échec de la croisade de Rachline contre la mosquée de Fréjus


article de la rubrique extrême droite > Rachline, maire de Fréjus
date de publication : mercredi 11 novembre 2015
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Le maire de Fréjus continue à s’opposer fermement à l’ouverture de la mosquée dont la construction vient de s’achever. On reste perplexe devant le comportement paradoxal de ce maire qui fait obstacle à l’ouverture d’un lieu de culte décent pour les musulmans, alors que son parti dénonce les prières de rue. Il ne semble pas avoir une idée très précise de la laïcité — une notion largement méconnue dans le département du Var.

Suite à une décision du tribunal administratif de Toulon, la mosquée avait été ouverte deux jours pour l’Aïd, mais les musulmans demandent que l’ouverture soit permanente.

Il reste un contentieux important entre la mairie de Fréjus et l’administration d’une part, et l’association cultuelle d’autre part : il fera l’objet d’une audience le 24 novembre prochain. [1]

Mardi 27 octobre, on apprenait que la préfecture du Var avait mis la commune de Fréjus en demeure d’ouvrir dans les 15 jours le lieu de culte musulman de la Gabelle. On ne sait si c’est le début de la fin ... mais c’est l’occasion de faire le point.

Dernière minute (10 novembre 2015)

Le Conseil d’État ordonne l’ouverture de la mosquée de Fréjus

Le Conseil d’État a ordonné au sénateur-maire FN de Fréjus David Rachline d’autoriser, à titre provisoire sous huit jours et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l’ouverture au public d’une mosquée récemment construite.

[Mis en ligne le 31 octobre, mis à jour le 11 novembre]



S’insurgeant de cette décision, le maire de Fréjus a fait annoncer par son premier adjoint la tenue d’un référendum auprès de la population pour lui demander son avis sur l’ouverture de la mosquée.
Le maire de Fréjus déclare d’ailleurs ne pas être disposé à se plier à l’injonction de la préfecture. "Ouvrir la mosquée, je ne le ferai pas. Mais, bien sûr, les services de l’État doivent pouvoir se substituer au maire".

En revanche la conseillère régionale PS Elsa Di Méo voit l’affaire sous un autre angle. "Je suis ravie que l’État prenne ses responsabilités. Dans ce dossier, on ne peut pas assister tous les jours à des soubresauts selon l’humeur de David Rachline. Je l’ai toujours dit : les musulmans ont droit à un lieu de culte décent", explique-t-elle à Var-Matin [2].

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A Fréjus, le maire FN poursuit sa croisade contre la mosquée

par Mathilde Frénois, envoyée spéciale de Libération, le 24 septembre 2015


David Rachline a organisé ce jeudi, jour de l’Aïd, un rassemblement contre la construction du lieu de culte dans sa ville. Alors que la justice a ordonné son ouverture exceptionnelle et que le permis de construire date de 2011.

Jeudi soir, David Rachline s’est invité à la fête de l’Aïd el-Kebir. Non pour partager les traditionnelles festivités musulmanes mais pour manifester contre l’ouverture d’une mosquée dans sa ville. « Cette mosquée, la justice l’autorise contre vents et marées », martèle le maire FN de Fréjus. Les raisons de sa colère : un permis de construire selon lui frauduleux « accepté par l’ancienne municipalité en 2011 », une « association qui fait du prosélytisme à Fréjus et ailleurs » et une justice française « à géométrie variable ».

David Rachline n’a pas choisi cette date au hasard pour faire son discours. C’est en ce jeudi de l’Aïd que la mosquée a accueilli pour la première fois ses fidèles. Une ouverture exceptionnelle imposée par le tribunal administratif de Toulon saisi par l’association El-Fath.

« J’en ai la nausée »

Sur le front de mer de Fréjus, David Rachline a rassemblé plus de 200 personnes. Opposé à cette décision de justice qu’il juge « complaisante », il a minutieusement organisé la mobilisation : « Des tracts ont été distribués par des employés municipaux. L’appel à la mobilisation est aussi sur le site de la ville, détaille la PS Elsa Di Méo. Le processus est choquant, surtout lorsque l’on voit la nature de la mobilisation : il s’en prend à une décision de justice. » Derrière cette mobilisation contre une « mosquée illégale », David Rachline voit plus large : « Cette association ne doit pas prendre en otage Fréjus et ses habitants. Ses revendications communautaires font passer les lois d’Allah au dessus des lois de la République. » Un discours qui fait bondir Elsa Di Méo : « C’est une supercherie de faire croire que c’est une question de permis de conduire et de mosquée. La vérité est ailleurs : ils ne veulent pas de musulmans à Fréjus donc ils ne veulent pas de mosquée, s’insurge l’élue PS. J’en ai la nausée depuis deux jours. »

A la mosquée, les prières s’enchaînent. « On n’a pas l’habitude. Normalement, on prie sur le parking dehors même quand il pleut, même quand il neige, dit Heda. En tant que citoyen, ce n’est pas normal que l’on ne puisse pas avoir accès à l’intérieur. C’est une mosquée, pas une bombe atomique. » Koudir, lui aussi, est scandalisé : « Les chrétiens ont leur église, les juifs ont leur synagogue. Pourquoi on n’a rien pour prier ? Pourquoi ? » Oualid est un membre actif de l’association musulmane El-Fath qui a saisi la justice. A l’entrée de la mosquée, il tente d’apaiser les esprits. « Cette mobilisation, c’est une provocation. Aujourd’hui, il ne faut pas s’y rendre ni répondre », tente-t-il d’expliquer.

Une truelle et du ciment

L’histoire de désamour entre David Rachline et la mosquée de Fréjus a débuté en 2014, pendant l’élection municipale. « Avant, David Rachline n’a pas pris la parole pendant les débats, n’a pas participé aux consultations, ne s’est pas rendu sur place », raconte Elsa Di Méo. Le permis de construire a été validé en 2011 par l’ancien maire UMP Elie Brun, « sans opposition du FN », précise-t-elle. Les fondations sont coulées huit mois plus tard. Avec ses deux salles de prières et une bibliothèque, la mosquée peut accueillir jusqu’à 700 fidèles. Ce n’est qu’en 2014, alors que les travaux touchent à leur fin, que David Rachline saute sur le sujet qui deviendra l’un de ses principaux thèmes politiques.

La construction achevée, l’association cultuelle El-Fath fait une demande d’autorisation d’ouverture auprès de la mairie en juin dernier. Demande restée sans réponse. Pourtant, selon Oualid, le membre de l’association, la mosquée dispose de toutes les autorisations. « On n’a rien à se reprocher. La commission de sécurité est passée et tout est en ordre. » El-Fath saisit alors le tribunal administratif de Toulon qui condamne la mairie de Fréjus à ouvrir la mosquée ce jeudi.

Retour sur la plage de Fréjus. En fin de discours, David Rachline annonce qu’« un référendum sera organisé pour permettre au peuple de Fréjus de donner son avis : "Voulez-vous ou non une mosquée ?" » Quelques instants plus tard, le maire FN décide de jouer sur une image forte : « Puisque la justice autorise l’ouverture d’une mosquée illégale, construisons en toute illégalité un lieu de culte ». Une truelle et du ciment dans les mains, il pose sur le sable les premiers moellons de sa nouvelle église.

Notes

[1Un autre épisode judiciaire : lundi 26 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de référé déposée par l’association El Fath. Le tribunal a notamment considéré qu’il n’y avait pas urgence, car il est saisi sur le fond de ce dossier pour lequel une audience est prévue le 24 novembre prochain, en présence de l’ancien maire, Elie Brun.

[2Var-Matin, le 28 octobre 2015 ; la plupart des informations de ce billet proviennent des éditions de ce quotidien datées des 27 au 30 octobre.


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