incendie à la prison de La Farlède : deux détenus grièvement brûlés


article de la rubrique prisons > Toulon - La Farlède
date de publication : samedi 20 août 2005
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[Première publication le 18 août 2005,
mise à jour le 20 août 2005]


Communiqué de la section de Toulon de la LDH

L’État est responsable de la sécurité des détenus

Deux détenus du centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède ont été grièvement blessés dans l’incendie de leur cellule, mardi soir, 16 août 2005. Les deux détenus ont été hospitalisés d’urgence à l’Hôpital Sainte-Anne ; ils souffrent de brûlures graves - l’un d’entre eux est en état de "coma prolongé".

L’enquête devra déterminer l’origine de l’incendie. Elle devra également évaluer le laps de temps qui a pu s’écouler entre le début de l’incendie et le moment où il a été détecté.

Il faudra répondre aux questions qui se posent concernant la sécurité des détenus. Le système d’appel des surveillants prévu pour chaque cellule était-il en état de fonctionner ? Des détecteurs d’incendie se trouvent dans les coursives. Pourquoi n’y en a-t-il pas dans les cellules ?

Lors de l’inauguration officielle de cette prison, en avril 2004, le ministre de la justice, Dominique Perben, avait prononcé 8 fois le mot insécurité, évoquant essentiellement la "lutte contre l’insécurité", et 13 fois le mot sécurité - "sécurité des personnels", "sécurité des concitoyens" - mais jamais la "sécurité des détenus". [1]

Rappelons qu’un détenu subit une peine de privation de sa liberté, mais ne doit pas se voir privé de ses droits d’être humain.

Toulon, le 19 août 2005

« La sécurité des détenus doit être assurée »

[Libération, lundi 11 juillet 2005]

Le 5 juillet, deux médecins de Compiègne ont été mis en examen pour « blessures involontaires » pour avoir détecté trop tard la tumeur cancéreuse d’un détenu, sorti paraplégique de prison. Le 9 juin, le directeur de la prison de la Santé et l’Assistance publique ont été mis en examen pour « homicide involontaire » après le suicide, par pendaison, d’un détenu au mitard en 1999. Deux signes de l’évolution de la jurisprudence.

Hughes de Suremain, membre de l’Observatoire international des prisons, analyse la responsabilité de l’administration.

• De quand date le changement ?

Au départ, la responsabilité des services pénitentiaires n’était engagée qu’en cas de faute d’une exceptionnelle gravité. En 1978, le Conseil d’Etat a jugé que l’administration pénitentiaire se doit d’assurer la sécurité des détenus, mais on butait encore sur l’exigence d’une faute lourde. En 2003, un arrêt a fait basculer les choses. Il suffisait d’une faute simple. On assiste depuis à une succession de décisions, en matière de suicide notamment. Cela aboutit à un examen détaillé des faits. Souvent les juges condamnent une succession de fautes. Comme une mauvaise appréciation du placement en cellule, quelqu’un de psychologiquement fragile laissé seul ou placé avec un codétenu lui-même souffrant de troubles. Ou le défaut de communication avec le service médical. Après les rapports et les circulaires sur la prévention du suicide en prison, il faudra bien demander des comptes à l’administration pénitentiaire.

• Quid des violences entre détenus ?

L’obligation de sécurité est aussi consacrée par la Cour européenne. On retombe là sur les notions de surveillance, de choix des codétenus. Les effets de la surpopulation entrent également en ligne de compte. Mais cela n’exonère pas l’administration. Les juges commencent à intégrer les constats du Comité de prévention de la torture et les enquêtes parlementaires où il est dit que les violences sont favorisées par la promiscuité. Le tribunal administratif de Rouen vient de considérer que l’administration devait veiller à ce que l’encellulement collectif ne génère pas de risque pour les détenus et a condamné l’Etat pour des violences subies par un condamné d’une maison d’arrêt surpeuplée.

P.-S.

Dernières nouvelles - en date du 20 août

Les deux victimes de l’incendie sont toujours au service de soins intensifs de l’Hôpital Sainte-Anne. Ils souffrent de "brûlures pulmonaires" ; si l’un des deux semble dans un "état critique", l’autre n’est pas "hors de danger".

Deux nouveaux incendies se sont déclarés jeudi 18 dans l’établissement pénitentiaire - l’un est accidentel, l’autre a été allumé de façon délibérée par un détenu ; les deux sinistres ont été rapidement maîtrisés.

Une trentaine de membres des ERIS [2], familièrement dénommés "tortues ninja" par les détenus, seraient présents à l’intérieur de l’établissement.

De nombreuses questions se posent dans un établissement que le ministre avait présenté en avril 2004 comme « un exemple réussi de l’indispensable modernisation de notre parc pénitentiaire », mais qui a déjà eu à déplorer trois suicides.

Notes

[1Pour lire le discours prononcé par Dominique Perben
le 20 avril 2004.

[2ERIS : équipes régionales d’intervention et de sécurité, constituées de personnels spécialement formés et équipés pour agir en cas de tension.


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