La mairie de Verdun a annoncé l’annulation du concert que le rappeur Black M devait y donner le 29 mai 2016, dans le cadre d’une commémoration franco-allemande de la bataille de Verdun.
Cette décision fait suite à une violente campagne alimentée par des élus de droite et d’extrême droite, qui demandaient l’interdiction du concert de Black M, mettant en cause la participation du chanteur à un groupe contesté de rap.
Les autorités ont craint des "troubles à l’ordre public".
Audrey Azoulay, ministre de la Culture, a dénoncé "un ordre moral nauséabond".
Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Paris, le 19 mai 2016
Verdun, ne pas céder à la haine
Le vendredi 13 mai, jour de la commémoration des attentats de novembre 2015, la mairie de Verdun a annoncé l’annulation du concert de Black M programmé le 29 mai pour la commémoration de la bataille de Verdun, en présence du président François Hollande et de la chancelière Angela Merkel. Les Français aiment les commémorations : elles leur rappellent qu’ils ont jadis fait preuve de courage.
Ce serait mieux s’ils en faisaient preuve aujourd’hui. Car il s’agit de courage. Samuel Hazard, maire de Verdun, a invoqué des « risques forts de troubles à l’ordre public » face au « déferlement de haine et de racisme » suscité par la venue d’un rappeur dont les chansons, il y a six ans, avaient suscité la polémique. Des personnalités médiatiques de droite et d’extrême droite ont multiplié les communiqués et les pétitions et se sont, par la suite, bruyamment félicitées de l’annulation du concert.
On peut comprendre la peur. Recevoir le Président français et la chancelière
allemande dans une cérémonie d’ampleur internationale entraîne, pour la mairie, des contraintes peu compatibles avec la témérité. Mais qui, en l’occurrence, trouble l’ordre public ? Un chanteur invité officiellement par la mairie ou ceux qui déclenchent une campagne médiatique haineuse pour sa venue ?On peut comprendre la peur. Elle n’est pas toujours où l’on pense. Face à une
attaque en règle, Samuel Hazard s’est retrouvé singulièrement isolé. La Mission du Centenaire a retiré la subvention au concert ; Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, a souligné que le concert ne faisait pas partie des commémorations officielles et avait été programmé « en marge » des cérémonies. Cela s’appelle un lâchage en règle.La seule réponse à la peur est le courage. Annuler ce qui se voulait « un rendezvous populaire et tourné vers la jeunesse » suite à des communiqués, des pétitions et des harcèlements personnels, c’est accepter que des censeurs imposent leur loi à l’ensemble de la population et aux représentants de la République. Est-ce cela, la France dans laquelle nous voulons vivre ?
Des réactions indignées se sont déclarées après cette annulation. C’est le début du courage. Certaines ont demandé le maintien du concert, c’est déjà mieux. Le président de la République, trop tardivement, a assuré le soutien de l’Etat pour maintenir l’ordre public. Mais la peur avait fait son travail : le maire a maintenu sa décision d’annulation.
Que nous appréciions ou non les concerts de Black M, que nous ayons ou non été heurtés dans le passé par des prises de position sur lesquelles il est ensuite revenu, c’est notre devoir de soutenir la liberté de création d’un chanteur et la liberté de programmation d’une mairie. Oui, il faut du courage à un maire pour maintenir sa politique culturelle face à un tel déferlement de haine : il n’a pas à l’assumer seul. L’Observatoire de la liberté de création, fort des nombreuses organisations et personnalités qui le composent, l’assure d’ores et déjà de son soutien s’il revoit sa décision et s’il reprogramme ce concert. Contre la haine et le racisme, la solidarité doit triompher.
Black M ne se produira pas lors des commémorations officielles du centenaire de la bataille de Verdun, le 29 mai. Après plusieurs jours de polémique, la mairie a annoncé, vendredi 13 mai, l’annulation du concert du rappeur. Issu du groupe Sexion d’Assaut, Black M a vendu plus de 500 000 exemplaires de son album Les Yeux plus gros que le monde. Le 29 mai, des milliers de jeunes doivent participer aux commémorations de Verdun, auxquelles seront présents le président François Hollande et la chancelière allemande, Angela Merkel. Retour sur cette polémique.
