C’est Hervé Mariton, député-maire de Crest (Drôme), un homme à la mâle devise :
« Le pouvoir ne se donne pas, il se prend » [1].
Un homme d’ordre : quelques tracts contre le fichier “base élèves”, une pancarte contre les centres de rétention, une banderole dénonçant “la casse sociale généralisée”... voila qui suffit pour vous verbaliser. Lundi matin 16 mars, le tribunal de Die s’est prononcé sur le cas de Pierre Nicolas qui avait posé des pancartes contre des panneaux de signalisation : la cour a reconnu l’infraction... mais, afin de ne pas porter atteinte à la liberté d’expression, elle a dispensé le prévenu d’avoir à payer le PV [2].
Hervé Mariton dans l’avion de Sarkozy
Mardi 3 mars 2009, Nicolas Sarkozy est en déplacement dans la Drôme. D’après La Provence, près de 800 gendarmes et policiers sont mobilisés, un hélicoptère et des tireurs d’élite planqués en rase campagne, des fouilles particulièrement poussées et un service d’ordre nerveux [3].
Au retour, le président ramène dans son avion Hervé Mariton, député du département. Le Figaro magazine du 13 mars ajoute la précision : « Ce villepiniste de choc ne partage pas l’avis de ses amis sur la réintégration complète de la France dans le commandement militaire de l’Otan. Consensuel, Mariton estime que “beaucoup d’arguments sont réversibles” ».
Il est vrai que la Drôme est le pays des vestes réversibles.
Hervé Mariton manifeste avec le Cercle algérianiste
Quelques jours plus tard, samedi 14 mars, il participe à Valence à la manifestation « POUR DIRE NON AU 19 MARS 1962 ». Thierry Rolando, président du Cercle algérianiste, tient à lui rendre publiquement hommage : « Discret mais présent de bout en bout, le député pied noir de la Drôme et fidèle de la cause algérianiste Hervé Mariton avait tenu à être à nos cotés. »
Hervé Mariton n’ignore sans doute pas que Thierry Rolando compte l’Adimad parmi ses « amis ». L’Adimad... cette association d’anciens activistes de l’OAS et de nostalgiques de l’Algérie française, dont un des objectifs est d’obtenir la réhabilitation de l’organisation terroriste et qui tente d’y parvenir par les hommages qu’elle rend à une certaine catégorie de victimes (voir cette page).
Faut-il chercher du côté de la nostalgérie le choix de la devise d’Hervé Mariton ?
- Le délit : utilisation du mobilier urbain comme support d’un message politique...
Devant le juge pour des pancartes sur un pont
par Anne Chemin, Le Monde du 15 mars 2009
De mai à juillet 2008, ils se sont réunis tous les jeudis soirs sur le pont Mistral, à Crest (Drôme), pour dénoncer la "casse sociale". "Il vaut mieux protester ensemble plutôt que de râler chacun chez soi, explique l’un des organisateurs, Pierre Nicolas. Cette manifestation d’initiative citoyenne n’avait pas de mot d’ordre : chacun pouvait venir avec sa pancarte et sa revendication."
Ils se retrouvaient parfois à deux, parfois à trente, pour dénoncer les réformes judiciaires de Rachida Dati, la culture des OGM ou le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Quelques tracts contre le fichier "base élèves", une pancarte contre les centres de rétention : une fois par semaine, le pont Mistral de Crest (8 000 habitants) devenait "un lieu de résistance pacifique et convivial".
Mais, au bout de sept semaines, la police municipale a pris cette petite réunion très au sérieux. Le 12 juin 2008, elle a demandé à la quinzaine de manifestants présents de décrocher une banderole dénonçant "la casse sociale généralisée". Le corps du délit a été rangé, les pancartes ont été posées sur le trottoir, mais, la semaine suivante, la police municipale est revenue pour verbaliser "l’organisateur".
Pierre Nicolas, 64 ans, professeur à la retraite, membre du PCF, d’Attac et de la FSU, s’est vu dresser un procès-verbal pour violation de l’article 581-24 du code de l’environnement : "Nul ne peut apposer de publicité ni installer une préenseigne sur un immeuble sans l’autorisation écrite du propriétaire." Ses amis en rient encore. "Je suis membre du conseil d’administration de Résistance à l’agression publicitaire, une association qui lutte justement contre l’invasion de la publicité !"
Après consultation, le petit groupe du pont Mistral a contesté l’infraction et refusé de payer les 78 euros d’amende : Pierre Nicolas est donc convoqué, lundi 16 mars, devant la juridiction de proximité de Die. "C’est tout simplement ridicule, soupire-t-il. Une convocation devant le juge pour une manifestation à quinze au coin d’une rue !"
Le maire de Crest, le député (UMP) Hervé Mariton estime que, dans cette affaire, la police municipale était dans son rôle "normal et important de police de l’environnement". "Certaines pancartes étaient posées contre les feux et les panneaux de signalisation, affirme-t-il. Le mobilier urbain n’a pas vocation à être un support de communication privée, qu’il s’agisse ou non de messages politiques. Il y a d’autres supports d’expression pour cela."
Anne Chemin
[1] « Le “bon client” des Quatre-Colonnes », Le Monde du 24 décembre 2008.
[2] Source :http://circe45.over-blog.com/catego....
[3] Un « vieux commandant de gendarmerie » évoque le déploiement de 1265 gendarmes : http://www.mediapart.fr/club/blog/c....