cinq ans ... par Jean-Pierre Dubois


article de la rubrique démocratie > la campagne de 2007
date de publication : mardi 27 mars 2007
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L’éditorial de Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’Homme, dans le bulletin national mensuel de la LDH - n° 163 - février 2007.


Cet éditorial est vraisemblablement le dernier moment « utile » du genre avant la première échéance électorale du printemps. Il y a un mois, nous préparions notre interpellation des candidats républicains (hors Le Pen et de Villiers). Le questionnaire adopté par le Comité central du 24 février leur a été adressé, et rendez-vous a été donné aux médias pour qu’au moment de notre congrès, dans une conférence de presse xceptionnelle, nous fassions savoir aux citoyens électeurs ce que nous pensons des réponses qui nous seront parvenues.

Mais comment ne pas mesurer dès maintenant l’enjeu considérable de ces scrutins ? D’abord, rappelons-nous que les élections législatives compteront au moins autant que la présidentielle : en 2002, l’alternance et la majorité n’ont pas été présidentielles mais parlementaires ; tout électeur devrait donc, lors du premier scrutin, s’interroger sur les conséquences de son vote pour le second. Et assumons notre rôle de « bonne mémoire et [de] mauvaise conscience » de la République.

Cinq ans ! Cinq ans que nous subissons, et surtout que les plus fragiles subissent, l’avalanche des lois sécuritaires, xénophobes, socialement régressives. Cinq ans que la majorité parlementaire de juin 2002, qui n’a pourtant dû son accession au pouvoir qu’au cataclysme du 21 avril, a transformé le vote de rejet de Le Pen le 5 mai 2002 en législature de banalisation du lepénisme, de régression des libertés et de stigmatisation discriminatoire. Cinq ans de chasse aux sans-papiers et à leurs enfants scolarisés, aux jeunes d’« origine difficile », aux gens du voyage, aux mendiants des centres ville, aux prostitué(e)s. Cinq ans d’offensives contre les droits sociaux, de réforme des retraites en recul de la couverture maladie, de précarisation CNE en (tentative de) précarisation CPE.

Cinq ans ? Cinq nouvelles années de ce régime, ou plutôt d’une version démesurément aggravée de cette politique dont l’auteur réel aurait désormais seul le pouvoir décisif entre les mains ? Cinq années supplémentaires de populisme et d’amplification des inégalités, avec les explosions prévisibles, les fractures et les risques d’ethnicisation du politique que l’apprenti sorcier de Neuilly-sur-Seine sait si bien encourager ? Dans la logique d’alignement des mandatures présidentielle et législative (même si toute hypothèse de discordance ne saurait être entièrement exclue), c’est dès maintenant que se jouent ces cinq longues années à venir.

La LDH n’a vocation ni à soutenir tel(le) candidat(e) ni à appeler à voter pour X ou pour Y. Mais il nous appartient de dire autour de nous l’importance décisive pour les droits et libertés des échéances qui viennent. Et de suggérer que pour éviter les mauvaises surprises mieux vaut juger les mots d’aujourd’hui aux actes d’hier. Citer Jaurès et Blum en 2007, comme dénoncer la « fracture sociale » en 1995, coûte d’autant moins cher que, si la loi punit les « assassins de la mémoire », elle ne saurait incriminer les « voleurs de mémoire ». Mais comme les principaux candidats sont tous ministres ou parlementaires (français ou européens), on peut (se) rappeler ce qu’ils ont voté ou fait voter depuis cinq ans. Au-delà des fluctuations sondagières et face aux risques de récupération de l’« électorat populaire », ce retour au réel illustrera deux proverbes : le premier, français, enseigne que « le passé répond de l’avenir » ; l’autre, arabe, prévient que « la première fois que l’on te trompe, c’est de la faute de celui qui t’a trompé, la deuxième fois c’est de la tienne ». A bons entendeurs...


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