Fréjus : le clientélisme comme mode de gestion


article de la rubrique extrême droite > Rachline, maire de Fréjus
date de publication : lundi 1er septembre 2014
version imprimable : imprimer


Après le site Mediapart [1] et l’hebdomadaire Marianne [2], le quotidien régional Var Matin a publié, le 1er septembre 2014, un dossier d’Éric Farel consacré à la gestion frontiste de la commune de Fréjus.

« Moi, maire de Fréjus, je m’attaquerai au clientélisme » avait promis David Rachline lors de la campagne pour l’élection municipale de mars dernier. En réalité, comme vous pourrez le constater dans le dossier de Var Matin [3] que nous reprenons ci-dessous, le clientélisme se porte fort bien à Fréjus.
Espérons que les grands électeurs du Var ne l’oublieront pas lors des élections sénatoriales du 28 septembre prochain, car David Rachline est en tête de la liste FN du Var.


Le clientélisme fait-il son grand retour à Fréjus ?

Le maire, David Rachline, avait promis d’éradiquer ce qu’il considérait être un cancer sous la gestion d’Elie Brun. Aujourd’hui, il se voit taxé d’emprunter le même chemin...

Il en avait fait l’un des thèmes centraux de sa campagne, ciblant ainsi ce qui était le talon d’Achille d’Elie Brun. Avec la conviction d’un chevalier blanc, David Rachline l’avait promis : «  Fini le clientélisme, bonjour la transparence. »Cinq mois, jour pour jour, après son élection, qu’en est-il des engagements de celui qui est devenu entre-temps l’une des figures montantes du Front national ?

Lui, dit qu’il n’a pas quitté le sentier dont il avait tracé les limites. Mais deux articles parus coup sur coup, l’un sur le site de Mediapart, l’autre dans Marianne, sont venus réactiver la suspicion.

Des zones d’ombre

Ce qui est reproché au maire de Fréjus, c’est d’avoir recours, de façon récurrente, à des sociétés proches de l’extrême droite pour régler certaines affaires de la ville. Ce fut le cas avec La Financière des territoires (notre édition du 26 avril), sollicitée en début de mandat, officiellement dans l’optique de réaliser un audit des finances communales. Son dirigeant, Clément Brieda, consultant d’un cabinet de conseil également connu sous le « pseudo » (!) de Bastien Doutrelant « a été directeur de campagne de l’Eurodéputé FN Bernard Monot », révèle Mediapart. Il a aussi contribué, selon Marianne, à la construction du programme économique du parti. Venu pour un audit, Brieda n’aura finalement participé qu’à la réalisation du budget primitif. L’analyse exaustive des finances fréjusiennes aura lieu, elle, en... 2015.

Plus récemment, l’élu frontiste a également fait appel à une autre société controversée. Toujours d’après Mediapart, La Patrouille de l’événement, installée à Fréjus quelque temps à peine après l’élection de Rachline, présente quelques zones d’ombre : son seul et unique client serait... la cité romaine, ainsi que l’a avoué à nos confrères, son cofondateur, Romain Petitjean. La Patrouille de l’événement a organisé plusieurs animations à Fréjus : la Fête de la musique, la retransmission de matches de la Coupe du monde sur écran géant ou encore l’ensemble des spectacles de l’été, dont la fameuse corrida sans mise à mort sur laquelle nous sommes revenus à plusieurs reprises. Est-elle proche du Front national ? Oui, répond encore Mediapart qui affirme que « ses actionnaires sont issus de l’extrême droite. »

Des dirigeants et actionnaires « étiquetés »

Dans ses rangs, on trouve un certain Minh Tran Long. Rebaptisé Minh Arnaud, « il a milité dans un groupuscule néonazi aujourd’hui dissous (...), et évolue dans le cercle des anciens du GUD. » Quant à Romain Petitjean, «  il est passé par le mouvement scout d’une organisation d’extrême droite puis chez les Identitaires.  »

Troisième entité visée, Vendôme Sécurité. Cette fois-ci, c’est Marianne qui donne l’information. Selon l’hebdomadaire, les « gros bras » qui montaient la garde à l’entrée des festivités estivales, sont des agents appartenant « à cette société bien connue du FN qui l’a employée à plusieurs reprises. » Son patron, Axel Loustau, est le trésorier de Jeanne, un micro-parti lié... au Front national.

Evidemment, cela fait beaucoup de coïncidences, même si, pour Rachline, il n’y a pas lieu de crier au scandale. Un avis que ne partagent pas ses opposants, de gauche comme de droite...

