les intégristes catholiques contre la liberté d’expression


article  communiqué de l'Observatoire de la liberté de création  de la rubrique libertés > liberté de création
date de publication : jeudi 27 octobre 2011
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L’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des droits de l’Homme dénonce les comportements violents de groupuscules intégristes qui tentent d’empêcher les représentations d’une pièce qu’ils jugent “chritianophobe”. Des comportements à rapprocher des exactions commises en Avignon contre l’œuvre d’Andres Serrano.


Communiqué

L’Observatoire de la liberté de création soutient le théâtre face aux intégristes catholiques

Après les exactions commises en Avignon contre l’œuvre Piss Christ d’Andres Serrano, voilà que les groupuscules d’extrême droite ont décidé de perturber deux spectacles, Sur le concept du visage du fils de Dieu, création de Romeo Castellucci, en tournée depuis le 20 octobre, d’abord à Paris, au Théâtre de la Ville puis au Centquatre, ensuite à Rennes et à Villeneuve d’Ascq, et le spectacle Golgota Picnic mis en scène par Rodrigo Garcia, prévu à l’affiche du Théâtre de Garonne à Toulouse du 16 au 20 novembre, puis au Théâtre du Rond-Point à Paris du 8 au 17 décembre, dans le cadre du prestigieux Festival d’automne.

Les agités de Civitas et autres monarchistes ne se contentent pas de manifester leur désapprobation devant le théâtre de la Ville, ce qui serait leur droit, mais empêchent les spectateurs de rentrer et perturbent le spectacle de Castelluci en montant sur scène, en jetant des projectiles sur les comédiens et en chantant des cantiques pendant les représentations.

L’Observatoire de la liberté de création dénonce ces comportements violents qui tentent, comme tous les intégristes fondamentalistes, d’empêcher une représentation touchant à la religion non conforme à leurs dogmes étroits.

L’Observatoire de la liberté de création invite les représentants de l’Eglise catholique à se démarquer de ces exactions qui tombent sous le coup de la loi pénale, au lieu de les encourager par des prises de positions qui dénoncent des spectacles que manifestement les évêques n’ont pas vus, ce qui est le lieu commun de l’obscurantisme.

Paris, le 24 octobre 2011

Extrême-droite : la mouvance intégriste cherche sa revanche

Le Monde du 28 octobre 2011


La famille nationale-catholique donne à nouveau de la voix. Avec un terrain de prédilection : la protestation plus ou moins musclée contre des événements culturels jugés par elle christianophobes.

Ses militants manifestent quotidiennement, depuis une semaine, devant le Théâtre de la Ville, à Paris. Ils ont même réussi, à plusieurs reprises, à interrompre la représentation de la pièce de théâtre de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu (Le Monde du 27 octobre).

Aux avant-postes de cette mouvance contre-révolutionnaire, catholique intégriste, obnubilée par "la subversion" et dont les référents historiques sont les dictateurs espagnol Franco et portugais Salazar, se trouve un groupuscule, le Renouveau français (RF). Celui-ci a formellement revendiqué les actions menées au Théâtre de la Ville, pour lesquelles il était secondé par les maurrassiens de l’Action française.

FAMILIER DES ACTIONS "COUPS DE POING"

Créé par Thibaut de Chassey et redynamisé aujourd’hui par Gaël de Crépy, ce groupe avait déjà été très en pointe au mois d’avril. Il s’agissait alors pour lui de dénoncer des photographies de l’Américain Andres Serrano exposées à Avignon. L’une d’elles, intitulée Immersion, Piss Christ, avait été détruite par une action commando.

Le RF est en outre familier des actions "coups de poing" contre les manifestations homosexuelles, "kiss-in" (embrassades sur la voie publique) et Gay Pride, qu’il qualifie d’"aberrations anthropologiques". Certains de ses militants ont aussi été mis en cause lors d’une agression raciste, dans le 2e arrondissement de Paris, début 2011.

Pour ses faits d’armes devant le Théâtre de la Ville, le Renouveau français a reçu le soutien de Bruno Gollnisch, sur le blog de ce dernier. Ce n’est pas un hasard. Lors de la campagne interne du Front national, en 2010, les nationaux-catholiques avaient fait la campagne de M. Gollnisch, qui incarnait cette ligne politique face à Marine Le Pen. La défaite de leur candidat à la présidence du FN, en janvier 2011, a douché leurs espoirs de sortir de leur marginalité politique.

JEUNES ET BOURGEOIS

La thématique de la "christianophobie" arrive à point nommé. Elle a, pour cette mouvance, le double avantage de lui redonner une certaine visibilité – et, espère-t-elle, une dynamique – et de servir de ciment à cette famille éclatée, qui peine à se structurer. Plutôt issus de milieux bourgeois (et de l’Ouest parisien), les militants du RF sont jeunes.

Ils ont leurs entrées à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris), dont ils assurent, de temps à autre, "la protection", avec la bénédiction de l’abbé Xavier Beauvais, prieur de ce lieu de culte accaparé depuis plus de trente ans par des militants intégristes proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, créée par l’évêque schismatique Marcel Lefebvre.

L’abbé Beauvais n’est pas un modéré. On a pu l’entendre, en mai 2009, lors d’une messe commémorative dans son église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, faire appel à la figure du dirigeant de l’extrême droite belge Léon Degrelle, rallié aux nazis pendant la seconde guerre mondiale. Dans ce prêche adressé à un parterre de militants d’extrême droite radicale, sur fond de croix celtiques stylisées au-dessus de l’autel, l’abbé n’avait pas hésité à appeler au "martyre".

"GROUPE CHOC"

Xavier Beauvais est une figure de l’Institut Civitas, qui rassemble des catholiques traditionalistes et intégristes proches de l’extrême droite et qui se présente comme "un mouvement dont le but est la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ".

Le RF joue volontiers le rôle de "groupe choc" pour l’Institut Civitas, aux manifestations duquel il s’associe, se réservant le soin d’actions plus rudes et ne dédaignant pas la violence. L’Institut Civitas a ainsi appelé à une manifestation nationale à Paris, samedi 29 octobre, contre la "christianophobie".

Cette manifestation devrait réunir toute la famille nationale-catholique. Le Renouveau français y sera bien entendu présent, tout comme l’Œuvre française, groupuscule antisémite et pétainiste. Après la pièce de Romeo Castellucci, la mouvance a un autre spectacle dans le viseur à Paris : Golgota Picnic de Rodrigo Garcia, à l’affiche à partir du 8 décembre au Théâtre du Rond-Point.

Abel Mestre et Caroline Monnot


L’Eglise catholique condamne les violences

L’Eglise catholique a condamné, mardi 25octobre, les "violences perpétrées" en marge de la pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, au Théâtre de la Ville, mais demande "une liberté d’expression respectueuse du sacré", a indiqué le porte-parole de la Conférence des évêques de France, Mgr Bernard Podvin.

"L’Eglise catholique en France condamne les violences perpétrées lors de récents spectacles" et "promeut le dialogue entre la culture et la foi", selon un communiqué de Mgr Podvin.
"Elle réagit quand c’est nécessaire, avec détermination, et toujours par moyens pacifiques", poursuit le prélat.
"L’Eglise catholique en France n’est ni intégriste ni obscurantiste", conclut Mgr Podvin.

Comité de soutien à la liberté de représentation du spectacle de Romeo Castellucci au Théâtre de la Ville à Paris

Le 27 octobre 2011

Le théâtre contre le fanatisme

Depuis le 20 octobre 2011, date de la première, les représentations de Sur le concept du visage du fils de Dieu, de Romeo Castellucci, au Théâtre de la Ville, donnent lieu à des évènements graves.

Un groupe organisé d’individus qualifiés d’intégristes chrétiens, se réclamant en partie de l’Action française, a tenté d’empêcher l’accès au Théâtre de la Ville en bloquant les portes, en agressant le public, en le menaçant, en l’aspergeant d’huile de vidange, de gaz lacrymogène et en lui jetant œufs et boules puantes, tandis que leurs complices, militants du Renouveau français, entrés dans la salle, ont interrompu la représentation dès le début en occupant la scène et en déployant leur mot d’ordre : « La christianophobie, ça suffit ».

L’A.G.R.I.F. (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne) avait demandé par voie de justice l’interdiction du spectacle et avait été déboutée de sa demande par le tribunal de grande instance le 18 octobre 2011.

La police doit donc intervenir chaque jour à l’entrée du théâtre, et nous nous sommes vus dans l’obligation de l’appeler à l’intérieur de la salle à plusieurs reprises pour qu’elle évacue ceux qui occupaient la scène, ce qui s’est fait sans heurts, parce que nous avons veillé à éviter des affrontements entre ces envahisseurs et le public outré de tels agissements.

Le personnel du théâtre s’est montré résolu et efficace en ces pénibles circonstances, et, malgré les nombreux incidents et interruptions, les représentations ont pu, jusqu’à présent, avoir lieu.

Que ces groupes d’individus violents et organisés, qui se réclament de la religion contre une prétendue « christianophobie », obéissent à des mouvements religieux ou politiques, demande une enquête ; pour nous, en tout cas, ces comportements relèvent à l’évidence du fanatisme, cet ennemi des Lumières et de la liberté contre lequel, à de glorieuses époques, la France a su si bien lutter. Le théâtre a d’ailleurs très souvent été pour ces luttes, un lieu décisif.

On ne peut en rester là. De tels agissements sont graves, ils prennent une tournure nouvelle, nettement fascisante. Ces groupes d’individus s’empressent en outre de décréter blasphématoires, de façon automatique, des spectacles qui ne sont dirigés ni contre les croyants, ni contre le christianisme. Des critiques de journaux importants, qui ne font pas mystère de leur foi chrétienne, ont d’ailleurs loué sans réserve ce spectacle lors de sa présentation à Avignon. Nous vous invitons aussi à lire les déclarations de Romeo Castellucci, publiées dans le programme distribué chaque soir au public, pour comprendre ses intentions et son propos d’artiste.

Nous n’entendons pas céder à ces menaces odieuses, et ce spectacle sera maintenu malgré toutes les tentatives d’intimidation. Nous invitons le public à y assister, en toute liberté. Le spectacle, coproduit par le Théâtre de la Ville, y est présenté jusqu’au 30 octobre 2011 ; puis il sera repris, dans le cadre de notre partenariat, au Centquatre du 2 au 6 novembre 2011.

Il est d’ailleurs à noter que ce spectacle a été présenté sans troubles en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Russie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Suisse, en Pologne et en Italie, et que c’est en France qu’ont lieu ces manifestations d’intolérance.

Nous créons donc un comité de soutien s’adressant à toutes les personnes de bonne volonté - et cette expression est ici particulièrement bienvenue - pour défendre au-delà même du spectacle de Romeo Castellucci la liberté d’expression, la liberté des artistes et la liberté de pensée, contre ce nouveau fanatisme.

Emmanuel Demarcy-Mota, directeur,
et l’équipe du Théâtre de la Ville


Une liste des premier signataires : http://www.lepost.fr/article/2011/1.... Les soutiens peuvent être envoyés à comite-de-soutien-castellucci@theat....


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