ouverture à Marseille d’un nouvel établissement pénitentiaire pour mineurs


article de la rubrique prisons > enfermement et violences contre les jeunes
date de publication : lundi 5 novembre 2007
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L’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille accueille le 5 novembre prochain ses premiers détenus. Une vraie prison destinée à accueillir 60 mineurs de 13 à 18 ans. C’est le quatrième établissement de ce type qui ouvre cette année après ceux de Lyon, Toulouse et Lille. Trois autres unités de ce type suivront, soit 420 places en tout.

[Première mise en ligne le 31 oct. 07, mise à jour le 5 nov. 07]

Dernière minute : L’EPM a ouvert malgré une grève

MARSEILLE [AFP le 5 nov. 2007 13h] — L’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille a ouvert ses portes lundi malgré un mouvement de grève observé par une quinzaine d’éducateurs.

L’arrivée de cinq mineurs en provenance de la prison de Toulon-La Farlède a cependant été reportée de lundi matin à lundi après-midi. Le syndicat CGT avait appelé vendredi le personnel éducatif des quatre EPM de France à la grève.

Les revendications des grévistes marseillais, qui représentent près de la moitié des éducateurs du site, portent sur les effectifs, les conditions de travail et le niveau des salaires.
Alors que le cahier des charges prévoit six éducateurs par unité de vie de dix mineurs, il n’y en aura que cinq à Marseille, selon la CGT, "ce qui aura des conséquences sur la prise en charge et le travail éducatif", a souligné Louisa Moussous, éducatrice et représentante du syndicat.
La CGT met en cause également des locaux trop petits, des moyens techniques insuffisants, l’absence de prime correspondant au travail d’hébergement sur les fiches de paie, ainsi que l’embauche de contractuels, qui représentent un tiers des éducateurs du site, selon le syndicat.

Une prison nouvelle à Marseille pour 60 mineurs

par Luc Leroux, La Provence, le 30 oct. 2007

Des couleurs pastel sur les bâtiments, un stade vert printemps et une vue en balcon sur la chaîne des calanques. L’établissement pour mineurs (EPM) - qui accueillera ses premiers détenus lundi - a des allures de collège mais, précise son directeur Vincent Dupeyre, "cela demeure une prison".

Le bâtiment de la Valentine, aux confins d’une zone commerciale des quartiers Est de Marseille, n’est pas flanqué de miradors, ni surplombé de barbelés et de filins anti-évasion. Mais l’établissement regorge de technologie : empreintes biométriques à la sortie des parloirs, poste central commandant l’ensemble des portes, 90 caméras sur l’ensemble du site…

Pour l’heure, dans des cellules qui attendent encore les matelas, les 57 surveillants et 36 éducateurs procèdent aux dernières simulations. Aujourd’hui, ils répéteront le scénario d’une situation de crise, avec rébellion, début d’incendie… Il faut être prêt à accueillir les soixante détenus qu’abritera cette nouvelle prison marseillaise avant Noël. Les mini-mutineries qui ont émaillé l’ouverture de l’EPM de Lyon ont conduit l’administration pénitentiaire à une mise en service progressive.

Cinq mineurs y seront transférés chaque semaine. Avant la fin de l’année, les quartiers des mineurs des prisons de Toulon-La Farlède (quinze places) [1] et d’Aix-Luynes (trente places) auront fermé. Les mineurs des Bouches-du-Rhône et du Var seront désormais écroués ici. Soixante détenus occuperont les cinq unités d’hébergement garçons et le pavillon des filles.

Petits bâtiments d’un étage, chaque niveau compte cinq cellules de 12m², aux normes, spartiates mais respectant la dignité : bureau, lit métallique, coin toilette isolé avec douche. Les téléviseurs seront livrés aujourd’hui. En régime de croisière, elles seront toutes éteintes à 23heures. Une cour de promenade et une salle d’activités par unité sont déjà équipées d’une table de ping-pong en béton et d’un baby-foot pouvant résister aux accès de colère.

Dans chaque unité, un réfectoire accueillera les repas en commun obligatoires. Pas question de cantiner et de se nourrir dans sa cellule. L’objectif est d’apprendre à se remettre à table comme d’aller chaque matin en classe. L’image carcérale s’impose crûment dans le quartier disciplinaire, "la prison dans la prison". Dans les EPM déjà ouverts, les procédures disciplinaires sont nombreuses.

"Il faut tenter de ne pas tomber dans la spirale infernale quand leur violence appelle nos réponses disciplinaires", indique Vincent Dupeyre. Avec l’objectif affiché de renouer le lien familial, les parloirs se feront dans une pièce claire, autour d’une table. L’oubli d’un abri pour l’attente des familles, devant la porte de l’établissement, devrait être réparé en février. Salles de classes équipées d’ordinateurs, ateliers de coiffure, de petite mécanique et des métiers de la vente pour la formation professionnelle… l’établissement est prêt, les uniformes des surveillants sont neufs.

"Notre difficulté, convient le directeur, c’est qu’en dépit d’une structure esthétique, l’EPM est plus contenante qu’un quartier des mineurs. L’effet pervers, au début, c’est que les gamins n’adhèrent pas au projet". La mixité de l’établissement - à l’exception de l’hébergement - est une révolution pour les personnels pénitentiaires. Elle a été voulue par les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, à l’image de ce qui se fait dans les centres éducatifs fermés.

Des prisons pour éduquer et punir les mineurs délinquants

En dépit d’une baisse régulière du nombre de mineurs incarcérés (932 en mai 2002, 723 en janvier 2006 et 682 en septembre 2007), l’administration pénitentiaire bouclera en 2009 son programme de construction de onze établissements pour mineurs (EPM). Celui de Marseille, bâti à la Valentine, recevra ses premiers jeunes prisonniers le 5 novembre.

Dans le même temps, les quartiers pour mineurs existants fermeront leurs portes. Près de 12% des 682 mineurs incarcérés en France au 1er septembre l’étaient dans des prisons de Provence-Alpes-Côte d’Azur : 37 à Aix-Luynes, 20 à Grasse, 12 au centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet, 11 à Toulon-La Farlède. Et un seul dans la prison de Borgo en Haute-Corse. D’ici 2009, les onze EPM programmés devraient permettre l’incarcération de 660 mineurs, de 13 à 18 ans.

Dans un souci déclaré d’éviter la promiscuité et de prévenir la récidive, les EPM affichent le double souci de punir et d’éduquer. Les jeunes prisonniers ou prisonnières, hébergés dans des unités de dix places, seront occupés de 7h30 à 21h30 par un programme hebdomadaire axé autour de 20h d’enseignement dispensées par du personnel de l’éducation nationale, 20h d’activités socioculturelles et 20h d’activités sportives.

Tous les mineurs incarcérés passeront entre trois et cinq jours dans une unité "arrivants", ce délai permettant à un binôme surveillant/éducateur de procéder à une observation et à des bilans. L’occasion aussi d’un examen médical et d’un entretien avec un psychologue ou un psychiatre. Chaque établissement comptera presque autant d’éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse que de surveillants de l’administration pénitentiaire.

Dans chaque EPM, il est prévu d’affecter 43 personnes au service éducatif, chargé d’une prise en charge des mineurs derrière les barreaux mais aussi une fois libérés. Les éducateurs veilleront aussi au maintien voire à la reconstruction des liens familiaux, une de leurs missions prioritaires.

Luc Leroux

L’école avec barreaux

par David Coquille, La Marseillaise, le 30 oct. 2007

Onze enseignants de l’Education nationale viendront dispenser 20 heures de cours par semaine à leurs élèves-détenus. Le parc informatique est conséquent et les classes n’auront pas plus de 6 élèves. Un binôme éducateur PJJ-surveillant s’occupera de dix mineurs au maximum. Un surveillant pénitentiaire ne sera jamais trop loin des professeurs pour intervenir en cas de nécessité. « Un éducateur en foyer n’a peut-être pas l’autorité ni la sécurité dans son action. Nous pouvons mixer les deux approches  », note le capitaine Stéphane Mathon, chef adjoint du service détention.

La journée type d’un jeune détenu se déclinera ainsi : réveil à 7h30, prise collective du petit déjeuner dans un des cinq réfectoires. Cours de 9h à 12h avec pause sportive. Remontée dans les unités de vie pour le repas de midi. Repos d’une heure en cellule. L’après-midi est consacré au sport et aux activités socioculturelles. Des phases de retour au calme sont aménagées pour canaliser le stress. Des activités d’arts plastiques, de théâtre, de judo sont accessibles. Une salle de bibliothèque, un atelier de mécanique et un salon de coiffure sont en cours d’aménagement.

L’EPM de Marseille n’a pas voulu reproduire l’erreur du lancement de l’EPM de Meyzieu à Lyon en juin dernier : 15 jours après son inauguration, une mini mutinerie avait éclaté nécessitant l’intervention de forces de l’ordre extérieures. Voilà pourquoi, la prison-école de la Barasse montera progressivement en charge et c’est le pragmatisme plus que l’obéissance à des schémas rigides qui commandera l’action des intervenants internes et extérieurs.

David Coquille

Notes

[1A La Farlède, l’actuel quartier des mineurs recevra le quartier arrivants, et les locaux devenus vacants recevront les semi-libertés transférés depuis Saint Roch — le centre de semi-liberté de Saint Roch devrait fermer vers la mi décembre. [Note de LDH-Toulon]


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