fichage des bandes et vidéo-surveillance sont les mamelles du sécuritaire


article de la rubrique Big Brother
date de publication : mercredi 2 juillet 2008
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Des incidents avaient éclaté dans la nuit du 20 au 21 juin entre quelques
dizaines de jeunes et des policiers sur le Champ de Mars à Paris (7e), où
des milliers de lycéens fêtaient traditionnellement la fin des épreuves du
baccalauréat. Vingt-neuf personnes avaient été interpellées et 22 placées en garde à vue.

Une dizaine de jours plus tard, Rachida Dati, ministre de la Justice et maire de l’arrondissement, déclare : « Les habitants ont peur quand ils voient des hordes venir se battre dans leur quartier ». « Je ne faiblirai pas ! », martèle-t-elle comme si la France entière était livrée à « des hordes » !

« A quand le couvre-feu au Champ-de-Mars ? » demande Le Monde.


Fichage de bandes

Editorial du Monde daté du 1er juillet 2008

Rachida Dati a-t-elle subrepticement changé de fonctions, passant du ministère de la justice à celui de l’intérieur ? Dans une interview au Journal du dimanche du 29 juin, la garde des sceaux annonce benoîtement qu’elle a demandé au préfet de police de "créer un fichier sur les bandes organisées". Tant pis si Mme Dati n’a pas compétence pour donner de telles instructions au préfet de police — ce qui relève de sa collègue de l’intérieur —, elle avait besoin vis-à-vis des habitants du 7e arrondissement de Paris, dont elle est la maire, de montrer sa fermeté.

La ministre de la justice entendait réagir aux incidents qui se sont produits dans les nuits des 19 et 20 juin sur le Champ-de-Mars. Des bandes de jeunes venues de banlieue avaient semé la violence et le désordre dans des monômes lycéens de fin de bac, fracassant des commerces et provoquant la police. Bilan : deux policiers blessés, dont un grièvement et vingt-neuf interpellations. Mme Dati ne tolérera pas que le Champ-de-Mars "se transforme en champ de bataille". Elle a raison. Les violences gratuites commises par ces bandes sont inadmissibles. Elles doivent donc être combattues et réprimées.

A partir d’un diagnostic exact, Mme Dati préconise de mauvaises solutions, sur la forme et sur le fond. Elle utilise un langage martial et outré. "Les habitants ont peur quand ils voient des hordes venir se battre dans leur quartier", observe-t-elle ainsi à propos du très huppé 7e arrondissement de Paris. "Je ne faiblirai pas !", martèle-t-elle comme si c’était la France entière qui était livrée à "des hordes" ! A quand le couvre-feu au Champ-de-Mars ?

Sur le fond, la création d’un tel fichier - pour "identifier ces bandes, anticiper leurs mouvements, savoir comment elles se construisent" - laisse perplexe. Les bandes sont fondées sur une grande mobilité. Elle n’ont pas forcément un "champ de bataille" attitré. Elles se font, se défont, se refont. Qui serait susceptible d’entrer dans ce fichier des bandes ? Des personnes déjà condamnées - mais cela n’existe-t-il pas déjà ? - ou des personnes présumées coupables de délits qu’elles pourraient commettre en fonction de leur profil ou de leurs fréquentations ? Un Etat de droit ne peut tolérer la pénalisation de supposées intentions.

Ousmane Sow - Little Big Horn : le clairon.

Le fichier mystère de Mme Dati sur les bandes organisées

par Isabelle Mandraud et Alain Salles, Le Monde du 1er juillet 2008

Qui connaît le fichier sur les bandes organisées ? Dans un entretien au Journal du dimanche du 29 juin, Rachida Dati en fait la promotion : "Je vous l’annonce, dit-elle, le préfet de police va créer un fichier sur des bandes organisées." "Ça, c’est une nouveauté, poursuit la ministre de la justice. Personne n’avait osé prendre ce problème à bras-le-corps." Mais voilà : personne ne connaît ce projet.

La surprise a été totale dans les services du ministère de la justice où la création d’un tel fichier n’a jamais été envisagée jusque-là. Guillaume Didier, porte-parole du ministère, avoue n’en rien savoir. Comme lui, d’autres fonctionnaires de la Chancellerie disent avoir découvert l’hypothèse d’un fichier sur les bandes et estiment que ce n’est "absolument pas une affaire de justice". De fait, Mme Dati avait dressé des contours assez peu judiciaires. "L’idée, avançait-elle, est d’identifier ces bandes, d’anticiper leurs mouvements, de savoir comment elles se construisent, comment elles fonctionnent, comment elles agissent"...

Contactée, la préfecture de police élude toutes les questions, répétant mécaniquement : "Adressez-vous au ministère de la justice." Au ministère de l’intérieur, on ne sent "pas du tout concerné". Dans le doute, on évoque, un peu pincé, le dessein "d’un fichier de personnes déjà condamnées". La piste judiciaire, donc. Pas la sécurité.

