mosquée de Fréjus : le bras de fer se poursuit (MaJ)


article de la rubrique extrême droite > Rachline, maire de Fréjus
date de publication : mercredi 20 janvier 2016
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Un mois après l’injonction du Conseil d’Etat, le sénateur-maire de Fréjus s’obstine à bloquer l’ouverture de la nouvelle mosquée, quitte à devoir régler ultérieurement de fortes amendes.
David Rachline espère que la décision du tribunal correctionnel de Draguignan lui donnera raison le 26 février prochain et entrainera la démolition de la mosquée de la Gabelle.

Après avoir fait le point sur la situation actuelle, nous donnerons ci-desssous la parole à un Fréjusien socialiste.

[Mis en ligne le 22 décembre 2015, mis à jour le 25 décembre, puis le 20 janvier 2016]



La justice ordonne au préfet d’ouvrir la mosquée (mise à jour le 20 janvier 2016)

Saisi en urgence par l’association El Fath le 14 janvier, le juge des référés du Conseil d’Etat a décidé de faire appliquer les décisions de justice que la municipalité avait jusqu’ici ignorées.

Il a donné 72 heures au préfet du Var, en vertu de son pouvoir hiérarchique sur la mairie de Fréjus, pour faire appliquer une ordonnance de référé du 9 novembre dernier qui demandait l’ouverture provisoire de la mosquée.

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Rejet d’une nouvelle requête demandant l’autorisation d’ouvrir la mosquée de Fréjus (mise à jour le 25 décembre 2015)

Ce jeudi matin, 24 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête présentée par l’association El Fath.
Elle demandait au tribunal d’obliger le préfet à se substituer au maire pour délivrer l’autorisation d’ouverture de la mosquée, comme l’ordonne le Conseil d’Etat.

Impossible selon la justice qui estime que, si le préfet possède bien un « pouvoir hiérarchique » sur le maire, il ne peut pas l’utiliser pour prendre des décisions de cette nature.

Sauf surprise, le prochain rendez-vous judiciaire de ce dossier devrait donc arriver le 26 février avec la décision du tribunal correctionnel de Draguignan sur les conditions dans lesquelles le permis de construire a été accordé.

A Fréjus, le maire FN garde les musulmans au froid

par Dominique Albertini, Libération, le 17 décembre 2015


Fréjus a beau avoir les pieds dans la Méditerranée, il y fait froid en décembre. Les musulmans du quartier de la Gabelle peuvent en témoigner : ils prient toujours dehors en cette fin d’année. Dans le même secteur existe pourtant une mosquée flambant neuve, financée par les fidèles et achevée au printemps. Une mosquée dont le Conseil d’Etat a dû ordonner l’ouverture le 9 novembre, car le maire FN, David Rachline, la maintient close, invoquant des problèmes d’urbanisme.

Un mois plus tard, les portes du lieu demeurent fermées, ce qui pourrait coûter cher à la mairie : dans sa décision, le Conseil d’Etat lui demandait de s’acquitter d’une somme de 3 000 euros à l’association cultuelle El Fath. A quoi s’ajoute une astreinte de 500 euros par jour de non-ouverture, soit un total d’environ 15 000 euros depuis le mois de novembre.

« Est-ce que les Fréjusiens sont au courant qu’ils nous versent cette somme tous les jours ? questionne un responsable de l’association. Sur un an, cela représente à peu près 180 000 euros : si ça continue, on va finir par pouvoir construire une deuxième mosquée à Saint-Raphaël [la ville voisine, ndlr]. Et je ne parle pas des frais d’avocat. » Un coût que David Rachline assume :
« J’attends que la justice se prononce », explique le sénateur-maire de 28 ans.

