A la demande de la section de Toulon de la Ligue des Droits de l’Homme, Robert Bret, sénateur PCF des Bouches du Rhône, a fait une visite surprise, comme la loi l’y autorise, à la toute nouvelle prison de Toulon - La Farlède.
Un article de Guy Mouisse, paru dans La Marseillaise du 23 novembre 2005.
Peu avant son arrivée, le sénateur Robert Bret, a averti par fax la direction de la prison de sa venue.
15h30, le sénateur arrive, il est attendu par plusieurs membres de la LDH, des visiteurs de prison, le secrétaire régional CGT du personnel pénitentiaire Paul Adjedj et la presse.
Usant de son droit de parlementaire, Robert Bret pénètre pour la première fois dans cet établissement qui, depuis son inauguration il y a 18 mois, compte déjà 4 suicides et plusieurs incendies de cellules dont un cet été assez dramatique à la suite duquel un détenu est toujours hospitalisé pour de grave brûlures.
Pour le sénateur qui suit le dossier des prisons avec assiduité, c’est la troisième visite surprise qu’il effectue à Toulon, la précédente remontant au 20 février 2004, à la maison d’arrêt Saint Roch.
Plus de détenus que de places
Afin de bien comprendre la situation, Paul Adjedj met en avant les chiffres qui parlent d’eux-mêmes : à la Maison d’arrêt, « le nombre théorique de places est de 373, mais nous avons en moyenne 454 détenus, et aujourd’hui ils sont 476. » [1]
« Pour autant le personnel n’évolue pas avec le nombre de détenus [...] », souligne le syndicaliste, qui poursuit en mettant en avant un personnel « de plus en plus jeune, mal formé » et des détenus « qui souffrent de problèmes psychiatriques pouvant mettre en danger le personnel ».
« Je ne sors pas de ma visite optimiste »
A sa sortie vers 17h55, Robert Bret déclare : « Je ne sors pas de ma visite optimiste ». Et d’argumenter sa réaction : « Si l’on compare avec Saint Roch il est vrai que les conditions de vie sont meilleures. Mais pour les détenus l’aspect moderne ne répond pas à tout, ce type de bâtiment moderne déshumanise... ».
Au cours de cette visite (le sénateur a pu discuter avec des détenus) le problème qui remonte est le traitement des réductions des peines
« C’est unanime chez les détenus car c’est un facteur important sur leur comportement. Ils disent “ à quoi ça sert de bien se comporter si nous ne sommes pas récompensés ” ». Pour Robert Bret « Ce traitement n’a rien à voir avec d’autres départements... Je vais voir avec le juge d’application des peines ».
Autre problème, seulement 50 détenus sur 700 peuvent bénéficier d’une activité professionnelle et de ses ressources « c’est un véritable problème quand on sait que nous avons une population carcérale de plus en plus paupérisée ... Il y en a quelques-uns qui n’ont pas de revenu, il y en a qui n’ont jamais de visite... ». Même constat pour les stages de formation [2] [...]. Pour l’élu : « De mon ultime conviction il y a d’autres réponses à apporter. Que le temps de détention soit un temps utile !"
D’un point de vue général...
Sortant du contexte de sa visite, Robert Bret fait partager sa réflexion sur la situation générale de l’incarcération en France.
« La prison reste pour les jeunes un lieu de récidive. Je suis très inquiet pour tous les jeunes arrêtés dans le cadre des violences urbaines, qui vont passer par la case prison, ils risquent de sortir plus agressif.. Dans ces prisons modernes on a remplacé la présence de l’homme par des caméras, des sas, rien n’a été pensé pour le détenu, le privé voulant rentabiliser déshumanise ces lieux. Et on oublie qu’un détenu est un citoyen coupé de liberté. On est dans un système d’incarcération et on ne s’inquiète pas du retour dans la société. Ma crainte c’est que l’on glisse vers le modèle américain ».
A La Farlède 50 % des détenus sont soignés pour différents troubles alors « que la prison n ’est pas faite pour soigner les malades, au contraire... », indique Robert Bret.
Pour les visiteur de prison et la LDH « le mélange des prévenus et des condamnés est préjudiciable... Il n’y a plus de promenade "protégée" pour les délinquants sexuels ; certains d’entre eux, de peur d’être de brimades /sévices de la part des autres détenus en sont réduits à ne plus sortir de leur cellule ».
« Un quartier devrait leur être réservé » fait remarquer le sénateur qui note aussi le nombre important de jeunes dans le personnel.
Pour Paul Adjedj : « 60% ont un an d’ancienneté, nombreux sont de niveau BAC plus 2 ou 3, des licences et sont peu préparés à l’univers carcéral où ils se trouvent vite dépassés ».
En conclusion, pour Robert Bret : « La prison c’est un problème de société ; ne pas apporter de réponses aux questions posées, cela contribue à aggraver la situation ... On va avoir des problèmes. »
Guy Mouisse
[1] A ce total, il faut ajouter environ 180 détenus du centre de détention, une cinquantaine de prisonniers en semi-liberté et 13 mineurs à Saint-Roch. D’où un total d’environ 700 prisonniers pour Toulon-La Farlède.
La Maison d’arrêt est réservée aux personnes placées en détention provisoire et aux condamnés en fin de peine. (Note de LDH-Toulon)
[2] Seuls 70 détenus bénéficient à ce jour d’une des 6 formations proposées. (Note de LDH-Toulon)