Le point de vue de Maître Eolas, qui affirme haut et fort que l’on peut commenter une decision de justice, semble partagé par de nombreuses associations.
Trois d’entre elles, le Gisti, la LDH et le Syndicat de la magistrature, se voient menacées de poursuites judiciaires pour avoir critiqué une décision de la cour d’appel de Paris qui s’appuyait sur le résultat de tests d’âge osseux contestés [1].
Communiqué de presse (Gisti, LDH, SM)
DROIT DE CRITIQUE : PAS DE SANCTUAIRE POUR LA JUSTICE
Quand la critique d’une décision de justice dérange… faut-il museler ses auteurs ?
C’est la voie dans laquelle le procureur de la République de Paris semble vouloir s’engager en ouvrant une enquête préliminaire visant à établir si, en critiquant publiquement un arrêt de la cour d’appel de Paris, la Ligue des droits de l’Homme, le Gisti et le Syndicat de la magistrature ont « cherché à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance », comme le prévoit l’article 434-25 du Code pénal.
Si cette enquête devait aboutir à des poursuites, il reviendrait alors au tribunal correctionnel de dire si « l’autorité de la justice » a été atteinte par un communiqué de presse dénonçant la décision de la cour qui, pour refuser à un jeune étranger la protection due à tout enfant en situation de danger, a préféré se fier aux apparences plutôt que d’appliquer le Code civil. Et qui, alors que ce jeune était titulaire de documents d’identité reconnus authentiques par le Bureau de la fraude documentaire, l’a pourtant soumis à une expertise osseuse, pour finalement, l’expertise n’ayant pu avoir lieu, le déclarer majeur.
Faut-il comprendre que l’autorité de la justice serait brusquement devenue si fragile qu’elle doive menacer de poursuites les organisations qui, pour dénoncer les effets délétères de la défiance envers les étrangers, rappellent les exigences du droit ?
Nous mettons au crédit de la justice sa capacité à se nourrir de la critique, à y résister souvent, à s’en inspirer parfois ! Et à ne pas se réfugier dans le confort illusoire de la pénalisation des expressions qui la dérangent.
En assumant les désagréments que lui vaut la liberté, essentielle, de l’expression critique, la justice sortira grandie de l’impasse dans laquelle le procureur de la République la fourvoie.
Paris, le 9 octobre 2015
Plusieurs associations ont appelé mardi les sénateurs « soucieux du respect des droits de l’enfant » à voter un amendement socialiste au projet de loi relatif au droit des étrangers, pour interdire les tests osseux destinés à déterminer l’âge des mineurs étrangers isolés.
« Il faut que les parlementaires et, au-delà, le gouvernement entendent ces voix et mettent un terme à des pratiques aux résultats non fiables, détournées de leur usage médical à des fins politiques et en contradiction flagrante avec les valeurs humanistes dont le gouvernement prétend s’honorer », expliquent ces associations dans un communiqué.
L’amendement propose de compléter l’article 388 du Code civil par un alinéa ainsi rédigé : « L’évaluation tendant à la détermination de la minorité ne peut être effectuée à partir de données radiologiques de maturité osseuse ». L’usage et la fiabilité de ces tests, utilisés notamment pour déterminer l’âge des mineurs étrangers isolés, sont contestés de longue date par les associations venant en aide aux enfants et adolescents étrangers en France.
S’ils concluent que les jeunes ont 18 ans ou plus, les conséquences sont « dramatiques », estiment-elles : « exclusion de toute prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), mise à la rue immédiate, interruption de la scolarité ou de la formation en cours, impossibilité de régularisation sans secours ni protection d’aucune sorte et sans titre de séjour ».
« Sur la base de ces tests aux résultats incertains, ce sont des dizaines de jeunes, garçons et filles qui, accusés d’avoir menti sur leur âge, ont été condamnés à des peines de prison et à des dédommagements de dizaines voire de centaines de milliers d’euros à verser à l’Aide sociale à l’enfance qui les avait pris en charge », poursuivent les associations.
La Cimade, Comede, le Gisti, Hors la rue, la Ligue des droits de l’Homme, Médecins du Monde, RESF, le Syndicat de la Magistrature ainsi que Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants, sont signataires de cet appel.
© 2015 AFP
[1] Voir cette page. Et pour signer la pétition-demandant que ces tests soient proscrits, cliquer ici.