le droit d’opposition à Base élèves 1er degré existe-t-il vraiment ?


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la justice
date de publication : vendredi 24 juin 2011
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Le droit d’opposition à Base élèves 1er degré existe ... sur le papier. En effet le Conseil d’État a déclaré « illégal » et annulé l’arrêté du 20 octobre 2008 modifiant Base élèves, en tant qu’il excluait toute possibilité pour les personnes concernées de s’opposer à l’enregistrement de données personnelles. Et le ministère de l’Éducation nationale a affirmé par la suite avoir rendu cet arrêté conforme à la loi “informatique et libertés” du 6 janvier 1978, en « annul[ant] les dispositions de cet arrêté qui interdis[ai]ent, [...] toute possibilité d’exercice de ce droit d’opposition ».

Cependant les faits ne paraissent pas aussi simples. On remarque tout d’abord que, dès octobre 2010, la directrice des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale adressait aux recteurs et aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’Éducation nationale, une note consacrée à l’« opposition de parents d’élèves à l’inscription de données relatives à leur enfant dans “base élève 1er degré” ». Dans cette note, elle refuse toute légitimité aux différents motifs invoqués jusqu’à présent par des parents pour justifier leur demande. En fait, jusqu’à aujourd’hui, on ne connaît pas de cas où les motifs attachés à une demande d’opposition des parents auraient été considérés comme légitimes. Tout se passe comme si le droit d’opposition n’était pas vraiment reconnu aux parents – il n’existe que sur le papier ... et ce n’est même pas certain.

D’autre part, comme vous pourrez le constater ci-dessous, nous n’avons pu trouver aucune trace d’un arrêté modifiant celui du 20 octobre 2008.

On ne sait comment comprendre cette situation ... Mais il est certain qu’elle ne contribue pas à apaiser les esprits et que ce n’est pas ainsi que l’on viendra à à bout des résistances qui continuent à se manifester devant l’emprise croissante de l’utilisation de l’informatique par l’administration de l’Éducation nationale. Deux événements récents en témoignent. Tout d’abord, l’adoption, le 27 mai dernier, à l’unanimité par l’Assemblée de Corse d’une motion par laquelle elle déclare « s’opposer au fichage numérique des enfants et des jeunes ». D’autre part, il s’est trouvé ces jours-ci plus de 400 parents pour déclarer collectivement leur opposition à la présence de leurs enfants dans les fichiers Base élèves.

[Mis en ligne le 20 juin 2011, avec l’intitulé “Des parents peuvent-ils s’opposer à la présence de leurs enfants dans base élèves ?”, mis à jour le 24 juin]



Une question écrite posée au Sénat

Le 4 novembre 2010, Françoise Cartron, sénatrice de la Gironde, a interrogé le Ministre de l’Éducation nationale sur la conformité du fichier Base élèves 1er degré (BE1D) avec la loi informatique et libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978 [1]

Dans sa question, Françoise Cartron appelait l’attention du ministre de l’Éducation nationale sur les deux arrêts du 19 juillet 2010, par lesquels le Conseil d’État avait notamment annulé les dispositions de l’arrêté du 20 octobre 2008 qui interdisent l’exercice de ce droit d’opposition pour motifs légitimes. Le Conseil d’État avait fixé un délai de trois mois pour que le ministère de l’éducation nationale se conforme à ses exigences.

Plusieurs associations de parents d’élèves et organisations syndicales lui ayant signalé que le ministère n’a toujours pas tiré les conséquences des décisions du Conseil d’État, Françoise Carton demande au ministre « de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre afin que le fichier BE1D soit en conformité avec les arrêts du Conseil d’État. »

La réponse du ministre

Dans sa réponse datée du 23 juin 2011, le Ministre de l’éducation nationale déclare avoir pris « toutes les mesures demandées par le Conseil d’État dans les décisions rendues le 19 juillet dernier sur les traitements de données BE1D et “base nationale des identifiants élèves” (BNIE). » [...]
Il précise d’ailleurs que « le droit d’opposition peut désormais être exercé, sous réserve de faire état de motifs légitimes. »

Comment les choses se présentent sur www.legifrance.gouv.fr.

1. - La version du 2 novembre 2008 de l’arrêté du 20 octobre 2008,
obtenue à l’adresse :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019712192&dateTexte=20081102

se termine par deux nota dont voici le dernier :

Décision du Conseil d’Etat n° 317182, 323441, en date du 19 juillet 2010 Art. 5 : l’arrêté du 20 octobre 2008 a été annulé en tant qu’il interdit expressément la possibilité pour les personnes concernées de s’opposer, pour des motifs légitimes, à l’enregistrement de données personnelles les concernant au sein de "Base élèves 1er degré"."

2. - La version initiale de l’arrêté obtenue à l’adresse
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ;?cidTexte=JORFTEXT000019712192&categorieLien=id

diffère peu de la précédente : l’affichage des nota disparaît, mais le haut de la page comporte les précisions suivantes : (version initiale) – JORF n°0256 du 1 novembre 2008 page, texte n° 19.

3. - La version datée d’aujourd’hui, 24 juin 2011, de l’arrêté, obtenue à l’adresse
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ;?cidTexte=JORFTEXT000019712192&ateTexte=20110624

comporte la mention : (Dernière modification) – 2 novembre 2008, ainsi que les notas.

Précisons que dans chacun de ces trois cas, le contenu de l’arrêté est strictement le même – à l’exception de la présence ou de l’absence des nota.

Que conclure ? ...

On est en droit de poser la question : l’arrêté du 20 octobre 2008 du ministère de l’Éducation nationale a-t-il bien été modifié comme le Conseil d’État l’avait spécifié dans ses arrêts du 19 octobre 2010 ?

Communiqué du CNRBE section Paris

Fichiers des écoles à Paris : plus de 400 lettres d’opposition de parents remises au Rectorat

17 juin 2011

Mercredi 15 juin, pas moins de 428 lettres de parents d’élèves, déclarant qu’ils s’opposent à la présence de leurs enfants dans les fichiers Base élèves 1er degré (BE1D) et BNIE, ont été remises en main propre à M. Gérard Duthy, l’Inspecteur d’académie chargé du premier degré au Rectorat de Paris.

Une délégation de parents d’élèves et d’enseignants, représentants ou soutenus par la FCPE, SUD Education, CNT Education, Privacy France et le CNRBE, a été reçue pendant une heure par M. Duthy.

Selon ce qu’a pu constater de visu M. l’Inspecteur, les directeurs à Paris « n’utilisent pas Base élèves ». Et pour cause, ils utilisent une autre base de données, GEPI (Gestion des élèves, du périscolaire et des inscriptions), gérée par la Direction des affaires scolaires de la mairie de Paris. Or, les données de ce fichier municipal sont basculées automatiquement dans BE1D, sans que les directeurs, encore moins les parents, puissent s’en rendre compte. [...]

La délégation a rappelé à M. Duthy que l’application des trois droits fondamentaux dont disposent les parents quant à l’exploitation de données nominatives sur leurs enfants — droit d’information, droit d’accès et droit d’opposition — était plus que défaillante dans les écoles parisiennes. [...]

La délégation s’est étonnée que le droit d’opposition, pourtant reconnu par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 19 juillet 2010, n’ait pas non plus été notifié aux parents en début d’année. [...]

La délégation a enfin profité de cette entrevue pour tenir l’Inspecteur d’académie informé des derniers problèmes de sécurisation des données, dont il semblait ignorer l’existence. [...]

La section Paris du CNRBE envisage d’autres dépôts de lettres d’opposition à la rentrée et des actions dans d’autres arrondissements pour informer plus massivement les parents d’élèves sur cette collecte de données personnelles que le ministère de l’Education nationale effectue aujourd’hui dans la plus grande discrétion, car l’expérience montre clairement qu’une fois donnée toute la publicité qui lui est due, la Bases-élèves suscite l’indignation. Renforcés par le vote unanime, fin mai, de l’Assemblée de Corse contre Base élèves, les opposants à ce fichier redisent haut et fort leur détermination à faire cesser le fichage systématique de tous les enfants scolarisés en France.

Voir en ligne : la suite de l’article

« Un outil de gestion ?J’ai toujours des craintes »

par Angélique Schaller, La Marseillaise, 9 juin 2011


Plaintes contre X, lettres individuelles ou courriers type à l’inspection académique, pétition, interventions au pénal, au tribunal administratif… Depuis 2008, des parents d’élèves marseillais se battent contre le fichier Base élèves.

« Nous voulons faire valoir notre droit d’opposition à l’entrée de données personnelles concernant nos enfants et nous-mêmes dans un dossier informatique. Droit que le conseil d’Etat a rétabli mais que l’Education nationale refuse toujours de nous donner. Pourquoi ? Parce que nous n’avons aucune preuve que ces données ne seront pas utilisées à des fins commerciales sachant que les relations entre Education nationale et entreprises sont toujours plus fréquentes. Parce que nous nous inquiétons de ce qui pourrait être fait de ces données, les interconnexions étant autorisées avec les mairies et probablement d’autres administrations. » Claire Monnier est mère d’élève à Marseille. Elle porte une des quatorze plaintes individuelles déposées hier devant le doyen des juges de Paris.

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Notes


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