Noël, aumônier des prisons de Toulon


article de la rubrique prisons > Toulon - La Farlède
date de publication : samedi 27 novembre 2004
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Noël, prêtre ouvrier, fait partie depuis des années de l’équipe de l’aumônerie des prisons de Toulon. Il nous livre ici sa réflexion.


LA PRISON : UN MONDE QUI LAISSE INDIFFERENT

Rencontrer la personne

Vu de l’extérieur, tant que les gens ne sont pas concernés directement, pour eux-mêmes ou l’un de leurs proches, la prison est faite pour punir, pour venger les victimes et se débarrasser des gêneurs. On en fait toujours trop pour les détenus, de quoi se plaignent-ils ? Ils ont le frigo, la télé, c’est le club Med. Ils sont là pour payer leurs dettes à la société, ils le méritent bien, c’est bien fait pour leurs gueules, à la limite, on devrait les « leur couper » pour qu’ils ne se reproduisent pas.

Mais dès que je rencontre, que je connais la personne coupable d’un délit, je n’ai plus le même regard, car un acte ne dit pas tout d’elle. Elle ne se limite pas qu’à cela. Comme chacun d’entre nous, on est capable du meilleur comme du pire.

Je leur dis toujours que je ne suis pas là pour accuser, ni excuser, mais pour épauler, comme le font les familles en venant au parloir, les proches et les amis qui les soutiennent.

Se situer en vérité

À celui qui m’appelle « mon Père », je réponds en plaisantant : « Il y a alors des coups de pied au cul qui se sont perdus. Alors, je suis d’accord pour être ton frère : égalité et obligation réciproques. Je ne suis pas la nounou pour te plaindre, chacun assume sa situation, ses choix ».

Se situer en vérité. Mettre cartes sur table pour établir la confiance. En quelques minutes, je rentre alors dans leur vie. Ils me demandent de contacter leurs familles, de prendre des nouvelles des enfants, me font partager leurs préoccupations essentielles : perte du travail et toutes les conséquences sur leur entourage, sur leur vie de couple. Le vide, la séparation font prendre conscience de l’ importance des leurs dans leur vie et dans leurs choix, pas toujours judicieux. Ce qui n’exclut pas toujours la récidive, car souvent, promesse prison, promesse bidon. Ce que l’ on connaît pour nous avec nos bonnes résolutions de retraite ou autres résolutions.

Reconnaître sa misère

En aumônerie, dans les rencontres de groupe, temps de dialogue, temps de partage, on aborde souvent le sens de la peine pour la prise de conscience, pour positiver le temps d’incarcération, même si la justice n’est pas équitable pour tous, « deux poids, deux mesures, suivant que l’on est puissant où misérable ».

Reconnaître ses torts n’est pas facile, surtout qu’il n’y a pas égalité de traitement pour tous ; « Chirac devrait être en prison et il n ’y est pas ».

C’est une grâce de se reconnaître pécheur lorsqu’on relativise son délit par rapport à une situation ambiante polluée et sans repère. Le souhait le plus exprimé par tous ceux qui reconnaissent leur culpabilité, c’est que les peines soient aménagées. Il faut des alternatives à la prison (travaux d’ intérêt général, bracelet électronique ...) pour faciliter la réinsertion. La prison devrait rester un coup de frein pour prendre du recul et repartir après avoir payé sa dette.

Redonner de l’importance à tout ce qui est humain

Dans les célébrations, nous avons à coeur de faire remonter le positif, de redonner de l’importance aux petits gestes de soutien mutuel entre frères de galère ( cigarettes partagées, sucre, café) dont je suis témoin en les visitant dans la cellule. Certains disent qu’il y a plus de solidarité pour eux à l’intérieur qu’à l’ extérieur. Le souci est aussi de démystifier la religion. « Est un menteur celui qui dit aimer Dieu et qui n’aime pas son frère ». Retrouver dans leur vie tous les gestes d’amour à l’égard de leurs familles surtout, car Dieu a besoin de leur amour de père pour que leur enfant sache ce que veut dire le mot amour. N’étant pas déchus de leurs droits de paternité en étant incarcérés, ils doivent donc les assumer en les faisant venir au parloir, au lieu de les tromper en leur disant qu’ils sont en déplacement ou sur des chantiers.

« Aide-toi, le ciel t’aidera », pas de Dieu assurance-vie ou paratonnerre. Redonner de l’importance à tout ce qui est humain pour révéler qu’ils ne sont pas loin du Royaume, partager des repères d’Evangile, « va et ne pèche plus ». Dieu fait confiance, il ne regarde pas le casier judiciaire. En effet, pour aimer et être aimé, le croyant doit être un dealer d’amour (gratuit).

Ma référence : On peut croire en l’homme, sans croire en Dieu, mais on ne peut pas croire en Dieu sans croire en l’homme, sans un parti pris d’espérance pour chacun.

Noël

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