L’extrême droite demande l’annulation du concert
C’est l’extrême droite qui est à l’origine de cette polémique. Le 10 mai, le site identitaire Français de souche explique « pourquoi le rappeur Black M n’a pas sa place » aux cérémonies de Verdun, en mettant en avant des propos qualifiés « d’homophobes » ou péjoratifs à l’égard de la France. Le lendemain, Marion Maréchal-Le Pen, députée Front national (FN) du Vaucluse, et le sénateur frontiste des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier, demandent à leur tour à l’Elysée d’annuler le concert de Black M. Ils dénoncent, dans un communiqué, non seulement « le choix d’un rappeur », « évidemment très critiquable pour un événement de ce type », mais aussi une formule utilisée par le rappeur dans l’un de ses titres :
« Dans la chanson “Désolé”, ce même “Black M” qualifie la France de “pays de kouffars”, terme très péjoratif signifiant “mécréants”, utilisé dans la propagande anti-occidentale de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique]. Il est inconcevable qu’un “artiste” qui insulte aussi violemment la France participe à un quelconque événement officiel de commémoration de notre Histoire nationale et d’hommage à nos combattants. »
La présidente du FN, Marine Le Pen, a jugé ces mêmes propos du rappeur « extrêmement injurieux à l’égard des Français », et le numéro deux du parti, Florian Philippot, a qualifié sa présence aux commémorations de « crachat contre un monument aux morts ». De Robert Ménard à Nadine Morano, d’autres voix, essentiellement issues de l’extrême droite et d’une partie de la droite, se sont jointes aux critiques.
Un petit-fils de Poilu porte plainte
Le 12 mai, le petit-fils d’un Poilu demande à la justice de suspendre le concert. Selon son avocat, Antoine Beauquier, qui a saisi le tribunal administratif de Paris, la présence du rappeur « dont la seule ambition est de s’amuser à Verdun, et dont on peut légitimement craindre qu’il use de termes outrageants pour la mémoire des soldats, serait particulièrement inopportune, sinon attentatoire à l’ordre public. »
Dans un entretien accordé à L’Est républicain, le chanteur avait invité, lundi, ses détracteurs à venir à son concert. « Qu’ils aiment ou pas ma musique : on va s’amuser », avait-il lancé.
Le maire de Verdun défend « un choix collégial »
Face aux critiques, le secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, affirme mercredi que « ce n’est ni l’Etat, ni le gouvernement, ni le président de la République qui ont choisi tel ou tel chanteur ». Faux, rétorque le maire de Verdun, Samuel Hazard (PS), qui assure que le nom « a été proposé par l’Etat », et que le choix de Black M a été collégial :
« Cette proposition a été faite à la ville de Verdun. Ce n’est pas l’Elysée ou un ministre qui a lancé l’idée, mais ça vient de l’Etat. Puis la décision a été prise collégialement dans le comité interministériel Verdun 2016 en avril, avec la Mission du centenaire, l’Etat, le département et les collectivités. »
Opérateur de l’Etat pour ces commémorations de la première guerre mondiale, la Mission du centenaire assure pour sa part que « la décision de faire venir Black M a été prise par l’agglomération du Grand Verdun ». Jeudi, la mission a décidé de ne pas lui accorder une subvention de 67 000 euros demandée pour le concert, sur un budget total de 150 000 euros.
La mairie annule le concert
Vendredi 13 mai, la mairie de Verdun a finalement annoncé l’annulation du concert. Une décision prise jeudi soir lors d’une réunion de la majorité, rapporte L’Est républicain. Dans un communiqué, la mairie invoque des « risques forts de troubles à l’ordre public », en raison d’une « polémique d’ampleur sans précédent » et d’un « déferlement de haine et de racisme ».
Dans L’Est républicain, Samuel Hazard explique que le standard de la mairie est depuis plusieurs jours « saturé d’appels insultants ». « Je suis menacé physiquement par ces appels. Des groupuscules menacent même de venir troubler l’ordre public », précise l’édile, qui estime avoir été « lâché » par le secrétariat d’Etat aux anciens combattants et la Mission du centenaire.
La réaction de Black M
« Je ne peux rester sans réponse face aux propos d’une extrême violence, tenus à mon égard, ces derniers jours. Je suis d’autant plus attristé par cette situation qui peut aujourd’hui toucher des milliers d’autres Français. Moi, Alpha Diallo, enfant de la République et fier de l’être, souhaite, par ce communiqué, faire barrière à ces propos haineux. »
Dans une lettre ouverte publiée sur les réseaux sociaux, Black M a rappelé que son grand-père a combattu durant la seconde guerre mondiale, parmi les tirailleurs sénégalais. Le chanteur déplore les « propos haineux » dont il a été victime ces derniers jours. Il rappelle qu’il a été « éduqué par la France, terre d’accueil de [s]es parents, terre qui [l]’a vu grandir et permis de vivre de [s]a passion ». Il précise avoir « ressenti une immense fierté lorsque l’on a fait appel à [lui] pour participer à un concert en marge de la commémoration de la bataille de Verdun, pour l’ensemble des jeunes Français et Allemands. » « Une polémique incompréhensible et inquiétante a malheureusement entraîné l’annulation de ma participation à cette manifestation », relève-t-il.