une soixantaine de députés UMP demandent la création du délit d’“atteinte à la dignité de la Nation”


article de la rubrique libertés > liberté d’expression / presse
date de publication : jeudi 15 février 2007
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Une proposition de loi, enregistrée à l’Assemblée nationale le 17 octobre 2006, vise à permettre aux parlementaires de saisir la justice
en cas d’atteinte à la dignité de la Nation.

Parmi les parrains de ce délit de lèse-nation, deux députés varois : Philippe Vitel [1] et Sébastien Vialatte.

[Première publication, le 14 décembre 2006,
mise à jour le 15 février 2007]

Initiée par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, cette proposition de loi est présentée par 65 députés
 [2], parmi lesquels on peut remarquer Patrick Balkany, Jacques-Alain Benisti, Maryse Joissains-Masini, Lionnel Luca, Eric Raoult.

EXPOSÉ DES MOTIFS

« Aujourd’hui, lorsqu’un parlementaire constate une atteinte à la dignité de la Nation, celle-là même qui l’a élu, il ne peut a priori pas ester en justice, n’étant pas considéré comme ayant un intérêt personnel à agir.

Face à cette situation, et sans aller jusqu’à donner aux parlementaires un droit absolu de saisine en la matière, il semble néanmoins raisonnable et légitime de leur permettre d’intervenir lorsqu’est mise en cause la dignité de la Nation, qu’ils sont censés représenter. À cet effet, il apparaît nécessaire d’apporter deux modifications à la législation :

  • d’une part, il convient de créer un article dans le code de procédure pénale afin de permettre aux parlementaires de saisir la justice s’ils constatent une atteinte à la dignité du pays. Compte tenu de la durée des procédures, il est utile de préciser que l’action de la justice ne s’éteindra pas lorsque s’achèvera le mandat du parlementaire ;
  • d’autre part, il est indispensable de définir les faits pouvant constituer une atteinte à la dignité de la France dans le code pénal. Ainsi, constituera, aux yeux de la présente proposition de loi, une atteinte à la dignité de la France : toute insulte, toute manifestation de haine publiée, mise en ligne sur Internet, télévisée ou radiodiffusée, proférée à l’encontre du pays, de ses personnages historiques, des dépositaires de l’autorité publique ou de ses institutions. De même, le détournement du drapeau national sera considéré comme une atteinte à la dignité du pays.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article 2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2 bis ainsi rédigé :

« Art. 2 bis. – Tout parlementaire en activité à la date des faits peut
exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits réprimés par les articles 433-5-1 et 433-5-2 du code pénal.

« La fin du mandat du parlementaire ne saurait éteindre l’action en justice. »

Article 2

La section 4 du chapitre III du titre III du livre IV du code pénal est complétée par un article 433-5-2 ainsi rédigé :

« Art. 433-5-2. – Constitue une atteinte à la dignité de la France toute insulte, toute manifestation de haine publiée, mise en ligne sur Internet, télévisée ou radiodiffusée, proférée à l’encontre du pays, de ses personnages historiques, des dépositaires de l’autorité publique ou de ses institutions.

« Constitue une atteinte à la dignité de la France le détournement du drapeau national.

« L’atteinte à la dignité de la France est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. »

Clémenceau avait demandé qu’on puisse outrager la République

Il y a un siècle, des députés bien intentionnés avaient voulu instaurer un délit « d’outrage à la République ». Clemenceau, immense républicain, prit la parole et dit : « Mes chers collègues,
je viens vous demander qu’on puisse impunément outrager la République.
Avec les meilleures intentions du monde, vous allez directement contre le principe de la liberté. Car je défie quelque
juriste que ce soit de venir à cette tribune vous dire à quel signe le magistrat
pourra reconnaître que la discussion
cesse et que l’outrage commence
[…]. Et si personne ne peut répondre, je dis que vous faites une loi d’arbitraire et non de liberté.  » [3]

Quelques-uns de nos pays voisins protègent l’honneur de la Nation [4]

  • Andorre - L’article 79 du code pénal : « Quiconque aura outragé la Principauté, les Co-Princes ou l’un quelconque des symboles ou emblèmes nationaux sera puni d’un emprisonnement d’une durée maximale de six ans. »
  • Italie - L’article 291 du code pénal de 1930 : « Quiconque traite avec mépris la Nation italienne est puni de la réclusion … » [5]
  • Espagne - L’article 543 du code pénal : « Les offenses ou outrages, par paroles, écrits ou actes dirigés contre l’Espagne sont punis d’un emprisonnement … »

Notes

[2Proposition de loi N° 3372 : http://www.assemblee-nationale.fr/1....

Les députés signataires sont : M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Claude ABRIOUX, Jean AUCLAIR, Patrick BALKANY, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, François CALVET, Bernard CARAYON, Roland CHASSAIN, Louis COSYNS, Paul-Henri CUGNENC, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEPIERRE, Léonce DEPREZ, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, MM. Claude GATIGNOL, Guy GEOFFROY, Jean-Pierre GRAND, Mmes Claude GREFF, Arlette GROSSKOST, MM. François GUILLAUME, Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Gérard HAMEL, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Patrick LABAUNE, Jean-Louis LÉONARD, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Hugues MARTIN, Philippe-Armand MARTIN, Alain MARTY, Gérard MENUEL, Mme Nadine MORANO, MM. Étienne MOURRUT, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Jean-Marc NUDANT, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Mme Bérengère POLETTI, MM. Daniel PRÉVOST, Michel RAISON, Éric RAOULT, Jacques REMILLER, Jean-Marie SERMIER, Yves SIMON, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Dominique TIAN, Léon VACHET, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Gérard WEBER.

[3Françoise Chandernagor, « Historiens, changez de métier ! », L’Histoire N° 317, février 2007.

[5Cet article de l’époque musolinienne est-il toujours valide ?


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