l’incarcération prolongée des mineurs est néfaste


article de la rubrique prisons > enfermement et violences contre les jeunes
date de publication : vendredi 11 mai 2007
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En attendant l’ouverture d’un nouvel établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), prévue à Marseille en octobre prochain, le quartier des mineurs du Centre pénitentiaire de Toulon - La Farlède accueille, en moyenne, une vingtaine de garçons de 14 à 18 ans. C’est dans cette unité que travaille, par choix, le docteur Catherine Rigaud, psychiatre, depuis près de deux ans.


« Je dois faire face, dit-elle, à une double pression : celle des personnes incarcérées qui veulent des médicaments “ pour ne plus penser ”, et celle de l’administration pénitentiaire qui souhaite la paix sociale, mais redoute la multiplication des prescriptions pour ne pas voir circuler trop de produits... »

Carences affectives

Si les pathologies psychiatriques sont nombreuses chez les majeurs, la situation est différente chez ces jeunes qui ont pratiquement tous souffert de carences éducatives et affectives : « En deux ans, j’ai constaté deux ou trois psychoses avérées ; la plupart du temps, il s’agit plutôt de troubles de la personnalité chez des jeunes issus de familles déracinées, recomposées ou monoparentales ; avec un niveau socio-culturel très faible. Pour les multirécidivistes qui ont un parcours de petite délinquance, la prison est vécue comme une banalité. C’est très différent chez l’adolescent qui commet un acte grave sans gros passé judiciaire : pour lui, la prison est une sanction immédiate, et il prend rapidement conscience de son geste. »

Catherine Rigaud applique une consultation obligatoire pour tous ceux qui arrivent, dans la première semaine de leur incarcération. Ils ne refusent pas de voir le « psy », même s’ils affirment « qu’ils ne sont pas fous »... Très vite, ces jeunes en souffrance commencent à parler.

« Je me sens utile »

Ils parlent de leur vie, passée, présente, de leurs idéaux, de leurs échecs : «  L’incarcération rend ces jeunes, parfois, plus disponibles au travail que je peux entreprendre avec eux ; parallèlement, les modalités de l’incarcération, qui sont dures (la violence institutionnelle est inhérente au système), réveillent chez eux une agressivité qu’on évite difficilement Mais ils sont à l’âge où l’on peut encore régler ce qui n’a pas été structuré dans la petite enfance. Dans ce milieu fermé, je peux faire un travail psychique de qualité et je me sens utile pendant les consultations. Mais le résultat final ne dépend pas de moi...  »

Le docteur Catherine Rigaud ne porte aucun jugement sur l’utilité – ou pas – de l’enfermement : « Face à la délinquance juvénile, je ne sais pas si la prison est une solution, mais c’est une réponse – et il en faut une, face à leur violence – à condition que l’incarcération ne se prolonge pas. Au-delà d’un certain temps, l’effet devient nocif, les mineurs ne se projettent plus dans l’avenir et développent des syndromes anxieux et dépressifs. »

Propos recueillis par Nicole Fau, Var-Matin du 9 mai 2007

Qui s’en occupe ?

La prise en charge des mineurs à la maison d’arrêt de La Farlède s’inscrit dans la prise en charge globale des détenus par le service de soins psychiatriques ambulatoires aux détenus, rattaché au centre hospitalier Henri-Guérin, à Pierrefeu. Trois praticiens hospitaliers, psychiatres, interviennent sur le site, sous la responsabilité du chef de service, le docteur Elisabeth Stern. L’équipe comprend également des infirmiers et des psychologues.


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