bilan d’une législature sécuritaire : cinq années de recul de nos libertés


article de la rubrique démocratie > la campagne de 2007
date de publication : mercredi 28 mars 2007
version imprimable : imprimer


Un bilan établi en mars 2007 par la Ligue des droits de l’Homme [1]

  • Libertés : toujours moins...
  • Répression : toujours plus...
  • Discriminations : « ciblage » des personnes en difficulté
  • Démocratie : politisation de la répression et du contrôle social

Libertés : toujours moins…

Contrôle social et « société de surveillance » généralisée

  • Extension des fichiers – renforcement considérable des informations sur les suspects
    dans les fichiers de police automatisés, déploiement considérable du Fichier national
    automatisé des empreintes génétiques [loi du 18/3/2003 « sécurité intérieure »].
  • Mise en place du fichier automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (y compris en
    cas de non lieu, relaxe ou acquittement) [loi du 9/3/2004 « Perben II »].
  • Surveillance électronique mobile des délinquants sexuels après leur sortie de prison,
    quasiment à vie [loi du 12/12/2005 « traitement de la récidive »].
  • Mesures sur la vidéosurveillance, sur le développement des fichiers et de leur interconnexion, sur le contrôle des déplacements des personnes. Contournement des garanties offertes par l’intervention préalable de l’autorité judiciaire ou d’autorités de contrôle indépendantes : l’avis de la CNIL, qui comportait des réserves importantes, a été ignoré. Remise en cause du principe de finalité précise des fichiers informatiques qui constitue une garantie importante pour les libertés [loi du 21/3/2006 « lutte contre le terrorisme »].
  • Mise en place d’une « société de la surveillance », de la délation et de la culpabilisation ; en particulier, création de fichiers municipaux sur les enfants scolarisés et sur les personnes soignées par des psychiatres dans la commune [loi du 5/3/2007 « prévention de la délinquance »].

Pression policière de plus en plus intrusive

  • En matière de « criminalité organisée », légalisation de méthodes policières contestables : surveillance accrue (micros et caméras dans les domiciles et les véhicules), généralisation des infiltrations policières. Extension du régime des « repentis », impunité pour les délateurs [loi du 9/3/2004 « Perben II »].

Recul des garanties judiciaires :
perquisitions, fouilles, garde à vue, détention provisoire

  • Extension des motifs de contrôles d’identité et de fouilles de véhicules par prolongation des mesures d’exception de la « loi Vaillant » du 15 novembre 2001 [loi du 18/3/2003 « sécurité intérieure »].
  • Extension du champ des perquisitions, qui peuvent avoir lieu en l’absence ou sans l’accord de la personne, y compris de nuit [loi du 9/3/2004 « Perben II »].
  • Remise en cause de l’information sur le droit de se taire pendant la garde à vue [loi du 18/3/2003 « sécurité intérieure »].
  • Garde à vue portée à 4 jours (pas d’assistance d’un avocat avant 2 voire 3 jours) [loi du 9/3/2004 « Perben II »] et à 6 jours en cas de « terrorisme ».
  • Restriction des garanties en matière de détention provisoire (possible dès que la peine encourue est de 3 ans, rétablissement du critère de trouble à l’ordre public, prolongations considérables facilitées), augmentation des pouvoirs du Parquet [loi du 9/9/2002 « Perben I »].
  • Abaissement du statut du juge des libertés [loi du 9/3/2004 « Perben II »].

Répression : toujours plus…

Justice expéditive

  • Augmentation des cas de comparution immédiate [loi du 9/9/2002 « Perben I »].
  • Accroissement des procédures d’urgence [loi du 9/3/2004 « Perben II »].

Justice toujours plus sévère

  • Aggravation des peines pour insultes ou menaces envers un agent public [loi du 18/3/2003 « sécurité intérieure »].
  • Création du concept de « réitération » (plus large que la récidive légale). Durcissement des régimes de sursis avec mise à l’épreuve et de libération conditionnelle. Interdiction de certaines confusions de peines (cf. USA, où on peut condamner à plus de 100 ans de prison…) [loi du 12/12/2005 « traitement de la récidive »].

Justice des mineurs : substitution de la répression à l’éducation

  • Sanctions éducatives alourdies dès l’âge de 10 ans, création de centres éducatifs fermés (à partir de 13 ans), détention provisoire accrue (à partir de 13 ans), régime de garde à vue durci, jugement en urgence. Fin de la compétence exclusive du juge des enfants [loi du 9/9/2002 « Perben I »].
  • Remise en cause de soixante années de justice des mineurs : institution de procédures de comparution immédiate pour des enfants, création d’une peine d’initiation au travail dès 13 ans ; ce sont de nouveaux pans des acquis de la Libération qui ont disparu au profi t du retour d’un ordre moral politisé et étouffant [loi du 5/3/2007 « prévention de la délinquance »].

Justiciables toujours plus désarmés :
déséquilibre des armes, généralisation des dérogations au droit commun

  • Au nom de « l’adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité », réforme en profondeur de tout le code pénal et de tout le code de procédure pénale. Institution d’une procédure dérogatoire au champ énorme, fondée sur la notion floue de « bande organisée », qui varie au gré des interprétations du Parquet, de la police et de la gendarmerie. Institution du « plaider coupable » : une justice sans juges (et, contrairement aux pays anglosaxons, avec un grand déséquilibre entre les moyens de l’accusation et ceux de la défense) ; le juge se borne à « homologuer » l’accord [loi du
    9/3/2004 « Perben II »].

Discriminations : « ciblage » des personnes en difficulté

Chasse aux « marginaux » et aux « différents »

  • De nouvelles incriminations pénales visent toutes les populations les plus défavorisées : stationnement de jeunes dans les halls d’immeubles, mendicité dite « agressive », racolage passif par des prostitué(e)s, installation de gens du voyage sur des terrains privés [loi du 18/3/2003 « sécurité intérieure »].
  • Mise au pas des nouvelles « classes dangereuses » : militarisation de l’emploi de la police dans les quartiers populaires, contrôles au faciès, suspicion généralisée envers les jeunes des « cités », sanctions « collectives » des familles en difficulté.
  • En réponse aux troubles de novembre 2005, la loi dite « égalité des chances » fait sortir du système scolaire dès 14 ans ceux qui ont le plus besoin de soutien éducatif, prive de prestations sociales les familles les plus en difficulté avec leurs enfants, institue un « service civil » non pour tous mais spécifiquement pour ceux qui sont montrés
    du doigt. Elle prévoyait aussi de généraliser l’emploi précaire pour ceux qui entrent sur le marché du travail (CPE), mais la mobilisation massive du printemps 2006 a eu raison de ce dispositif [loi du 31/3/2006 « égalité des chances »].
  • Mise en place d’une « police municipale des familles », des jeunes et des personnes fragiles, aussi discriminatoire que la plupart des lois répressives votées au cours de cette législature : ce sont les familles le plus en difficultés sociales et éducatives qui
    sont visées par les procédures de culpabilisation et de sanction… au nom d’une conception de la « prévention » ainsi résumée : « la meilleure éducation, c’est la sanction » [loi du 5/3/2007 « prévention de la délinquance »].

Démocratie : politisation de la répression et du contrôle social

Reprise en main du Parquet par le pouvoir politique

  • Renforcement du contrôle du Parquet par la Chancellerie : rétablissement des instructions portant sur des affaires particulières [loi du 9/3/2004 « Perben II »].

Pouvoirs de sanction donnés à des élus politiques

  • Octroi à des élus politiques (maires, présidents de conseils généraux) d’un pouvoir de sanction des familles et des jeunes en cas d’« incivilités » ; suppression du FASILD remplacé par une Agence (l’ACSE) dont l’action sur le terrain est confiée aux préfets, donc subordonnée au ministère de l’Intérieur [loi du 31/3/2006 « égalité des chances »].
  • Création d’un « Conseil pour les droits et devoirs des familles » [sic] présidé par le maire ; communication au maire, élu politique, d’informations concernant la vie privée des familles ; politisation de l’exploitation du travail social. A été disjointe une disposition qui donnait pouvoir au maire de prononcer des placements en hospitalisation psychiatrique d’office sur simple « avis » d’un médecin, sans que soit exigé un certificat médical
    (alors que presque partout en Europe cette mesure ne peut être décidée que par un magistrat indépendant des autorités politiques) [loi du 5/3/2007 « prévention de la délinquance »].

Vers une privatisation de la justice ?

  • Création de « juges de proximité » moins indépendants et moins compétents : une « justice à deux vitesses » [loi du 9/9/2002 « Perben I »].
  • S’est aussi développé le recours à des « délégués du procureur », choisis librement par ce dernier, qui disposent de prérogatives non négligeables sans garantie de formation ni de contrôle public.

Vers une privatisation de la police ?

  • Transformation d’entrepreneurs privés (transports, restauration, etc.) en auxiliaires
    de police [loi du 21/3/2006 « lutte contre le terrorisme »].
  • Création d’une sorte de milice baptisée « service volontaire citoyen de la police nationale » [loi du 5/3/2007 « prévention de la délinquance »].

Notes

[1LDH - 138 rue Marcadet - 75018 Paris - tél : 01 56 55 51 00 - ldh@ldh-france.org -
www.ldh-france.org.


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP