le contrôleur général des lieux de privation de liberté critique les centres éducatifs fermés


article de la rubrique prisons > enfermement et violences contre les jeunes
date de publication : dimanche 2 janvier 2011
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Créés par la loi du 9 septembre 2002, les centres éducatifs fermés (CEF) accueillent pour une durée de six mois renouvelable une fois des mineurs délinquants. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié le 1er décembre dernier son rapport consacré aux quatre CEF qu’il a visités en 2009. Un rapport qui contient une série de critiques importantes.


Les critiques de Jean-Marie Delarue

selon Laurent Mucchielli [1]


  1. Ce sont des enfants toujours en difficultés, graves et cumulées, qui sont confiés par l’autorité judiciaire à ces centres. La loi fait obligation aux CEF d’assurer un « suivi éducatif ». Or une part du personnel est notamment constituée d’éducateurs « faisant fonction », parfois sans compétences particulières, peu ou pas formés à l’encadrement des mineurs.
  2. Les textes applicables prévoient que doit exister un "document individuel de prise en charge" qui organise le temps éducatif, en fixant des objectifs individualisés propres à conférer un sens au séjour de l’enfant dans l’institution. Or (…) l’utilisation d’un tel document est très inégale. (…) En outre, certains CEF sont dépourvus de projet de service. Il est paradoxal de demander à des adultes privés d’objectifs communs d’être cohérents à l’égard de mineurs dont l’histoire souvent chaotique les prive de tout repère utile. L’absence de ce projet énonçant des valeurs, des méthodes et une finalité commune a pour effet de décrédibiliser les adultes et d’insécuriser les mineurs. (…)
  3. Les contrôleurs ont constaté dans des CEF le recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique, laquelle est parfois érigée, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative. De manière générale, de grandes incertitudes existent dans la manière de définir la discipline et les moyens de la faire respecter. (…)
  4. Enfin, il existe de grandes variations selon les CEF dans le domaine de la prise en charge des soins somatiques des mineurs, du soin psychiatrique ou de l’assistance psychologique aux enfants, enfin, de leur éducation à la santé. (…)

Le 19 décembre 2010

Délinquance : "Les centres éducatifs fermés ne sont pas la solution"

par Claudia Choquet, L’Express, 10 décembre 2010


Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, tire la sonnette d’alarme sur les centres éducatifs fermés. Entretien.

  • Vos services ont visité en 2009 quatre centres éducatifs fermés et le bilan dressé est sans appel...

La liste des défaillances observées sur le terrain par mon équipe et moi-même est longue. La présence des infirmières notamment, est inégale : certains centres en ont une (une demie journée par semaine) tandis que d’autres n’en ont pas du tout. Par ailleurs, rien n’est prévu pour assurer un suivi régulier des enfants par un psychiatre ou un psychologue. Quant aux enseignants, fournis par l’Education nationale, ils sont en nombre insuffisant : il faut dire que les candidats ne se bousculent pas aux portes. Enfin, certains éducateurs pâtissent d’un manque flagrant de formation. C’est pour ces différentes raisons que nous tirons la sonette d’alarme dans notre rapport publié au Journal Officiel le 8 décembre.

  • Que reprochez-vous aux éducateurs ?

Il y a très peu d’éducateurs confirmés en France et la plupart d’entre eux refusent de travailler dans des centres éducatifs fermés... On se retrouve donc avec des personnes dépourvues d’expérience en matière d’éducation, comme des ouvriers par exemple, qui ont en charge des jeunes en difficulté. Or, improviser face à des adolescents difficiles relève de la mission impossible. Même avec la meilleure volonté du monde, un tel schéma peut conduire à des débordements.

  • Quels "débordements" avez-vous pu constater ? lors de votre tour des CEF ?

Des menaces verbales, des enfermements en chambre et même des coups portés sur l’enfant... Toute violence provenant d’un "éducateur" est illégitime, inappropriée et ne correspond pas aux valeurs éducatives françaises. L’enfant placé en CEF a besoin de retrouver des repères et une forme de sérénité. Et non de replonger dans une atmosphère haineuse. Mais encore faudrait-il lui montrer l’exemple...

  • Remettez-vous en question l’efficacité des CEF ?

Les conclusions de notre rapport sont très variables selon les établissements. Il y a des réussites comme des échecs. Certains ados s’en sortent, d’autres fuguent ou replongent dans la délinquance. Le centre éducatif fermé est une étape et non une solution : chaque élève doit être suivi pendant et après son passage dans l’établissement. Or, aujourd’hui, il arrive que ces jeunes soient lâchés dans la nature du jour au lendemain.

  • Que proposez-vous pour améliorer l’accueil et la prise en charge de ces jeunes ?

Il faut que chaque éducateur non qualifié suive une formation continue. Le gouvernement doit également prendre conscience qu’il faut recruter davantage de personnel. Tous ces réajustements demandent du temps et de l’argent et donc des fonds supplémentaires.


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