Nicolas Sarkozy à Toulon : c’est aux rapatriés et aux enfants des harkis « que la France doit des excuses »


article de la rubrique démocratie > la campagne de 2007
date de publication : jeudi 8 février 2007
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Toulon, le 8 février 2007.

Lors de son meeting de Toulon, mercredi 7 février 2007, Nicolas Sarkozy a choisi des mots et des thèmes adaptés à une partie de la population locale. Il a continué à s’adresser aux électeurs du FN [1], distillant des messages pleins d’ambiguïté sur les immigrés qui « ne sont pas les bienvenus sur le territoire de la République » s’ils n’en respectent pas toutes les règles, avant de marquer son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.

A quatorze reprises, il a lancé des anathèmes en commençant ses phrases par ce mot d’ordre : « Ça ne peut plus durer ! » désignant à la vindicte populaire « petit voyou et patron voyou », « multirécidivistes », « l’assisté qui gagne plus que le travailleur » [2].


A Toulon, Nicolas Sarkozy parle aux électeurs du Front national

[Reuters, repris par L’Express, mercredi 7 février 2007]

Le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy a choisi mercredi la ville de Toulon, qui fut une conquête phare du Front national, pour s’adresser aux électeurs du parti d’extrême-droite et de son président Jean-Marie Le Pen.

Il a aussi choisi cette cité méditerranéenne pour proposer la création d’une "Union de la Méditerranée" sur le modèle de l’Union européenne. Mais c’est à eux qu’il a consacré toute la première partie de son discours de plus d’une heure, ponctué par les applaudissements frénétiques d’environ 8.000 personnes.

Dans une allusion à l’élection en 1995 d’un maire FN, Jean-Marie Le Chevallier, puis à la reconquête de la ville par l’UMP Hubert Falco en 2001, le ministre de l’Intérieur a dit mesurer le "sentiment que certains ici ont connu d’avoir parfois été trompés".

"Je sais parfaitement qu’ici ce soir, il en est parmi vous qui avaient dû se dire on ne nous y reprendra plus. Et pourtant vous êtes là", a-t-il dit. "Et c’est à vous que je veux parler."

"Ici à Toulon, comme partout en France, j’entends ce cri qui s’élève des profondeurs du pays", a-t-il poursuivi : "Il y a des choses que nous n’acceptons plus parce qu’il y a des choses qui ne peuvent plus durer."

"Ça ne peut plus durer que l’assisté gagne plus que le travailleur (...) Ça ne peut plus durer que des multi-récidivistes se moquent de la justice (...) Ça ne peut plus durer que le petit voyou comme le patron voyou restent impunis ...", a-t-il scandé avant de s’en prendre à "la mode si détestable de la repentance".

Un message adressé "à tous ceux qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné", envers qui, selon Nicolas Sarkozy, la France a "une dette morale", et dont beaucoup ont fait souche dans le Sud-Est du pays, notamment après la guerre d’indépendance algérienne.

« CE N’EST PAS A LA FRANCE DE S’ADAPTER »

"Cessons de noircir le passé de la France", a lancé Nicolas Sarkozy. "L’Occident longtemps pécha par arrogance et sans doute aussi par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs." [3]

"Je veux dire à tous les adeptes de la repentance qui refont l’histoire et qui jugent les hommes d’hier sans se soucier des conditions dans lesquelles ils vivaient, ni ce qu’ils éprouvaient, ’de quel droit jugez-vous ?’" a-t-il ajouté. "De quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères, que souvent leurs pères n’ont commises que dans l’imagination des professionnels de la repentance ?"

Aux enfants des harkis, ces musulmans d’Algérie qui ont choisi de servir la France pendant le conflit algérien, Nicolas Sarkozy a dit qu’ils méritaient excuses et réparations [4].

Il a souhaité que la France accueille "fraternellement" les Algériens, Marocains, Tunisiens et autres ressortissants de ses anciennes colonies. Mais il a réaffirmé que devenir français supposait des "devoirs" et l’acceptation de l’histoire, de la culture et des valeurs de France.

"Ce n’est pas à la France de s’adapter, c’est à celui qui vient de prendre en partage l’héritage qui est le nôtre", a-t-il dit. "Ceux qui veulent soumettre leurs femmes, ceux qui veulent pratiquer la polygamie, l’excision, le mariage forcé, ceux qui veulent imposer à leurs soeurs la loi des grands frères, ceux qui ne veulent pas que leur femme s’habille comme elle le souhaite, à ceux-là je veux dire que si je suis élu président de la République, ils ne seront pas bienvenus sur le territoire de la République." [5].

"A tous ceux qui haïssent la France et son histoire, à ceux qui n’éprouvent envers elle que de la rancoeur et du mépris, je dis aussi que personne n’est obligé de vivre en France contre son gré", a-t-il ajouté.

Notes

[2Vous pourrez prendre connaissance de la version officielle du discours de Nicolas Sarkozy à Toulon sur le site internet de l’UMP.

[3Nicolas Sarkozy poursuivit :

« Cessons de noircir le passé. L’Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s’épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n’eux n’avait cultivé. Beaucoup ne partirent que pour soigner, pour enseigner. On peut désapprouver la colonisation avec les valeurs qui sont les nôtres aujourd’hui. Mais on doit respecter les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi œuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel. »

[4Nicolas Sarkozy a déclaré : « Aux enfants des harkis qui ont servi la France, qui ont dû fuir leur pays et que la France a si mal accueillis, je veux dire que si la France doit des excuses et des réparations, c’est à eux qu’elle les doit. »

[5D’après le site internet de l’hebdomadaire Marianne, au cours de l’émission « J’ai une question à vous poser » diffusée lundi 6 février sur TF1, Nicolas Sarkozy, interrogé sur l’immigration, avait déclaré : « Personne n’est obligé, je répète, d’habiter en France, mais quand on habite en France, on respecte ses règles, c’est-à-dire qu’on n’est pas polygame, on ne pratique pas l’excision sur ses filles, on n’égorge pas le mouton dans son appartement et on respecte les règles républicaines ».

Ces propos concernant les sacrifices de mouton avaient provoqué la vive réaction d’une jeune femme sur le plateau qui avait dit : « c’est un propos raciste pour moi […]. Il y a une réglementation, ça ne se passe plus de cette façon, on a des abattoirs, on est civilisés. »


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