de la CPI constitue une avancée majeure dans le combat contre l’impunité. C’est la première fois que l’Humanité se dote d’une juridiction pénale internationale, permanente et à vocation universelle pour juger les auteurs des crimes les plus graves, à savoir le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
La Cour pénale internationale, qui siégera à La Haye, devient réalité. Mais le chemin vers une justice universelle est encore long. Sa compétence ne sera a priori pas géographiquement ciblée (contrairement aux deux tribunaux internationaux existants, pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie), mais elle se limitera aux seuls crimes commis sur le territoire ou par le ressortissant d’un Etat partie. Sa compétence n’est pas rétroactive et les juridictions nationales gardent la primauté de juridiction.
La CPI devra, à l’instar des tribunaux pénaux internationaux, gagner son indépendance et son autorité. La bataille de la mise en ouvre s’annonce multiforme et difficile. C’est le combat pour l’universalité de la CPI, test de la volonté politique des gouvernants.
Genèse
Le projet de Cour pénale internationale est formulé par les Nations unies au lendemain de la deuxième guerre mondiale et figure notamment dans la convention de 1948 sur le génocide. Mais il faut attendre 1993 pour qu’il soit sérieusement remis à l’étude à l’ONU, sous la très forte pression des ONG. En 1995, une commission préparatoire est créée pour élaborer un projet de statut de la Cour ; en décembre 1996, l’Assemblée générale fixe l’échéance de 1998 pour l’aboutissement des travaux. Pendant ces mois de négociations, les Etats se livrent d’âpres batailles et les ONG mènent à l’échelle mondiale l’une de leurs plus actives campagnes.
Le 17 juillet 1998, à la fin de la conférence de Rome où 160 pays sont représentés, le projet de statut est adopté par 120 voix pour ; sept pays ont voté contre ; vingt et un se sont abstenus ; douze n’ont pas pris part au vote. A la date du 15 juillet 2002, le traité avait été signé par 139 pays, et ratifié par 76.
Les crimes de la compétence de la Cour sont
le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, l’agression. Bien que l’agression figure dans le statut de Rome, les négociateurs ne sont pas parvenus à un accord sur la définition de ce crime ni sur les rôles respectifs du Conseil de sécurité de l’ONU et de la Cour en la matière. Le sujet est renvoyé à la conférence de révision, dans sept ans, et la Cour ne pourra pas d’ici là exercer sa compétence à l’égard du crime d’agression. Le crime de terrorisme ne figure pas dans le statut, mais le débat pourrait être rouvert lors de la révision, en 2009.
Qui peut faire l’objet de poursuites ?
Pour que la Cour, qui aura son siège à La Haye, puisse exercer sa compétence, il faut que soit partie au traité l’Etat dont l’inculpé est un ressortissant, ou l’Etat sur le territoire duquel les crimes ont été commis. Autrement dit, la Cour peut, le cas échéant, poursuivre des militaires ou d’autres ressortissants de pays qui n’ont pas adhéré au traité, dès lors que les crimes dont on les soupçonne sont commis dans un pays qui, lui, y adhère.
Enfin, si c’est le Conseil de sécurité qui saisit la Cour d’une affaire, la compétence de la Cour s’impose, que soit ou non partie au traité le pays de l’accusé et celui où les crimes ont été commis.
Trois modes de saisine
La Cour peut être saisie : par un Etat partie au traité, par le Conseil de sécurité de l’ONU, ou par le procureur agissant de sa propre initiative au vu de plaintes qui lui sont transmises, après accord d’une chambre préliminaire de juges.
Le pouvoir du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité peut demander à la Cour de suspendre toute enquête et poursuite sur une affaire pendant douze mois ; cette demande est renouvelable. C’est une des dispositions les plus contestées par les ONG, qui y voient une atteinte à l’indépendance de la Cour. Les membres permanents du Conseil de sécurité font valoir que, dans certaines situations de conflit, l’intervention de la justice pourrait compromettre les chances d’une négociation de paix. La décision de suspendre doit faire l’objet d’une décision explicite du Conseil, c’est-à-dire que l’un des membres peut y opposer son veto.
La complémentarité
La CPI est "complémentaire des juridictions criminelles nationales" . Ces dernières ont la prééminence sur la Cour internationale, qui ne peut intervenir qu’en cas d’incapacité ou de manquement délibéré de la justice nationale, constatés par les juges de la chambre préliminaire.
Quelques compléments
La France
a ratifié le Statut de la CPI le 9 juin 2000. En février 2002, le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté à l’unanimité la proposition de loi de coopération entre la France et la future Cour pénale internationale (CPI). Il reste à combler les lacunes du droit pénal français notamment en matière de répression des crimes de guerre.
Si la France est désormais en mesure de remplir ses obligations de coopération, ses tribunaux ne peuvent en revanche enquêter et juger les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Ainsi demeurent non résolues les questions les plus sensibles politiquement notamment la répression des crimes de guerre en France. La France reste le seul État parmi les 52 ayant ratifié le Statut à avoir refusé la compétence de la CPI pour les crimes de guerre commis par ses nationaux ou sur son territoire.
La Coalition française pour la CPI réaffirme que toutes les victimes, y compris les victimes de crimes de guerre, ont le droit à un recours effectif à la justice française. La Coalition lance un appel aux autorités françaises en vue de la levée sans délais de la déclaration ainsi faite sur les crimes de guerre.
Des compléments sur le site de la FIDH
et sur le site de la CPI