base élèves et BNIE devant le Conseil d’État : le rapporteur public conclut dans le sens des demandes du Cnrbe


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la justice
date de publication : mercredi 7 juillet 2010
version imprimable : imprimer


Le Conseil d’État a examiné le 30 juin 2010, en audience publique, plusieurs recours visant à l’annulation de la création des traitements de données Base élèves premier degré et Base nationale des identifiants élèves et à la destruction de l’ensemble des données nominatives recueillies illégalement.

La décision du Conseil d’État ne sera connue que dans quelques semaines, mais on peut noter dès à présent que le rapporteur public s’est prononcé sur un certain nombre de points importants dans le sens des demandes du Collectif de résistance à base élèves (Cnrbe) – ce dont le collectif a pris acte dans un communiqué intitulé « La légalité de Base élèves mise à mal devant le Conseil d’État » [1].

Un soutien apprécié par « la base [qui] résiste à Base élèves » (Le Canard enchaîné).

[Mise en ligne le 4 juillet 2010, mise à jour le 7]



Le rapporteur public du Conseil d’État a conclu à :

- l’annulation de la décision initiale de créer Base élèves, car elle a été prise antérieurement à la délivrance du récépissé de la CNIL, le 1er mars 2006, elle prévoit la collecte de données relatives à la santé ainsi que la mise en relation de ce traitement avec d’autres fichiers,
- l’effacement des données relatives à la santé subsistant dans Base élèves,
- l’annulation de l’article 9 de l’arrêté du 20 octobre 2008
 [2],
- l’annulation de la décision de création de la BNIE, la durée de conservation des données étant jugée non « légitime » au regard de la finalité du traitement.

Communiqué du CNRBE

La légalité de Base élèves mise à mal devant le Conseil d’État

Le 2 juillet 2010

Demande d’annulation de la décision initiale de créer BE, mise en œuvre prématurée avant récépissé de la CNIL, collecte illégale de données sur la santé, annulation de l’interdiction du droit théorique d’opposition des parents, caractère « excessif » de la durée de conservation des données de la Base Nationale des Identifiants Élèves (35 ans)… Telles sont, en quelques mots, les principales conclusions favorables, selon le Cnrbe, formulées par le « rapporteur public » lors d’une audience publique qui s’est tenue le 30 juin 2010 au Conseil d’État.

Cette audience de jugement est la dernière étape des « recours en annulation » engagés voilà presque deux ans par les isérois Vincent Fristot (parent d’élève) et Mireille Charpy (ancienne directrice d’école ), appuyés par des syndicats (PAS 38 UDAS et SNUipp 38) et la Ligue des Droits de l’Homme, pour faire invalider les fichiers ministériels « Base élèves premier degré » (BE1D) et la « Base nationale des identifiants élèves » (BNIE).

Le « rapporteur public », en droit administratif, est un magistrat qui « expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent ». A ce stade, ses conclusions ne présagent donc en rien des décisions finales du Conseil d’État — qui devraient être connues d’ici environ trois semaines. D’autant que certaines de ses conclusions proposent de donner un délai de 4 mois au ministère de l’Éducation pour essayer de régulariser la situation.

Reste que ces conclusions confortent la position des requérants, et en particulier celle des directeurs d’école qui ont refusé de ficher leurs élèves et des 2100 parents qui ont déposé plainte contre X pour s’opposer à ce fichage illégal.

Le CNRBE


La base résiste à Base Élèves

par Jérôme Canard, Le Canard enchaîné, 7 juillet 2010


C’est un avis des plus insolents qu’a rendu, le 30 juin, le rapporteur public du Conseil d’Etat. Ce haut fonctionnaire était chargé de formuler des conclusions au sujet d’un recours déposé par deux directeurs d’école sur le fichier Base Elèves. Autrement dit, sur un système d’immatriculation, en France, des élèves de 3 à 10 ans.

Le rapporteur ne propose rien de moins que de remettre à plat tous les textes régissant le fonctionnement de Base Elèves. En supprimant, au passage, certaines données comme celles qui concernent la santé des enfants. Voici, venu d’en haut, un soutien inattendu aux nombreux opposants à ce fichier géant.

Profilage bien en règle

Ainsi, en avril dernier, les directeurs des écoles de Prunières et Séchilienne, dans l’Isère, ont été démis de leurs fonctions et rétrogradés pour n’avoir pas voulu jouer le jeu. Dans le Vaucluse, un chef d’établissement a reçu un blâme pour « refus persistant d’appliquer les instructions de sa hiérarchie et pour l’envoi d’un courriel infamant à un collègue » : un dessin montrant un bambin, son « numéro identifiant élève » (INE) tatoué sur la cuisse.

A Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, Fabienne B. a été virée, en vertu d’une loi de 1921 protégeant les enfants d’un éducateur atteint de « démence mentale » ou de « tuberculose ». Le comité médical n’a évidemment diagnostiqué ni l’une ni l’autre de ces maladies, mais, coïncidence, la directrice avait refusé d’entrer les données des enfants dans ce fichier.

Et la contestation n’a cessé de croître. Menée par le Collectif national de résistance à Base Elèves, elle a abouti au dépôt de plus de 2 000 plaintes en quelques mois.

Déjà, dans un rapport de juin 2009, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU avait conforté la rébellion, en s’affirmant préoccupé par l’utilisation de Base Elèves à d’« autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière ». En février 2010, la rapporteuse spéciale aux droits de l’homme de l’ONU a même qualifié les directeurs d’école réfractaires de « défenseurs des droits de l’homme ».

Le flicage des écoliers inquiétait d’autant plus ses détracteurs qu’il pourrait permettre à l’Education nationale de croiser Base Elèves et Sconet (fichier du secondaire) avec d’autres drainées plus « sensibles ». Exemple : celles qui figurent. dans les « outils » de prévention de la délinquance, dans le tout nouveau fichier des enfants « décrocheurs », ou dans le « livret de compétences », qui accompagnera l’élève malchanceux jusqu’à... Pôle emploi. Un parfait « profilage » des jeunes à problèmes, en quelque sorte.

P.-S.

D’autre part, dans son bilan pour l’année 2009 publié le 16 juin dernier, le Conseil national de l’information statistique (Cnis) reconnaît que, dans leurs « critiques répétées » concernant Base élèves, « les enseignants et une partie des parents d’élèves n’ont pas forcément tort sur certains points ».

Notes

[1[Note ajoutée le 6 juillet] – Vous trouverez de nombreuses précisions sur cette page : http://numerolambda.wordpress.com/2....

[2Article 9 de l’arrêté du 20 octobre 2008

« Le droit d’opposition prévu à l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ne s’applique pas au traitement prévu par le présent arrêté. »

L’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié par la loi n°2004-801 du 6 août 2004, concerne les droits des personnes à l’égard des traitements de données à caractère personnel :

« Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement.

« Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur.

« Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l’application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l’acte autorisant le traitement. »


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP