Philippe Pichon : un lanceur d’alerte devant la justice française


article de la rubrique démocratie
date de publication : mercredi 11 septembre 2013
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Le commandant Philippe Pichon a été relevé de ses fonctions le 9 décembre 2011 pour une faute gravissime aux yeux de l’administration : il avait dévoilé dans la presse, avec l’accord des intéressés, les fiches STIC (Système de traitement des infractions constatées) de Johnny Hallyday et Jamel Debbouze, ceci pour dénoncer les aberrations de ce fichier de police.

Il estimait que, « quand la police nationale viole les droits des citoyens, la désobéissance est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, de la part d’un fonctionnaire républicain, le plus indispensable des devoirs » [1].

Philippe Pichon a comparu en justice le 10 septembre 2013 : quatre mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende ont été requis contre lui ...


FICHIERS : L’HOMME QUI AVAIT ENRÔLÉ JOHNNY HALLYDAY

[ Arrêt sur images, le 11 septembre 2013 ]


L’homme qui a enrôlé Johnny Hallyday dans le combat contre les fichiers s’appelle Philippe Pichon. C’est un lanceur d’alerte. Un vrai, bien de chez nous. Il est officier de police, ou plutôt ex-officier de police, puisqu’il a été placé à la retraite d’office, pour raison disciplinaire. Vous ne le savez peut-être pas, le procès ayant été peu médiatisé, mais il était jugé hier à Paris. Quatre mois de prison avec sursis, et mille euros d’amende, ont été requis contre lui.

Ce qui lui est reproché ? Avoir communiqué au site Bakchich les fiches de police de Johnny Hallyday et Djamel Debbouze. Plus précisément, des informations du fichier STIC (système de traitement des infractions constatées), qui rassemble des millions de fiches d’auteurs, et de victimes d’infractions. Avec beaucoup de chance, si vous connaissiez le nom de Philippe Pichon avant de commencer la lecture de cette chronique, vous vous souvenez de ça : ah oui, le policier qui a fait fuiter la fiche de Johnny. Avec encore plus de chance, si vous êtes abonné de longue date à @rrêt sur images, vous vous souvenez aussi que nous avions reçu Philippe Pichon sur le plateau.

Pourquoi a-t-il fait fuiter ces fiches de police ? Pour montrer qu’elles n’étaient pas à jour. STIC a théoriquement le droit de conserver des informations pendant vingt ans. Le fichier de Johnny comportait des mentions anciennes de 41 ans. Voilà ce que Pichon entendait dénoncer (et que ne rappellent pas les maigres compte-rendus de son procès, qui s’empressent en revanche de signaler que Pichon avait aussi consulté, de manière totalement illégale, les fiches de certains de ses proches, eh oui, personne n’est parfait). Au procès, la procureure lui a reproché -outre ces consultations "déplacées", qu’il a reconnues- sa méthode. Il y avait, selon elle, bien d’autres moyens, plus légaux, de dénoncer la gloutonnerie de STIC. Sans doute. Il y a la méthode de la CNIL, par exemple. Année après année, la Commission Nationale Informatique et Libertés dénonce la lenteur de la police à expurger son fichier (elle estimait en 2009 que seulement 17% des fiches étaient exactes). Avouons que c’est médiatiquement moins efficace que d’enrôler Johnny, et d’appâter Google en en faisant le titre d’une chronique. Ce que Philippe Pichon avait parfaitement compris.

Daniel Schneidermann


Notes

[1Référence : Le droit à l’exception citoyenne, par Philippe Pichon.
Une association de soutien à l’action de Philippe Pichon : l’ADSAAPP.
Lire également : Je ne connais pas Philippe Pichon.


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