Officiellement, il est vrai, Mme Dati n’a pas compétence pour donner des instructions au préfet. Aussi, l’entourage de Michèle Alliot-Marie précise qu’il faut voir dans cette initiative "la rencontre d’une élue parisienne avec le préfet". Ce que s’empresse de confirmer le cabinet de la ministre de la justice : "Rachida Dati s’est exprimée en tant que maire mais ce n’est pas sorti du chapeau. C’est une réflexion à laquelle elle a participé, lorsqu’elle était à l’intérieur avec Nicolas Sarkozy, notamment après des incidents provoqués par les supporteurs du PSG."

« Il y a des lois dans ce pays »

Maire du 7e arrondissement, Mme Dati chercherait à répondre aux échauffourées survenues au Champ-de-Mars dans la nuit du 20 au 21 juin, lorsqu’à l’issue d’un rassemblement de jeunes qui fêtaient la fin du bac, une partie d’entre eux s’était heurtée aux forces de l’ordre.

L’annonce de Mme Dati intervient deux jours après une réunion à l’Elysée sur la sécurité, organisée à l’initiative de Nicolas Sarkozy pour "faire le point" sur les violences du Champ-de-Mars et l’agression d’un jeune juif dans le 19e arrondissement de la Paris. Participaient à cette réunion, vendredi 27 juin au matin, le premier ministre, François Fillon, et quatre ministres, Mme Dati, Mme Alliot-Marie, Xavier Darcos (éducation nationale), Brice Hortefeux (immigration), ainsi que le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, le préfet de police, Michel Gaudin, et le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard. Dès le lendemain, la ministre de l’intérieur arpentait le 19e arrondissement en promettant des renforts (une vingtaine de policiers supplémentaires pendant la semaine, une cinquantaine le week-end) ; et dimanche, la ministre de la justice annonçait le fichier sur les bandes... "Mais il y a des lois dans ce pays, rappelle un haut fonctionnaire de l’intérieur, en référence au contrôle exercé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur les fichiers. On ne peut pas faire n’importe quoi !"

Les bandes font déjà l’objet d’une surveillance de la police, notamment des renseignements généraux (RG), qui possèdent leur propre fichier, mais aussi du service régional de police des transports (SRPT). Le préfet de police, M. Gaudin, avait milité, en vain, pour un "Grand Paris de la sécurité", en insistant sur les allers-retours des bandes entre Paris et la banlieue. Au soir de la fête de la musique, le 21 juin, le SRPT avait ainsi repéré 25 personnes parties en bande de Bondy (Seine-Saint-Denis), les avait "pris en charge" puis les avait dispersées à leur arrivée, gare du Nord.

Isabelle Mandraud et Alain Salles

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"Fichier des bandes organisées" et caméras de surveillance pour lutter contre les violences à Paris

[ LEMONDE.FR avec AFP et AP - le 29.06.08 - Mis à jour le 30.06.08 à 10h53]

[...] Des incidents avaient éclaté dans la nuit du 20 au 21 juin entre quelques
dizaines de jeunes et des policiers sur le Champ de Mars à Paris (7e), où
des milliers de lycéens fêtaient traditionnellement la fin des épreuves du
baccalauréat. Vingt-neuf personnes avaient été interpellées et 22 placées en garde à vue. Rachida Dati ajoute qu’il y a eu "18 défèrements et deux personnes incarcérées".

La ministre de la justice indique par ailleurs que le préfet de police a
pris "un arrêté d’interdiction de vente et de consommation d’alcool sur le Champ de Mars, entre 16 heures et 7 heures du matin". Mme Dati demande enfin au maire PS de Paris, Bertrand Delanoë d’installer une quinzaine de caméras de vidéosurveillance sur le Champ de Mars, "qui devront être opérationnelles de jour comme de nuit". "J’ai eu vendredi, à son initiative, une réunion avec le président de la République sur ce sujet : nous avons décidé de placer le maire de Paris face à ses responsabilités", affirme la garde des sceaux.

Pour sa part, la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, s’est
rendu, samedi, aux Buttes-Chaumont pour se faire présenter les renforts de police mis en place après l’agression de Rudy H., jeune juif de 17 ans
grièvement blessé le 21 juin à Paris, dans le 19e arrondissement. Elle a
annoncé le renforcement par plusieurs dizaines d’agents des effectifs de
police dans cet arrondissement de l’Est parisien à la suite de cette
agression. La ministre de l’intérieur a ajouté avoir écrit au maire de
Paris pour ’’accélérer’’ la mise en place de caméras de surveillance. La
ministre a précisé que vingt policiers issus de la compagnie de
sécurisation ou de la BAC (brigade anticriminalité) seraient ajoutés au
quotidien, outre un ’’renforcement supplémentaire de cinquante personnes’’ tous les week-ends et jours fériés.


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