réforme de la justice et 1er parquet antiterroriste


article de la rubrique prisons > enfermement et violences contre les jeunes
date de publication : samedi 29 juin 2019
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Le site "Actu pénitentiaire" [1] fait quotidiennement le point sur les événements survenus dans les établissements pénitentiaires. Et certains sont particulièrement choquants.


29/06/2019 : "Le premier parquet national antiterroriste (PNAT) de l’histoire entre en fonction lundi : sous la direction du nouveau procureur Jean-François Ricard, vingt-six magistrats se consacreront aux affaires de terrorisme et de crimes contre l’humanité, du début des investigations jusqu’au procès.

Cette nouvelle structure, créée par la récente loi de réforme pour la justice, est voulue comme une "force de frappe judiciaire" antiterroriste adaptée à la menace d’aujourd’hui. (...) Les quatorze magistrats de la section sont intégrés au nouveau parquet antiterroriste et leur cheffe Camille Hennetier est l’un des deux procureurs adjoints de M. Ricard, avec Jean-Michel Bourles, ancien conseiller de l’ex-ministre Rachida Dati à la Chancellerie.

"Il y avait une volonté de stabilité car un dossier terroriste, c’est plusieurs années", explique à l’AFP Jean-François Ricard, 62 ans. (..) Grande nouveauté, le parquet antiterroriste représentera le ministère public lors des procès, en correctionnelle comme aux assises." [2]

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RÉFORME DE LA JUSTICE : LES PRINCIPES ET GARANTIES FONDAMENTAUX MALMENÉS (Communiqué LDH)

Alors même que la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle n’a été l’objet d’aucune évaluation, le gouvernement a initié une réforme de la justice qui, sous prétexte de rationalisation, de simplification et d’accélération des procédures, remet en cause les principes et garanties fondamentales nécessaires à l’existence d’une bonne justice dans une société démocratique.

C’est une véritable dévalorisation de la justice civile qui est initiée. Sous couvert d’une généralisation des modes amiables de règlement des litiges, le projet de loi officialise le recours à des services privés et payants en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage, proposés à l’aide d’un traitement algorithmique. A l’évitement du juge s’ajoute son éloignement vis-à-vis du justiciable. Le risque de rendre purement théorique le droit à un recours est ici favorisé par la suppression ou la réduction des compétences de juridictions de proximité ou le traitement d’affaires sans audiences.

C’est aussi une véritable atteinte aux droits et libertés des citoyens que propose ce projet de loi. La procédure pénale qui, aux termes de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, doit être « équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties », est l’objet d’une attaque généralisée. Les pouvoirs des officiers et agents de police judiciaire seraient considérablement renforcés au stade des enquêtes préliminaires et de flagrance, voire au cours de l’instruction.

La police, sous l’autorité d’un parquet non indépendant et partie poursuivante, deviendrait de fait un organe instructeur et le pivot de la procédure pénale. Des moyens intrusifs (interception, enregistrement et transcription des correspondances émises par voie de communications électroniques, géolocalisation, sonorisation, IMSI-catcher, captation d’images et de données informatiques), réservés aujourd’hui à la lutte contre le terrorisme et à la criminalité organisée, se verraient étendus à tout crime et même à tout délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, soit à la quasi-totalité des délits.

L’audience pénale, déjà malmenée par les comparutions immédiates, serait encore plus dénaturée avec l’institution d’une comparution immédiate « différée », la multiplication du recours aux ordonnances pénales, l’extension des pouvoirs du procureur de la République en matière de composition pénale, où il est juge et partie, une collégialité réduite avec l’extension des audiences à juge unique et une oralité des débats altérée avec l’instauration d’un tribunal criminel départemental sans jury populaire, contournant et marginalisant la cour d’assises.

Enfin, s’agissant des peines, le projet n’en interroge pas le sens et ne contient pas les mesures propres à mettre fin à la suroccupation pénitentiaire qui porte atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine. Au contraire, lorsqu’il envisage de supprimer tout aménagement pour les peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée supérieure à un an (au lieu de deux, actuellement), il porte en lui les ferments d’une surpopulation pénale aggravée.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) alerte les citoyennes et citoyens face à un projet d’une gravité extrême. Elle alerte le gouvernement sur les dangers que ce projet constitue pour les principes fondamentaux d’un procès équitable devant une juridiction impartiale. Elle lui demande de jouer son rôle en veillant à l’effectivité du droit à un recours juridictionnel pour tout justiciable, en s’attaquant aux causes de la surpopulation pénale, en donnant enfin à la justice les moyens qui lui sont nécessaires.

Paris, le 23 octobre 2018

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Violences :

Metz, oct 2018 : "Neuf détenus accusent des surveillants de la maison d’arrêt de Metz de s’être rendus complices de violences, rapporte France Bleu Lorraine. (...) Les faits se seraient déroulés au cours de l’année 2018. "Mon client a été frappé de coups de poings. La porte de sa cellule a été ouverte par deux surveillants pour laisser entrer d’autres détenus qui sont venus l’agresser", a raconté l’avocate de l’un des plaignants. Agressé fin mai, il n’ose plus sortir de sa cellule, même pour aller se doucher."

Prison de Sequedin, oct 2018 : "Un surveillant mis en examen pour une complicité de violences sur un détenu. Selon l’observatoire international des prisons, un surveillant a été mis en examen suite à des violences commises sur un détenu, le 12 septembre dernier. (...) la maison d’arrêt compte actuellement 867 personnes pour 584 places."

Suicides :

Prison du Port, oct 2018 : "Des agents pénitentiaires du Port ont découvert lors de leur ronde à 1H du matin ce mercredi, un détenu mort dans sa cellule. L’homme âgé d’une vingtaine d’années s’est donné la mort par pendaison, avec ses draps. Il était placé dans le quartier disciplinaire mais n’était pas connu pour ses penchants suicidaires."

France : "En prison, on compte en moyenne un décès tous les deux jours. La plupart du temps par suicide. En 2015, 63 personnes incarcérées sont décédées de mort naturelle, 121 par suicide. La France demeure l’un des pays qui présentent le niveau de suicide en prison le plus élevé de l’Europe des Quinze. Les personnes détenues se suicident six fois plus qu’en population générale, à caractéristiques démographiques égales (âge, sexe). Alors que le Conseil de l’Europe ne cesse de rappeler à la France que la prévention du suicide est une question de santé publique ..." [3]

Béthune, octobre 2018 : "Comment expliquer les trois suicides en une semaine à la maison d’arrêt ? En huit jours, trois détenus de cette maison d’arrêt du Pas-de-Calais ont tenté de mettre fin à leurs jours. Deux n’ont pas survécu ..." [4]

Une loi qui ne convainc pas (lire [5]) :

"Alors que le projet de loi de programmation et de réforme de la justice 2018-2022, va être examiné au Sénat à compter du 9 octobre, 19 organisations dont la LDH, s’inquiètent de ses effets concrets sur la situation des personnes placées sous main de justice. (...)

La situation actuelle dans les prisons impose un changement de cap. Au 1er septembre 2018, 70 164 personnes étaient détenues en France. Près d’un tiers de la population carcérale est détenue dans des prisons occupées à plus de 150%. Dans les maisons d’arrêt, des milliers de personnes vivent parfois à 2, 3, voire 4 par cellule, dans des conditions régulièrement dénoncées comme profondément indignes. ..."


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