Nous remercions Jean-Pierre Rosenczveig, président du Tribunal pour enfant de Bobigny, qui nous a permis de reprendre son blog du 1er mars.
Vous trouverez ci-dessous son point de vue sur la façon dont Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy traitent du problème de la délinquance juvénile. La seule liberté que nous ayons prise avec son texte a été d’ajouter un point d’interrogation final au titre [1].
On connait l’expression “bonnet blanc-blanc bonnet” consacrée lors de la campagne électorale de 1969 par Jacques Duclos le candidat communiste de l’époque
[2]. Régulièrement on l’applique allégrement et un peu rapidement aujourd’hui à la droite et à la gauche sur de nombreux pans de leur programme politique. Ainsi aujourd’hui la tentation est grande de mettre dans le même panier ce que proposent Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal pour aborder la délinquance juvénile. A l’appel à la répression entonné par le ministre de l’intérieur avec la préoccupation de supprimer l’excuse de minorité aux jeunes de 16 ans répond le souci de la candidate socialiste de “mettre les familles au carré” et de faire appel aux militaires pour encadrer les jeunes récidivistes.
De fait, si sur de nombreux points on trouve des analogies dans les deux approches, c’est bien que les responsables politiques ne peuvent pas négliger une réalité : l’opinion s’est durcie ; son seuil de tolérance s’est certainement abaissé au fil du temps, elle incline vers des réponses coercitives tout en se défiant de la prison qu’elle tient encore pour criminogène. La violence au quotidien, celle que l’on vit mais aussi celle que l’on vous répercute à longueur de média est insupportable et incompréhensible. On sait en outre que ce thème de l’insécurité croise celui de l’immigration dans la mesure où on associe un peu vite certes, mais on associe violence et jeunes issus de l’immigration.
En tous cas, il est difficile de tenir un discours de raison, donc pondéré, sur ces sujets sauf à être rapidement taxé – j’en sais quelque chose – de laxisme. Un peu comme dans les années 70 il fallait condamner en préalable le terrorisme pour avoir ensuite le droit de s’interroger sur les méthodes développées en Allemagne pour sanctionner les terroristes de la bande à Baader détenus !
Campagne électorale aidant, il n’en faut pas beaucoup pour qu’en plus nos candidats soient sur des réponses simplistes. Chacun sait que ce n’est pas tant l’ordonnance de 1945 qui est en cause que les moyens mis à disposition des juridictions ; comme nul n’ignore que le recours à l’armée ne peut pas être autre chose que ponctuel et marginal. Tout cela est bien court et constitue pas une politique.
Par-delà ces affichages destinés à rassurer les Français, sinon à ne pas les choquer, il faut quand même chercher la différence. Elle existe et on peut la découvrir même si les candidats sont portés à annoncer des préconisations qui sont très proches : aujourd’hui c’est la police de quartier pour succéder à la police de proximité abandonnée depuis 2002 ; hier le rapprochement portait sur les centres de sécurité pour mineurs avancés par Lionel Jospin comme par Jacques Chirac pour devenir les centres éducatifs fermés en 2002.
La différence aujourd’hui me parait résider sur un point fondamental : la prévention. Pour l’un elle doit être d’abord policière, pour l’autre elle est sociale. Mais je relève que l’un affiche dans ses discours une politique ferme mais étriquée quand l’autre – je vise le discours de Villepinte et la prestation sur TF1 – ne prononce même pas le mot mais en décline tous les pans comme Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
Pour Nicolas Sarkozy la prévention est dans le registre de l’encadrement et de la répression. Son slogan tient d’ailleurs dans une idée : la meilleure prévention, c’est la répression ! La loi dernière du nom qui vient d’être votée est de ce point de vue une remarquable illustration de cette approche. Pour cela il faut restaurer le respect de l’autorité, celle des parents, des enseignants, des policiers, des politiques.
A l’inverse j’ai été frappé en écoutant Ségolène Royal de relever qu’elle insistait sur toute une série de préconisations qui sont autant de pans d’une politique de prévention mais sans jamais globaliser et mettre en évidence combien ces politiques sectorielles pouvaient contribuer à prévenir des situations de délinquance. Je pense notamment à ce qui a été développé sur la nécessité de renforcer le service de santé scolaire ou de valoriser les compétences parentales.
En tous cas on regrettera que ces différences soient aussi peu visibles et somme toute peu mises en avant, preuve que la réflexion sur ces sujets de ceux qui aspirent à nous gouverner est encore à construire. On fonctionne aux raisonnements simplistes, à la recherche d’un consensus sur un sujet tenu pour très glissant.
De quoi renforcer le “ bonnet blanc, blanc bonnet ” qui peut se décliner dans l’isoloir par des votes extrémistes .
[1] [Note de LDH-Toulon] - Ajoutons, pour éviter d’être mal compris que l’expression "y a pas photo" signifie que le résultat est clair. L’origine de l’expression se trouve dans le domaine des courses hippiques : quand on ne peut pas voir à l’œil nu qui a franchi la ligne d’arrivée en premier, on utilise une photo pour départager les concurrents. Si le résultat est clair, on dit qu’"il n’y a pas photo".
[2] [Note de LDH-Toulon] -
Lors de l’élection présidentielle de 1969, Jacques Duclos candidat du parti communiste, après avoir obtenu 21.5 % des voix au premier tour, appellera à l’abstention pour le second tour, ne voulant pas choisir entre Alain Poher et Georges Pompidou – qu’il qualifiait de “ blanc bonnet et bonnet blanc ” – précisant “on me demande de choisir entre la peste et le choléra !”