sale temps pour les droits de l’enfant


article de la rubrique prisons > enfermement et violences contre les jeunes
date de publication : lundi 12 novembre 2007
version imprimable : imprimer


Par la loi du 9 avril 1996, "le 20 novembre, jour anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Convention internationale des droits de l’enfant, est reconnu Journée nationale des droits de l’enfant".

Adoptée en 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant est ratifiée en France en 1990. Elle oblige les Etats parties à modifier et appliquer leur appareil juridique en considérant l’enfant (le mineur) comme un sujet de droit dont "l’intérêt supérieur" est consacré. Seuls la Somalie et les Etats-Unis ne l’ont pas ratifiée.


Voir en ligne : La convention internationale des droits de l’enfant

L’actualité de ces droits en France est riche. Nous l’aborderons ici sous trois aspects, qui révèlent des menaces importantes pesant sur le mineur :

- l’enfant et la prison : la différence de traitement entre le majeur et le mineur tend à s’effacer, la seule solution apportée au problème de la délinquance des mineurs est la construction de nouvelles prisons ;

- l’enfant étranger : l’enfant est une des principales victimes des lois restreignant les droits des étrangers en France et notamment le regroupement familial ;

- l’enfant et l’école : des projets de fichage des enfants sans réelle assurance sur la destination et la sécurisation des données de même que les projets de suppression du collège unique ou de la carte scolaire inquiètent les défenseurs des droits de l’enfant.


L’enfant en prison

JPEG - 5.3 ko
fin 2006, 647 mineurs étaient incarcérés dans les prisons françaises et 200 dans les 18 centres fermés

En France, plusieurs lois viennent de modifier le droit pénal et reviennent sur les principes consacrés par l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.
Avec la loi sur la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, "la spécificité du droit pénal des mineurs agonise", comme le souligne Jean Danet [1].
L’enfermement des mineurs semble être considéré comme l’unique solution de prévention de la délinquance : on crée des établissements pénitentiaires pour eux [2], des centres fermés, recette à peine améliorée des maisons de corrections du XIXème siècle, qu’on appelle "éducatifs" [3].

Un article de Ban Public [4] revient sur cet aspect et d’autres de la vie de l’enfant en prison.

La journée des droits de l’enfant...en prison

Ban Public, édito de novembre 2007 [5]

[...]

Il y a cependant un lieu particulier, la prison, où la prise en compte des besoins spécifiques aux enfants (c’est-à-dire un "être humain âgé de moins de dix-huit ans" au sens de la convention) est moins prégnante qu’ailleurs.

Les très jeunes enfants (moins de 18 mois) peuvent séjourner en prison parce que leur mère y est incarcérée, qu’elle ait accouché alors qu’elle était incarcérée ou pas.

Les sorties de l’enfant pour rencontrer un autre membre de la famille sont possibles, aussi fréquemment que la mère le décide ; néanmoins, l’environnement quotidien de l’enfant reste la prison. Même si "les détenues enceintes et celles qui ont gardé leur enfant auprès d’elles, bénéficient de conditions de détention appropriées", d’après l’article D 400-1 du code de procédure pénale (CPP), l’univers carcéral est loin d’être adapté aux besoins d’un jeune enfant qui n’a d’autre solution, pour rester auprès de sa mère, que de partager son environnement. Des locaux spécialement aménagés sont prévus par l’article D 401 du CPP ; mais ils existent dans peu d’établissements, ce qui oblige parfois à des transferts, posant alors le problème du maintien des liens familiaux et amicaux.

Lorsque la mère reçoit des visites au parloir, en présence de son enfant, il arrive que celui-ci soit fouillé après le parloir, alors même qu’il n’a pas le statut de "personne détenue".

La séparation entre la mère et l’enfant intervient lorsque celui-ci atteint ses 18 mois. Il existe une possibilité de reculer la date de la séparation, sur décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, après avis d’une commission consultative. Cette date ne peut excéder les 2 ans de l’enfant. Il est difficile de comprendre que, dans ce parcours, "l’intérêt supérieur de l’enfant [soit] une considération primordiale", comme le stipule l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Les enfants sont également confrontés à la prison lorsqu’ils y rendent visite à un parent incarcéré.

Les conditions de ces visites ne sont pas toujours adaptées. Par exemple, les grandes pièces communes, où tout le monde peut se voir, ne sont pas d’une part propices à la tranquillité nécessaire à l’instauration d’une relation parent-enfant de qualité, d’autre part, donnent parfois à voir aux enfants des attitudes entre adultes qu’ils ne sont probablement pas en âge d’appréhender avec justesse. Le simple fait pour un enfant d’être confronté à la prison, avec l’attente, les contrôles pour y entrer, les longs trajets parfois et la brièveté des visites, n’est pas de nature à favoriser son épanouissement.

Enfin, les enfants sont confrontés à la prison lorsqu’ils sont eux-mêmes incarcérés.

Ils le seront d’autant plus avec certaines des dispositions de la loi du 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Cette dernière prévoit d’écarter l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans dans un certain nombre de cas ; de la même façon, elle instaure des peines minimales obligatoires en cas de récidive légale pour un certain nombre d’infractions. Certes, les établissements pour mineurs (EPM) ont pour objectif de placer au centre de la journée les activités éducatives, ce qui pourrait sembler être une réponse satisfaisante. Mais, d’une part, il existe encore très peu d’EPM et, de fait, les mineurs continuent de côtoyer les majeurs dans certains établissements. D’autre part, les débuts pour le moins difficiles de l’EPM de Lavaur ne sont guères encourageants, le personnel dénonçant un manque criant de moyens pour atteindre les objectifs fixés. Enfin, et surtout, les EPM resteront toujours des lieux d’enfermement ; et cette réponse ne peut être satisfaisante du point de vue de "l’intérêt supérieur de l’enfant".

La journée nationale des droits de l’enfant, le 20 novembre, pourrait être l’occasion d’aborder ces différentes questions à la lumière de la convention internationale des droits de l’enfant. Un enfant ne peut subir une peine indirectement parce que sa mère est incarcérée. Un enfant, au prétexte qu’il a commis une infraction comme l’aurait fait un majeur, avec la même violence par exemple, ne peut être traité comme un adulte ; agir comme le ferait un adulte ne signifie pas que l’on est adulte.


L’enfant étranger

JPEG - 39.7 ko
en 2006, 201 enfants sont passés par les centres de rétention administrative (source Cimade)

Enfants en rétention, restriction de la vie familiale et du droit à l’éducation : le milieu associatif, et notamment l’association Réseau Education Sans Frontières, a depuis longtemps mis en exergue les atteintes aux droits de l’enfant dans la lutte contre l’immigration [6].

Dernier épisode législatif : le vote de la loi Hortefeux restreignant les possibilités de regroupement familial. Cette loi foule aux pieds nombre de dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant comme le souligne la Défenseure de l’enfant [7], Dominique Versini [8].

La défenseure des enfants contre la loi Hortefeux

L’Express, 18 septembre 2007

La Défenseure des enfants s’oppose non seulement à l’utilisation de tests ADN pour les candidats au regroupement familial, mais juge certaines dispositions du projet de loi sur l’immigration contraires à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Quelles conditions relatives au regroupement familial vous semblent contraires à la Convention internationale des droits de l’enfant ?

Le premier droit fondamental de l’enfant est d’être élevé par ses parents, comme le soulignent les articles 7 et 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Selon le projet de loi, les demandeurs de regroupement familial, qui concerne les personnes en situation régulière, devront justifier d’un revenu de 1280 à 1536 euros bruts selon la taille de la famille. Il est légitime de s’inquiéter des conditions matérielles dans lesquelles l’enfant vivra à son arrivée, mais cela ne peut être une condition pour pouvoir le faire venir. Rappelons que 11 % de la population de France vit sous le seuil de pauvreté avec 788 euros par mois. On ne demande pas à un couple de justifier de ses ressources avant de faire un enfant !

La création du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille vous pose aussi problème…

Là encore, cette disposition du projet de loi part d’une bonne idée : le contrat d’accueil comporte une formation sur les droits et devoirs des parents en France. Je ne suis pas contre, mais lorsque cette formation ne sera pas suivie, le président du Conseil général pourra être saisi pour "difficulté liée à une carence de l’autorité parentale", avec pour possible conséquence la suspension des allocations familiales. Je ne vois pas en quoi un défaut de formation peut être assimilé à une "carence de l’autorité parentale".

Un sondage Opinion-Way réalisé pour Le Figaro-LCI montre que 74% des Français sont favorables à la limitation du regroupement familial aux seules personnes qui maîtrisent déjà la langue française. Qu’en pensez-vous ?

Ce résultat ne m’étonne pas du tout car on plonge les gens dans la confusion. On applique aux enfants des mesures destinées aux adultes. L’article 4 du projet de loi stipule que les mineurs de 16 à 18 ans maîtrisant mal le français devront suivre une formation de deux mois dans leur pays d’origine avant de pouvoir rejoindre leurs parents. Cela suppose que l’enfant devra payer des frais de dossier et passer deux mois dans une grande ville pour se former. Cette disposition mettra l’enfant en danger et retardera son arrivée. La menace sera plus importante encore pour les enfants de réfugiés politiques, qui pourront à leur tour être persécutés.

Vous vous êtes prononcée contre l’utilisation de tests ADN pour prouver la filiation dans les demandes de regroupement familial. Pourquoi ?

D’abord il faut savoir que dans la plupart des pays pauvres, les services d’état civil ne sont pas aussi rigoureux que les nôtres. Est-ce une raison pour leur demander de faire faire un test à leurs frais au moindre doute ? Que feront ceux qui n’en ont pas les moyens ? Il y a aussi le problème des enfants adoptés… Je crains également que cette mesure n’ouvre la porte à une nouvelle conception de la filiation en France, et à la généralisation des tests ADN. N’importe quel homme pourrait alors envoyer les cheveux de son enfant dans un labo pour savoir s’il est bien le père, comme cela est déjà le cas dans certains pays.


L’enfant et l’école

Projets de fichage des enfants sans réelle assurance sur la destination et la sécurisation des données, projets de suppression du collège unique ou de la carte scolaire...

Dans une lettre du 12 octobre 2007, le président de Défense des enfants International-France [9] a demandé une audience au ministre de l’Education nationale [10]. Elle s’inquiète des projets du ministère au regard du droit à l’éducation.

Les projets du ministère de l’Education nationale inquiètent la DEI-France

[...]
La généralisation du fichier centralisé « Base Elèves » présente à nos yeux le risque d’utilisation et d’exploitation d’informations personnelles à d’autres fins que les progrès scolaires des élèves. Le grave dysfonctionnement survenu le 17 septembre dernier à l’Inspection académique du Haut-Rhin [11] illustre le danger manifeste de non respect des droits des enfants étrangers. Nous nous réjouissons donc de l’annonce récente de la suppression de ce fichier d’un certain nombre de champs qui concernaient les élèves étrangers [12]. Pour autant, des informations sensibles s’y trouvent encore. qu’elles soient relatives au suivi personnalisé des élèves présentant des difficultés ou aux soins et aux rééducations que leurs familles leur font dispenser à l’extérieur de l’établissement. Nous craignons, compte-tenu d’une sécurisation semble-t-il limitée du système [13], la transmission, occulte ou non, de ces informations dans le cadre des missions de « prévention de la délinquance » confiées aux maires, à l’insu des familles concernées et à l’encontre des exigences de secret professionnel.

La fin annoncée du collège unique laisse craindre le retour à un système qui favorise une sélection précoce des élèves, alors même que TOUTES les études internationales, notamment celles conduites sous l’autorité de l’OCDE, montrent que les performances les plus élevées dans toutes les disciplines scolaires sont observées dans les systèmes éducatifs qui retardent le plus le moment des choix d’orientation. On observe alors une diminution de la fréquence des échecs scolaires, ceux-ci relevant plus de problèmes de santé physique et/ou mentale, ou encore de cadres et de conditions de vie difficiles, que de problèmes d’apprentissages proprement dits.

La suppression de la sectorisation scolaire ne milite pas en faveur d’une égalité des droits de tous les enfants à une éducation scolaire qui leur donne les meilleures possibilités d’insertion professionnelle et sociale. Bien loin de favoriser le choix éclairé de l’ensemble des familles, une désectorisation sans autre mesure d’accompagnement permet aux chefs d’établissement de « choisir » leurs élèves, ce qui est inacceptable eu égard aux principes fondateurs de l’école républicaine et aux exigences de la CIDE. Là aussi force est de constater que les pays où existe le libre choix de l’école n’obtiennent pas de meilleurs résultats en matière de réduction des inégalités sociales.

De façon plus générale, nous souhaitons vous entretenir de la recherche d’une adaptation de l’Ecole publique aux exigences définies par la Convention
Internationale relative aux Droits de l’Enfant en matière d’éducation.

• Nous demandons le respect du droit à l’éducation pour tous les enfants sans discrimination. Si les progrès accomplis en matière de scolarisation ordinaire des enfants porteurs de handicap(s) doivent être soulignés, beaucoup reste à faire en ce domaine (l’Etat a déjà été condamné pour n’avoir pas assuré la scolarisation d’enfants handicapés). Dans un même ordre d’idée, nous avons dû protester récemment, auprès de la mairie de Romainville qui refuse d’inscrire dans l’école du quartier les enfants logés en hôtel social avec leurs familles... Nous déplorons également que persistent encore de graves carences dans le suivi scolaire des mineurs incarcérés...

[...]

• Nous souhaitons tout particulièrement aborder avec vous le thème de
l’éducation, au sein du cursus scolaire, aux droits de l’homme et aux droits
de l’enfant
qui nous semblent encore trop méconnus et encore moins réellement mis en pratique, notamment en ce qui concerne l’incidence sur notre système éducatif des droits de l’enfant à participer et à exercer les libertés qui lui sont reconnues par les articles 12 à 15 de la CIDE.

[...]

Notes

[3Voir : article 1881.

[4Ban Public est une association ayant pour but de favoriser la communication sur les problématiques de l’incarcération et de la détention, et d’aider à la réinsertion des personnes détenues. Son site Internet est une source riche d’informations indépendantes sur les prisons.

[6Voir la rubrique : rubrique 67 et notamment : article 2325.

[7Le Parlement a adopté le 6 mars 2000 une loi instituant un Défenseur des enfants. Celui-ci est chargé de défendre et de promouvoir les droits de l’enfant tels qu’ils ont été définis par la loi ou par un " engagement international régulièrement ratifié ou approuvé " par la France.

[8Secrétaire d’Etat chargée de la lutte contre l’exclusion et la précarité dans le gouvernement Raffarin, Dominique Versini a été nommée Défenseure des enfants en juin 2006 par Jacques Chirac.

[9DEI-France est une association qui veille au respect par la France des engagements qu’elle a contractés en ratifiant la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Son président est Jean-Pierre Rosenzweig.

[11Voir article 2263.


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP