pôle emploi : fusion dans la confusion de l’ANPE et des Assedic


article de la rubrique droits sociaux > travail
date de publication : mercredi 29 avril 2009
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La fusion de l’ANPE et de l’Assédic est effective depuis janvier 2009. Simultanément, en trois mois, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi en catégorie A (sans activité) a augmenté de 243 400 personnes – fin mars 2009, il s’établit à 2 448 200 en France métropolitaine. Le chiffre total des inscrits, qui tient compte du million de chômeurs exerçant une activité réduite (catégories B et C), atteint 3,48 millions en France métropolitaine et 3,68 millions avec les DOM.

Dans ce contexte de montée brutale du chômage, la fusion ANPE-Assédic a provoqué dysfonctionnements et tension. En témoignent les quelques exemples repris ci-dessous, que l’on complétera en consultant le site La fusion pour les nuls. [1]

Par ailleurs, les personnels de Pôle emploi sont appelés par leur hiérarchie à participer à la chasse à l’étranger qui sévit dans ce pays en vérifiant l’authenticité des papiers des demandeurs et en dénonçant les suspects. Le Réseau emploi formation insertion – REFI – propose de regrouper celles et ceux qui refusent d’entrer dans la délation.


Un choc de cultures entre l’ANPE et les Assedic. (AFP)

Le Pôle emploi a encore beaucoup de travail.
La fusion se heurte à des obstacles sévères

par Jacky Sanudo, Sud Ouest, 8 avril 2009


La hausse vertigineuse du nombre des demandeurs d’emploi, de 90 000 en janvier, de 70 000 en février, a provoqué un afflux massif dans les agences du Pôle emploi, structure née de la fusion en décembre dernier de l’ANPE et des Assedic.

Le nombre prévu des nouveaux chômeurs en 2009 était de 300 000 à 320 000. Au rythme actuel, il risque d’être de 500 000 à 600 000.

  1. L’explosion du chômage depuis le mois de septembre
    À partir du mois de septembre 2008, on a assisté à une véritable explosion du nombre de demandeurs d’emploi. Selon les chiffres officiels, leur nombre a augmenté de 3,5 % en février par rapport à fin janvier en moyenne nationale, soit 19 % en un an. En Aquitaine, la hausse de février n’a été que de 2 %, soit 16,8 % sur un an, pour atteindre le chiffre de 112 827 personnes (catégorie A) [2]. En Poitou-Charentes, la hausse est de 3,3 % en février et de 20,1 % en un an, pour atteindre le chiffre de 58 860 (catégorie A). Ces données confirment un certain ralentissement de la hausse en Aquitaine par rapport au reste du pays. La perspective de nouveaux plans sociaux dans le Sud-Ouest et dans des entreprises importantes ne peut cependant pas garantir que cette tendance se maintienne.
  2. La promesse du nombre de chômeurs par conseiller
    La réforme prévoyait un « suivi mensuel personnalisé » par un conseiller qui devait s’occuper au maximum de 60 demandeurs d’emploi. En temps normal, la promesse était déjà difficile à tenir, compte tenu du temps nécessaire pour former les agents de l’un et de l’autre service public. En raison des chiffres du chômage, elle est devenue impossible à respecter.
    Selon des données relevées par le syndicat SNU du Pôle emploi à la date du 13 mars dernier, le nombre de demandeurs d’emploi avait atteint 219 à l’agence d’Arcachon, 251 à Bergerac, 179 à Pau-centre, 213 à Bayonne, 203 à Périgueux.
  3. La sécurité des agents en question
    L’intersyndicale du Pôle emploi Aquitaine a attiré l’attention du Comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT) pour que les agents bénéficient de mesures « pour prévenir les violences ». Selon un syndicaliste, les actes d’incivilité et même les agressions verbales se multiplient. Pour l’instant, ils ont été maintenus dans certaines limites, mais les agents commencent à craindre chaque jour qu’un incident ne dégénère.
  4. La gratuité du 39 49
    Les demandeurs d’emploi, qui avaient obtenu la gratuité pour leurs appels à l’ANPE sur le 39 49 appelé depuis un téléphone fixe, doivent faire face aux nouveaux opérateurs téléphoniques. Ceux-ci ne reconnaissent pas les numéros de portable et les soumettent à une surfacturation qui dépend de l’opérateur. Comme les demandeurs d’emploi se servent de plus en plus de leur téléphone portable, la gratuité de l’appel au Pôle emploi est de plus en plus remise en cause. Laurent Wauquiez a commencé des négociations avec les opérateurs pour en revenir à cet acquis.
  5. Le choc des cultures
    La fusion de l’ANPE (27 000 agents en 2007) et des Assedic (16 000 salariés en 2007), qui a été scellée par la loi de février 2008, a été un véritable choc.
    D’un côté, les agents de l’État à l’ANPE (administration créée en 1967), et de l’autre des salariés de droit privé relevant d’associations paritaires gérées conjointement par le patronat et les syndicats. Les avantages acquis (jours chômés, frais) liés à la gestion paritaire, et à une situation financière moins contrainte, ont souvent été mal vécus par les anciens de l’ANPE, qui ne pouvaient pas y accéder. L’abîme existant entre les méthodes de travail de ceux qui n’avaient qu’à appliquer les méthodes de calcul de droits aux indemnisations et ceux qui devaient parfois motiver les demandeurs d’emploi à accepter les propositions qu’on leur faisait ou inciter les employeurs à ne pas chercher « l’oiseau rare » qu’ils n’avaient pas dans leurs listes a été difficile à combler en quelques mois.

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L’association AC ! Gironde (Agir ensemble contre le Chômage) donne son point de vue sur le Pôle emploi

La fusion ANPE-Unedic ne pouvait tomber à plus mauvais moment. Alors que le nombre de chômeurs augmente tous les mois, les dossiers en attente se multiplient. Explications et témoignages.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, au local d’AC ! Agir ensemble contre le chômage Gironde, on ne tire pas à boulets rouges sur le Pôle emploi. Du moins pas sur ses employés.

C’est en tout cas la position adoptée par la présidente de l’association, Joëlle Moreau. « Je n’ai pas envie de critiquer les agents et les directeurs territoriaux. Il faut leur laisser un peu de temps pour juger de l’éventuelle efficacité de la fusion entre l’ANPE et les Assedic, effective depuis le 5 janvier », dit-elle.

Pas question cependant d’attendre les bras croisés en cette période noire pour l’emploi. La semaine dernière, lors d’une entrevue avec la direction régionale du Pôle emploi, elle a tenté de faire avancer des points. Joëlle Moreau a demandé que le 39 49 devienne un numéro d’appel gratuit alors qu’il est facturé actuellement entre 20 centimes et 1 euro. Elle a également reçu l’assurance que les coordonnées des associations oeuvrant contre la précarité soient affichées dans les centres du Pôle emploi.

Côté chiffres, il lui a été confirmé qu’actuellement, entre 30 et 300 personnes s’inscrivent tous les jours auprès de l’organisme. Quant aux lenteurs de gestion, il en ressort que 3 000 dossiers sont en attente en Aquitaine. Il y en aurait plus de 30 000 sur toute la France.

La hache de guerre

Sur le cas épineux des radiations, 0,20 % seraient dues à un refus d’offre d’emploi et 90 % à des absences à convocation. Cette fois, la hache de guerre est déterrée. Et c’est le gouvernement qui en prend pour son grade.

« Si on analyse, on se rend compte que tout a été mis en place pour radier les gens. Il suffit de lire la loi ’’droits et devoirs des rechercheurs d’emploi’’ pour s’en convaincre. Nous, on se bat pour que Pôle emploi reste public et on conteste le fichage et les contrôles d’identité au moment des inscriptions. Nous ne sommes pas dans un sous-service de police et c’est pourtant le sentiment que nous avons avec l’instauration du Dossier unique du demandeur d’emploi (DUDE) », poursuit Joëlle Moreau.

« On nous tient un discours d’une violence extrême en culpabilisant les chômeurs. Cela ne date pas du Pôle emploi mais, avec l’apparition des emplois dégradés, le phénomène s’est accentué. Le chômeur est devenu la tête de Turc. En l’infantilisant et le diabolisant, on tente de lui supprimer ses derniers moyens de subsistance », affirme Sandra Aimard, inscrite à l’ANPE mais pas considérée comme demandeur d’emploi du fait d’une recherche de travail à mi-temps.

Selon l’association AC ! Agir ensemble contre le chômage, elle n’est pas la seule dans ce cas. Les RMistes, par exemple, ne seraient que 20 % à être inscrits comme demandeurs d’emploi, ce qui rend un fier service aux statistiques.

« Ça ne va pas du tout et ça risque de péter. » Carl Pivet, la cinquantaine, intérimaire, ancien commercial dans le domaine de l’ameublement avec vingt ans d’expérience, résume un sentiment qui gagne du terrain. Avec quatre mois de travail en CDD en 2008, il n’a pas totalisé les six mois de salaire nécessaires pour prétendre aux indemnités. Aujourd’hui, il dit survivre avec les 400 euros mensuels du RMI. Quant au Pôle emploi, il estime qu’« il ne répond pas à ce qu’on lui demande » et « refuse des demandes de formations professionnelles, invoquant qu’il n’y a plus d’argent ».

« La fusion est arrivée au plus mauvais moment et démontre un manque de perspective dans une stratégie purement libérale. À tel point qu’on ne s’adresse plus à des demandeurs d’emploi mais à des clients. Chaque conseiller ou agent devait recevoir de 60 à 80 personnes et ils en sont à près de 200. Les cultures ANPE (public) et Assedic (privé) sont très différentes et cela se ressent sur l’accueil avec une certaine forme d’incompétence. Ce n’est pas la faute du personnel. La seule chose qu’on pourrait lui reprocher, c’est de ne pas user de son droit à la désobéissance », conclut Joëlle Moreau.

Jacky Sanudo


Témoignages de chômeurs : quand le service public de l’emploi vire au cauchemar

par Rémi Barroux, Le Monde, 29 avril 2009


Ils sont quatre chômeurs, venus à la permanence d’AC !, Agir ensemble contre le chômage, de Villeurbanne (Rhône), ce mercredi 22 avril. Elsa Decriaud leur propose un thé ou un café, une part de cake et, surtout, des conseils. Permanente de l’association, cette jeune femme de 29 ans, qui a étudié l’insertion par l’économie à l’université de Montpellier, les écoute attentivement. Pour accueillir les nombreux demandeurs d’emploi qui se tournent vers l’association, elle a dû se former aux méandres de la réglementation du chômage : calcul des droits, sanctions et recours, parcours de retour à l’emploi, projet personnel, sans compter les multiples variétés de contrats aidés générés par les politiques successives de l’emploi. Dans la cour du petit pavillon qui abrite l’association, assis au soleil, Josette, Nadia, Gérard et Corinne sont très remontés.

Josette, 53 ans, vient de l’Ain, "parce qu’il n’y a pas d’association là-bas". Sa relation avec Pôle emploi est ubuesque et cette femme se débat avec des menaces de radiation depuis plusieurs mois. Longtemps assistante commerciale, puis chômeuse pendant un an, Josette a retrouvé un temps partiel dans l’éducation nationale et travaille tous les matins. Or c’est précisément ces plages horaires que Pôle emploi a choisies pour la convoquer à plusieurs reprises. Ne pouvant se rendre à ces rendez-vous, elle s’en est expliquée à Pôle emploi. S’en est suivie alors une succession de menaces de radiation, de réponses de Josette par mail puis par recommandé, d’excuses de Pôle emploi expliquant qu’il s’agissait "d’erreurs informatiques". Josette étale sur la table les nombreux courriers. Elsa extirpe de la pile l’un d’entre eux émanant de Pôle emploi et portant la mention "décision suite au recours". "Mais, clame Josette, il n’y a jamais eu de décision initiale de radiation, et donc pas de recours de ma part : ce document ne correspond à rien." Autre erreur aux conséquences graves pour Josette, Pôle emploi l’a rangée dans une mauvaise catégorie et bien qu’elle ait le droit, tout en travaillant, à une indemnité, celle-ci, qui représente un complément de 600 euros par mois, lui a été supprimée pendant plusieurs mois. Bref, dit Josette, exaspérée, "Pôle emploi, c’est n’importe quoi, c’est stressant en permanence et certains responsables ne connaissent pas leurs dossiers".

Nadia approuve énergiquement. A 30 ans, elle a connu beaucoup de périodes de chômage, a travaillé longtemps comme surveillante d’externat. Nadia veut faire du social, de l’animation, du soutien scolaire, mais Pôle emploi ne l’oriente pas dans cette direction. "On ne nous écoute pas, on est traité comme du bétail", s’insurge-t-elle. "J’ai fait un bilan de compétences, explique la jeune femme, et comme j’ai de la tchatche, on m’a dit que je pouvais faire télé-prospectrice !" On lui a proposé des petits boulots, des ménages. "Pour ne pas les contrarier, j’ai dit oui et j’ai saboté les entretiens d’embauche." Nadia a pu enfin faire valider son projet de "conseiller d’orientation professionnelle". Elle a demandé à suivre un stage de formation, mais, sur liste d’attente depuis octobre 2008, elle s’inquiète car elle perd ses droits à l’indemnisation en juillet et ne bénéficiera alors plus de cette formation payée.

Gérard, 54 ans, cadre informatique au chômage depuis sept mois, a bourlingué. Il a même créé une petite société de marquage industriel. Ex-patron, il n’a pas eu le droit aux indemnités et s’est retrouvé RMIste. Aujourd’hui, il cherche un travail "pas forcément très qualifié, mais pour survivre". Mais pour Gérard, "il y a une vraie ségrégation, avec mon âge, on ne me propose rien". Jusqu’à mi-juillet, il a perçu 1 000 euros d’allocation mensuelle. Après ? "On me propose du coaching, des entretiens auxquels je dois me rendre sous peine de sanction - ils menacent toujours à l’ANPE ! -, mais pas une seule offre...", résume-t-il.

Le regard clair et un peu triste, Corinne raconte sa galère. Trois jeunes enfants, séparée du père, vivant dans un quartier difficile d’Oullins qu’elle voudrait plus que tout quitter, cette femme de 42 ans est flûtiste, compositeur, intervenante musicale en milieu scolaire, intermittente du spectacle et vraie chômeuse aujourd’hui. Elle a travaillé pour une association en contrat d’avenir et a réalisé un spectacle "Bien éclairé" qu’elle a produit à Oullins début avril. "Les gens ont bien aimé, j’aimerais poursuivre." Pour continuer à travailler son spectacle, Corinne a besoin des indemnités auxquelles elle a droit. Mais, pour des raisons aussi ubuesques que celle narrées par Josette, son dossier a atterri à la "répression des fraudes". Et, de justificatif en pièces originales à fournir, l’histoire de Corinne n’en finit pas. Pendant ce temps, elle ne reçoit rien. "Pas question de toucher aux allocations familiales, c’est strictement pour mes enfants", dit-elle. Elle s’avoue "très en colère".

Rémi Barroux


Notes

[1Voir également : http://www.cip-idf.org/article.php3....

[2Les chômeurs de catégorie A sont ceux qui n’ont exercé aucun emploi dans la période considérée.


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