le délit de blasphème n’existe pas


article communiqué de la LDH  de la rubrique libertés > liberté de création
date de publication : mercredi 15 novembre 2006
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La Cour de cassation considère que la publicité détournant la Cène de Léonard de Vinci relève de la liberté d’expression et ne constitue pas une injure dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse.


COMMUNIQUÉ LDH

Pas de contrôle religieux sur la liberté de création : le délit de blasphème n’existe pas

C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation en cassant l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait, le 8 avril 2005, condamné François et Marithé Girbaux pour une publicité inspirée de la « Cène » de Léonard de Vinci.

La Ligue des droits de l’Homme, qui était intervenue devant la Cour pour contredire la demande rétrograde des évêques de France, s’était vue condamnée à leur payer des dommages et intérêts, un comble s’agissant d’une telle question de principe.

La Cour de cassation vient de tenir, dans son arrêt du 14 novembre, son rôle de gardien des libertés fondamentales et des valeurs essentielles, et rappelle aux évêques, qui contestaient à la Ligue des droits de l’Homme qu’elle pût agir en défense des droits de l’Homme, que tel est bien son rôle !

En disant clairement que l’affiche litigieuse est une parodie de forme de la représentation de la « Cène », la Cour de cassation rappelle un principe essentiel de la liberté de création. En disant que cette représentation n’avait pas pour objectif d’outrager les fidèles de la foi catholique, la haute juridiction rappelle que l’iconoclasme n’est pas un délit, et que l’injure prévue par la loi sur la presse vise les discriminations des personnes à raison de leur religion, et non la libre discussion sur le contenu des croyances.

Paris, le 15 novembre 2006

L’association Croyances et libertés, relais des évêques de France, avait engagé une procédure judiciaire pour obtenir le retrait de la publicité inspirée du tableau où Léonard de Vinci représente le dernier repas du Christ et des apôtres.

La condamnation avait été rapidement prononcée, comme le permet la procédure en référé : le Tribunal de grande instance de Paris, en mars 2005, puis la Cour d’appel, en avril 2005, contre l’avis du Parquet, avaient fait retirer l’affiche, avec une astreinte de cent mille euros par jour à compter du troisième jour en cas de non-respect de la décision.

La plainte de l’association catholique dénonçait « l’injure visant un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l’occurrence le catholicisme ». La Cour d’appel avait motivé sa condamnation en estimant qu’il est « fait gravement injure aux sentiments religieux et à la foi des catholiques » et que cette « représentation outrageante d’un thème sacré détourné par une publicité commerciale » était de nature à provoquer « un trouble manifestement illicite ».

Aujourd’hui la Cour de cassation considère que la publicité détournant l’oeuvre de Léonard de Vinci relève de la liberté d’expression. « La seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène, qui n’avait pas pour objectif d’outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas une injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse ». En conséquence de quoi il n’y a pas lieu d’interdire, et la Cour de cassation annule la précédente décision de Justice. [1]

Notes

[1Lire un éclairage juridique intéressant de cette décision sur le Blog du Kazz.


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