le CNE, un an après


article de la rubrique droits sociaux > travail
date de publication : mercredi 9 août 2006
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Petit bilan critique du Contrat Nouvelles Embauches. Le Ministre, de passage à Toulon, est content de lui.

[première publication le 8 août 2006,
mis à jour le 9 août]


Ainsi donc le gouvernement défend toujours son dispositif n°1 de remise en cause du droit du travail. Rien n’y fait, le gouvernement voit dans son dispositif un moyen efficace de lutte contre le chômage et envisage de l’étendre aux entreprises de plus de 20 salariés.

"Satisfecit du Ministre"

En vacances dans le Var, c’est en tenue décontractée sans cravate, les cheveux bien courts, que le ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales Renaud Dutreuil est venu fêter les un an du CNE.

Accompagné du Préfet Dartout, d’élus, du président de la Chambre de métiers Michel Serra, il rendra visite à l’entreprise "Décor colonial" situé à La Valette, pour faire le point sur ce Contrat nouvelles embauches.

« C’est une réussite car il contribue à la baisse du chômage », soulignera le Ministre tout en fustigeant les syndicats qui pointent du doigt la dérive précaire de ce type de contrat où il n’y a aucune garantie pour le salarié.[...]

Témoignages

Pour M. Léopold, patron de "Décor colonial", « j’ai deux magasins en difficulté, j’étais en perte d’affaires, le CNE était l’outil approprié pour savoir si l’on devait garder le magasin et ça fait un an. J’ai l’idée d’embaucher un apprenti pour les fins de semaine. »

Du côté de la jeune femme qui signait il y a un an le CNE, elle explique sa situation de l’époque : « Dans le commerce avec mon époux, à notre divorce, je me retrouve au chômage à 45 ans. Je suis une formation en informatique et cherche un job. Je rencontre M. Léopold et accepte ce CNE. Je n’ai pas hésité, j’ai signé. Nous sommes en confiance tous les deux... J’espère que cela va durer. »
[...]

Guy Mouisse
La Marseillaise, 9 août 2006

Le CNE, qu’est-ce que c’est ?

extrait de Libération du 3/08/06

Prévu d’abord pour les entreprises de moins de 10 salariés, le nouveau contrat s’applique pour celles de moins de 20 salariés.

Il instaure une période de "consolidation" (d’essai) de 2 ans pendant laquelle l’employeur n’est pas tenu de justifier le licenciement.

Pour des analyses plus complètes du dispositif, voir les articles de Gérard Filoche et de la Fondation Copernic.

Petite histoire du CNE

Août 2005 : des ordonnances estivales

Réponse au NON au référendum sur la Constitution européenne, qui fut pourtant en grande partie un rejet du libéralisme économique, le Contrat Nouvelle Embauche est la mesure phare du plan d’urgence pour l’emploi du Gouvernement Villepin, en fait une importante remise en cause des protections du droit du travail, mise en place sans concertation paritaire ou législative [1].

La mobilisation sociale

Face à ce constat, la LDH et les organisations syndicales se mobilisent notamment lors de la journée de mobilisation du 4 octobre 2005 [2].
Le gouvernement ne renonce pas et se félicite très tôt d’un succès du CNE plus fantasmé que réel.

Cependant, l’espoir renaît avec la victoire contre le CPE. La LDH rappelle sa position et demande l’abrogation du CNE.

La bataille juridique

L’échec des premiers recours juridiques [3] devant le Conseil d’Etat des organisations syndicales ouvre paradoxalement la voie à la possibilité de contester une rupture abusive pendant la période de consolidation devant les conseils des prud’hommes.

En février 2006, pour la première fois, les prud’hommes de Longjumeau (dans l’Essonne) condamnent un dirigeant de PME à 17 500 € de dommages et intérêts pour "rupture abusive de période d’essai" et "rupture de période de consolidation".

De nombreux recours devant ces tribunaux sont remportés par les salariés et confrontée à ces multiples sanctions pour "abus de droit"

Les organisations syndicales comptent toujours obtenir gain de cause devant le Bureau international du travail : selon elles, le CNE viole la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et l’article 24 de la Charte sociale européenne, textes ratifiés par la France qui posent « l’obligation de justifier d’un motif de licenciement ».

L’inefficacité de "l’outil de lutte contre le chômage"

Mais le CNE doit également être attaqué sur son bilan plus que mitigé.

La première et la seule étude disponible sur les effets de la mise en place du CNE reste celle de la DARES [4] dont les conclusions infirment les prévisions de la majorité gouvernementale :

"Le Premier ministre s’était un peu rapidement enthousiasmé pour les emplois prétendument créés par ledit contrat, allant jusqu’à se féliciter qu’un quart des 340 000 CNE signés en dix mois étaient des créations de poste. En juin, il a même ajouté que « 90 % des CNE signés depuis dix mois sont toujours en activité » . Son enthousiasme a été douché en juin par une étude réalisée par le ministère de l’Emploi lui-même : seul un CNE sur dix correspond à une création d’emploi." (Libération du 3 août 2006).

Le CNE remplace donc des embauches qui auraient été faites de toute façon sous d’autres contrats.

Si "une étude ne fait pas le printemps" (Villepin), l’opinion n’est pas dupe. Un récent sondage rend compte de sa perplexité [5].

La LDH réclame le retrait du CNE qui remet en cause le contrat à durée indéterminée, "seul statut juridique réellement protecteur du salarié" [6].

Les élections présidentielles doivent être l’occasion d’un vrai débat autour des enjeux des nouvelles protections pour le travailleur.

Notes

[1Ordonnance n°2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches

[2Y compris à Toulon.

[4Téléchargeable sur le site du ministère du travail : http://www.travail.gouv.fr/IMG/pdf/... (292 KO, format PDF).

[5Selon un sondage BVA d’octobre 2005 sur l’opinion des français à propos du CNE : 49% estimaient que c’est une bonne mesure, 48% estiment que c’est une mauvaise mesure, 3% ne se prononçant pas.
En mai 2006, dans la foulée du succès de la mobilisation contre le CPE, 45% étaient pour le retrait du CNE, 43% contre, 12% indécis. L’Humanité du 3/08/06


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