Depuis le début de l’année 2012, de plus en plus de maires, pour la plupart UMP, se permettent d’interdire totalement la distribution de tracts et pétitions sur les marchés.
Au lieu de les stopper net dans cet abus de pouvoir, le Conseil d’État a rendu le 17 avril une ordonnance surprenante [1] considérant que cela « ne porte pas gravement atteinte aux libertés d’expression et de communication ». Pourtant, ce serait réduire les marchés à la seule consommation. Alors qu’ils sont également, depuis l’agora antique, des lieux de débat public, d’échange d’informations et d’expression des contre-pouvoirs qu’ils soient politiques, syndicaux, associatifs…
Face à la multiplication des interdictions de tracter et pétitionner sur les marchés, une pétition, qui a déjà reçu plus de 5 000 signatures, demande une modification de la législation pour rendre caduque l’ordonnance du Conseil d’État contraire à la libre circulation des opinions et des informations et, par conséquent à l’idée même de démocratie, quelle qu’en soit notre conception.
Pétition
Face à la multiplication des interdictions de tracter et pétitionner sur les marchés
Jeudi 25 octobre 2012
Depuis le début de l’année 2012, de plus en plus de maires, pour la plupart UMP, se permettent d’interdire totalement la distribution de tracts et pétitions sur les marchés.
Au lieu de les stopper net dans cet abus de pouvoir, le Conseil d’État a rendu le 17 avril une ordonnance surprenante [1] considérant que cela « ne porte pas gravement atteinte aux libertés d’expression et de communication ». Pourtant, ce serait réduire les marchés à la seule consommation. Alors qu’ils sont également, depuis l’agora antique, des lieux de débat public, d’échange d’informations et d’expression des contre-pouvoirs qu’ils soient politiques, syndicaux, associatifs…
Suite à cette ordonnance, les modifications de règlement des marchés et les arrêtés municipaux ne cessent de se multiplier et menacent de s’étendre grâce à la jurisprudence.
C’est pourquoi, par-delà nos différences, nous demandons instamment une modification de la législation pour rendre caduque cette ordonnance contraire à la libre circulation des opinions et des informations et, par conséquent à l’idée même de démocratie, quelle qu’en soit notre conception.
Faute de quoi, toute poursuite abusive contre des distributeurs de tracts ou de pétitions sera dénoncée, portée devant le Conseil Constitutionnel et, si nécessaire, la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Nous appelons dans toutes les communes les populations à être vigilantes et à ne pas accepter cette confiscation du pouvoir de s’exprimer librement et de s’informer mutuellement.
POUR SIGNER LA PÉTITION
De plus en plus de maires, pour la plupart UMP, interdisent les tracts et pétitions sur les marchés. Ce phénomène s’est accru cette année, à la suite d’une décision étonnante du Conseil d’Etat considérant que ce genre d’arrêté « ne porte pas atteinte aux libertés d’expression et de communication ». On ne compte plus les maires qui s’engouffrent dans la brèche au grand dam des associations, syndicats ou partis d’opposition. Dès lors, quand faire signer des pétitions ou diffuser un tract appelant à manifester, si ce n’est quand on peut croiser un peu de monde sur la place publique ? Quand inviter à participer à un débat ou proposer un petit journal contredisant les orientations du premier magistrat de la ville dans son clinquant magazine municipal ? Au carrefour désert de la zone industrielle, à côté du panneau d’entrée de la ville ? Sur le parking du supermarché voisin ?
De tout temps, le débat public s’est tenu là où les citoyens avaient l’occasion de se rencontrer. En premier lieu : au marché, moment d’échange qui ne se réduisait pas à la seule consommation. Avant l’avènement des médias, c’était le lieu où l’on venait aux nouvelles, où l’on échangeait les informations, où l’on confrontait les points de vue. L’agora signifie d’ailleurs, encore aujourd’hui, à la fois le lieu de débat et le cœur du marché. Si Socrate avait choisi d’écrire, aurait-il pu tracter ? Se serait-il heurté à un notable lui interdisant de le faire ? Gageons que ce notable aurait aussi éloigné Diogène au moyen d’un arrêté antimendicité ! Nos maires auraient-ils oublié qu’ils ne sont en rien mandatés pour imposer ce qui doit se dire, où, quand et comment ? Il n’y a que quatre règles qui s’appliquent à un tract ou à une pétition : ne pas diffamer, ne pas troubler « l’ordre public », être signé (auteur et imprimeur) et ne pas être jeté sur la voie publique. C’est pourquoi, ce que le Conseil d’Etat a légitimé n’est rien d’autre qu’un abus de pouvoir de quelques maires qui, sans une rapide remise en cause, deviendront bientôt des dizaines et des centaines à travers la France. La démocratie, quand bien même représentative, ne peut se déléguer au point de confisquer le « pouvoir du peuple » d’échanger des opinions et des documents.
Après les maires UMP de Valenciennes, Nogent-sur-Marne, Colmar, Léguevin, Saint-Cyr-l’Ecole, Orléans et Vic-sur-Aisne, Alain Chatillon, sénateur et maire UMP de Revel [3], vient de franchir le pas. Dans cette petite ville de la Haute-Garonne, l’ensemble de l’opposition a cosigné un appel au maintien de cet usage traditionnel de l’expression démocratique. Faudra-t-il se résoudre à ne plus se rendre sur l’agora que pour y consommer ? Irons-nous jusqu’à interdire tout signe visuel d’opinion politique et, pourquoi pas, toute parole déplacée dans une conversation avec le tripier ou la fromagère ?
[1] Décision n° 358 495 : http://www.legifrance.gouv.fr/affic....
[2] Article publié sur Libération le 24 octobre 2012
[3] Voir l’incident sur un marché de Toulon, en janvier 2012 : à Toulon, les partis politiques ont-ils le droit de s’exprimer ?.