Démolition

La décision du Conseil d’Etat s’appuyait seulement sur la conformité du lieu aux normes de sécurité. Mais deux autres procédures sont encore en cours, visant les permis de construire accordés de manière quelque peu cavalière par l’ancien maire (UMP) de Fréjus, Elie Brun : l’une devant le tribunal correctionnel de Draguignan, où le parquet a réclamé la démolition de la mosquée et dont le résultat devrait être connu le 26 février ; l’autre devant le tribunal administratif de Toulon. « Dans son ordonnance, le Conseil d’Etat évoque une astreinte financière sous réserve de "nouveaux éléments", assure David Rachline. Si la justice tranche en notre faveur et annule le permis de construire, cette astreinte devrait donc tomber. » Pour l’heure, les sommes en question n’ont pas été déboursées : si elles doivent bien être payées, elles seront, selon l’avocat de la commune Frédéric-Pierre Vos, inscrites au prochain budget.

Le dossier de cette mosquée est un feuilleton à rebondissements. Durant la campagne municipale de 2014, le candidat Rachline en fait l’un de ses chevaux de bataille. Mais, une fois élu, il semble s’en désintéresser. « Le permis de construire est validé, le temps des recours est passé, je ne peux plus rien faire », explique-t-il en août 2014 aux Inrockuptibles. Soucieux de tranquillité, le nouvel édile veut également calmer le jeu avec les musulmans de sa commune. « Peu après les élections, on l’a rencontré dans un bistrot près de la mairie, raconte un membre de l’association El Fath. Il nous a dit que les municipales étaient passées et qu’on allait apaiser les tensions, que tant que les financements ne viennent pas de l’étranger, il ne nous casserait pas la tête. »

Lobby

Une discussion que confirme Rachline : « Je leur ai dit que, s’ils avaient tous les documents légaux pour que l’édifice reste en place, je n’irais pas faire de la politique sur ce genre de sujet. Puis, quelques mois plus tard, j’ai ouvert le dossier, et on s’est alors rendu compte des difficultés posées sur le plan de l’urbanisme et du droit en général. » Une frange ultra dans et autour du FN a sans doute contribué à cette prise de conscience, notamment le site Fdesouche.com. Très populaire parmi la base frontiste, celui-ci se veut un lobby identitaire vis-à-vis d’un FN jugé encore trop accommodant sur ces questions. A l’été 2014, son animateur rend compte de la poursuite des travaux de la mosquée de Fréjus. « On a reçu beaucoup de mails et de protestations d’adhérents. David Rachline était très ennuyé », témoigne alors un cadre FN aux Inrockuptibles. « Fdesouche, je ne sais même pas qui c’est », tranche aujourd’hui l’édile, agacé. Qui n’en a pas moins rouvert les hostilités contre la mosquée peu après la campagne du site, en refusant de délivrer l’attestation de conformité des travaux et en se joignant aux procédures lancées par la mairie (LR) de Saint-Raphaël pour faire annuler le permis de construire.

En attendant le dénouement de l’affaire, les fidèles prient « juste derrière la mosquée, à même le sol, quelle que soit la météo, explique un membre de l’association. Pour un maire qui prône la sécurité, ça peut surprendre. En plus, on ne nous propose aucune alternative. On n’est quand même pas des chiens ! » Mais pour Rachline, « ce n’est pas aux élus de trouver des locaux de prière ». Le maire promet que sa commune « ne fera rien contre l’édification d’un autre lieu de culte qui respecte les règles ». Et si la justice valide finalement le bâtiment existant ? « J’appliquerai les décisions de justice », veut-il bien consentir.

Dominique Albertini

La mosquée du quartier de la Gabelle, à Fréjus (Photo SaphirNews)

À Fréjus et ailleurs, défendre le droit de chacun de croire ou de ne pas croire

par Tarik Belkhodja, militant anti-raciste,
Publié le 26 novembre 2015 sur le site internet du Huffington Post


Depuis 26 mois maintenant, la ville de Fréjus vit au rythme des rebondissements, politiques et judicaires, de la construction d’une Mosquée pour les Fréjusiens de confession musulmane. Pendant des décennies, ces fidèles ont prié dans des garages, sans isolation, sans parking...

Mosquée "Missiri" (photo Wikipedia)

Fréjus dispose d’une Mosquée depuis 1930. La Mosquée "Missiri" fut construite par les troupes coloniales, à proximité de l’actuel camp militaire du 21 ème RIMA, en remerciement pour les sacrifices consentis par les soldats sénégalais, venus défendre la Mère Patrie. Cette dernière, qui au passage, leur refusait l’égalité des droits et la prise en main de la gestion de leur quotidien.

L’offensive, commune au Député "LR" et au Sénateur "FN" va conduire la ville à la division et à l’affrontement. Les prises de position sur ce dossier, sont instructives sur la mutation de la droite locale. A travers ses représentants, nous pouvons l’observer : pour le Député "LR", il est le seul à pouvoir "empêcher" réellement cette construction, dénonçant régulièrement ce qu’il nomme "l’inaction" du Maire FN de Fréjus. Ce dernier, au passage, a quand même organisé, le jour de l’Aïd (24 Septembre 2015) une manifestation islamophobe, pour dénoncer la "Justice à deux vitesses", dite "complaisante". De son côté, le représentant de l’UDI, multiplie les déclarations "fracassantes", dénonçant le "salafisme" rampant de ce quartier, proposant de détruire cette Mosquée (ce qui représenterait un fait inédit pour notre République) et la reconstruire, à proximité du ZOO de la Ville. On remarquera la modération, la marque de respect, et le souhait de construire un compromis républicain.

Fin février, la justice dira le droit

Je travaille sur ce quartier depuis le début des années 2000. Tous les jours, je rencontre des habitants de ce quartier. Mes enfants sont scolarisés dans ce quartier. Le quartier de la Gabelle, est un petit quartier, qui ne demande que la tranquillité. La majorité des "gabellous" sont maintenant des "vieux Fréjusiens". Il y résident depuis longtemps. Ils ont construit avec les services de l’Etat (dans le cadre d’un plan de Sauvegarde du quartier) et les services de la ville leur projet. L’idée n’avait rien de révolutionnaire. En lieu et place de garages aménagés, ils ont voulu un bâtiment aux normes de sécurité. Ils ont acquis les terrains. Déposé un permis de construire. Réalisé une collecte de dons privés. Arpenté les marchés, les commerces, les abords de la Mosquée. Ils ont recueilli le soutien de la justice par deux fois (décembre 2014 et septembre 2015) pour obtenir le droit d’ouvrir ce bâtiment dont la commission de sécurité a reconnu la conformité.

Dans un contexte local et national exceptionnel, le sentiment des habitants de ce quartier, comme des Français de confession musulmane de l’agglomération, est bien entendu celui d’un rejet. Le rejet de l’Islam, de ses adeptes, par l’extrême droite, la droite et le centre droit, dessine, l’abandon par les élus locaux du pacte Républicain. C’est une véritable offensive qui est menée, dans une course de vitesse discriminante, pour "chasser" les musulmans de notre ville. Au-delà du bâtiment lui-même, c’est bien l’enjeu de cette bataille. Et pour ceux qui en doutent, le silence des deux Maires de l’agglomération sur un éventuel "plan B" est une preuve irréfutable. A cela, on peut évoquer, les déclarations de l’adjointe au Maire de Fréjus "les enfants qui apprennent l’arabe sont des terroristes en puissance" (Février 2015).

Quelle que soit l’issue de ce procès, la gauche locale continuera, de défendre le droit de chacun, de croire (donc de pratiquer) ou de ne pas croire. C’est cela, la Laïcité. Et s’opposera de toutes ses forces à ce qui se dessine : "la rémigration". Cette idée, qu’il faut aujourd’hui chasser les non catholiques et les non européens de notre pays. La France, c’est sa diversité. A Fréjus, comme ailleurs. Sinon, ce n’est pas la France.

Tarik Belkhodja
candidat (PS) aux cantonales de 2015


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