_______________________________

« Plus facile d’obtenir des marchés quand on est proche du FN » dénonce la gauche

La trêve estivale est rompue pour les représentants locaux du Parti socialiste qui rebondissent, comme l’exige leur rôle, sur les informations publiées sur le site de Mediapart, et reprises par Marianne.0
Des révélations qu’Insaf Rezzagui, la toute jeune porte-parole du mouvement, commente, au nom de sa section, sans mettre de gants... « Cela confirme ce qu’Elsa Di Méo et beaucoup d’autres affirmaient déjà : le clientélisme est devenu roi à Fréjus. » Elle enchaîne : « David Rachline, lors de sa campagne municipale, avait promis qu’il mettrait fin au clientélisme s’il devenait maire. Mensonge ! Et encore une fois, Fréjus en fait les frais avec deux sociétés mystérieuses, gérées par
des dirigeants et actionnaires au passé trouble.
 »

Philippe Moulin : « Fréjus est une ville sous influence »

Pour Insaf Rezzagui, la morale à retenir est simple : « Aujourd’hui, à Fréjus, il est bien plus facile d’obtenir des marchés et d’organiser des événements lorsque des liens avec le Front national et l’extrême droite sont avérés. Notre ville, conclut-elle, est tombée aux mains d’un clientélisme et d’un extrémisme qui ne peuvent qu’inquiéter les Républicains que nous sommes. »

Interrogée par Mediapart, Elsa Di Méo, candidate malheureuse des dernières municipales, va plus loin encore dans la critique : « Rachline est en train d’installer un système clientéliste à sa solde : des expertises bidons ou qui sont le fruit des copains (...) Le maire marque dans le marbre le manque de transparence alors qu’il devait solder l’héritage des mairies FN des années 90. »

Et à droite, que dit-on de l’affaire. L’UMP Philippe Moulin, aujourd’hui chef de file de la principale opposition officielle à Rachline, attaque dur. Dans la tribune qui devait être insérée dans le tout nouveau bulletin municipal, « Fréjus, le magazine » mais qui est finalement passée à la trappe pour cause de transmission... hors délais, il parle d’une « ville sous influence ». Sous influence de qui ? « De la direction parisienne du Front national, balance Mougin, c’est Marine Le Pen qui u convaincu Rachline de mener la liste FN aux Sénatoriales (...) En moins de 6 mois, il s’est vu imposer un directeur de cabinet (Philippe Lottiaux, Ndlr) et a alloué pour la création d’"emplois de cabinet" 141 000 euros jetant les bases de la façon particulière dont le Front National entend "diminuer drastiquement les frais de fonctionnement" »

Sur l’analyse des finances communales confiée à La Financière des Territoires l’opposant a beau jeu de dénoncer le fond et la forme : « Pas d’informations sur le choix du prestataire, ni sur le coût de la prestation - un avant-goût de l’image que l’on se fait au siège, à Nanterre, de "plus de transparence notamment dans l’attribution des marchés publics". Comme pour le choix de cette agence d’événementiel, à laquelle a été confiée l’organisation des animations... (...) On ne recrute pas de Fréjusiens, s’indigne Mougin, on ne fait pas appel à des sociétés locales, et surtout, on ne compte pas quand il s’agit de la "Famille" ». Un vrai réquisitoire !

_______________________________

Rachline : « Que Mme Di Méo soit claire »

Il n’en laisse rien paraître, mais David Rachline commence à s’agacer sérieusement du marquage à la culotte que pratiquent, sur son action, les observateurs politiques et médiatiques de tous bords. On le taxe d’organiser un « système » en puisant dans les cartes de visite des proches du FN. Sans démentir formellement – il aurait du mal à le faire –, il n’y voit pas la marque d’un quelconque clientélisme... « Pour qu’il y ait du clientélisme, il faut un rapport commercial [entre la ville et la société]. Où est ce rapport entre Fréjus et La Patrouille de l’événement ? Il n’y en a pas. Pour la Fête de la musique, on a fait un appel d’offres à destination de trois sociétés, dont deux sont dans les fichiers habituels de la ville. Seule celle-ci a répondu. Quant à la programmation estivale, pour laquelle l’ancienne municipalité n’avait rien prévu, plusieurs sociétés sont venues me voir. La Patrouille de l’événement, mais aussi Néonsplash et j’ai dit oui à tout. J’ai mis les Arènes à disposition (Ndlr, la location est de 1000 euros par soirée) donc, en plus, ça rapporte de l’argent à la ville. Vous voyez du clientélisme là-dedans ? »

Et La Financière des territoires ? Rachline s’est souvent exprimé sur ce point, trouvant « des compétences » à cette société et son expert, Clément Brieda, et se foutant « de savoir si celui-ci est au FN ou pas. »

Sur un point au moins, le maire de Fréjus ne peut être contredit : « Marianne parle de Vendôme Sécurité. Ils se trompent : nous travaillons avec Hexagone qui est en relation avec Fréjus depuis des années. »

Une affirmation confirmée par les clichés de notre photographe, pris lors des manifestations de l’été. Un dernier mot ? « Oui. Que Mme Di Méo soit claire. Qu’elle propose une loi, si un jour elle est députée, interdisant aux sociétés proches du FN de travailler. Ainsi, quand on est PS on pourra travailler, quand on est UMP on pourra travailler et quand on est présumé proche du FN, le diktat socialiste interdira qu’on le fasse. »

P.-S.

Complément (ajouté le 3 septembre 2014)

Pour (ré)écouter le reportage audio réalisé par Les Pieds sur Terre en partenariat avec Mediapart, “A Fréjus, ville FN, les centres sociaux trinquent”, diffusé le 1er septembre sur France Culture :


Notes

[1“Les villes FN, un nouveau business pour les sociétés proches de l’extrême droite” par Marine Turchi : http://www.mediapart.fr/journal/fra....

[2“Comment les copains de Marine Le Pen festoient à Fréjus” par Mathias Destal : http://www.marianne.net/Comment-les....


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP