attentats à Alger, cynisme à Paris...


article communiqué de la LDH  de la rubrique droits de l’Homme
date de publication : mercredi 12 décembre 2007
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[Première mise en ligne le 10 déc. 07, mise à jour le 12 déc. 07]

COMMUNIQUÉ LDH

L’horreur à Alger, le cynisme à Paris : terrorisme, dictatures et aveuglements

Paris, le 12 décembre 2007

L’horreur, encore une fois, en Algérie. Deux jeunes qui se suicident pour pouvoir tuer le plus d’innocents possible dans leur propre pays, deux cerveaux lavés par le discours de la « guerre sainte ».

Comment est-ce possible ? Quel désespoir, quel aveuglement peuvent frayer le chemin à autant d’inhumanité ? Et d’abord, qui souffre et qui meurt dans cette « guerre » ? Les populations civiles, les familles, les peuples, et au premier rang des cibles ceux du Maghreb et du Moyen-Orient, qui doivent subir en même temps la misère, le despotisme et ce terrorisme inhumain. Pays riches, peuples pauvres, gouvernants corrompus et, comme monstrueux et si utile repoussoir, le « vive la mort ! » des kamikazes.

Le « Guide suprême » Kadhafi, « ami de la France » officielle, est bien à sa place dans ce sinistre tableau. Vendredi encore, il justifiait le terrorisme. Lundi, Nicolas Sarkozy lui vendait en notre nom des armes lourdes. Hier, il riait au nez des journalistes : bien sûr que nous n’avons pas parlé des droits de l’Homme en Libye, Sarkozy et moi, parce qu’il n’y a pas de problème des droits de l’Homme en Libye.

Les démocrates libyens, comme hier les infirmières bulgares, torturés dans leurs cachots. Les Algérois massacrés par les assassins poseurs de bombes. Mouammar Kadhafi reçu comme un prince à l’Elysée. Rama Yade se déclarant « dérangée » par cet accueil – ou plutôt par le fait qu’il ait eu lieu le 10 décembre et pas le 11 – mais qui bien sûr reste à son poste avec « l’amitié et la confiance » renouvelées de l’hôte de Kadhafi.

Il a raison, le « Guide suprême » : il n’y a pas de problème des droits de l’Homme en Libye. Pas de désespoir en Algérie. Pas de compromission à l’Elysée et au Quai d’Orsay. Seulement des contrats, des commissions et du cynisme. En attendant le prochain attentat. « Eyes wide shut ».

Communiqué de la LDH

Où est passée « la France des droits de l’Homme » ?

Paris, le 10 décembre 2007

Il y a exactement 59 ans, c’est à Paris, au Palais de Chaillot, que l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), première déclaration de droits à la fois indivisibles (tous les droits au même niveau) et universels (sous tous les climats et face à tous les régimes).

59 ans plus tard, la France officielle, qui ne cesse de se proclamer « pays des droits de l’Homme », méprise cet héritage.

Le gouvernement érige la xénophobie d’Etat en politique et transforme les étrangers, hommes, femmes et enfants, en quantité à expulser.

Il encourage les inégalités, la précarité et fait de chaque exclu le seul responsable de la situation qui lui est en fait imposée.

Il porte atteinte aux processus démocratiques en donnant la primauté aux forces de l’ordre sur les juges qu’il méprise ouvertement.

Le secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme, curieusement consacré aux pays étrangers et par définition aveugle à ce qui se passe en France, n’a servi que d’alibi à une politique qui, en fait de rupture, amplifie les errements antérieurs.

Les félicitations adressées à Vladimir Poutine pour des élections qui constituent une caricature des atteintes au suffrage universel, les voyages en Libye, au Gabon et en Chine, où la secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme a été évincée, le voyage en Tunisie où elle a rencontré non les victimes des violations des droits mais le ministre chargé de les dissimuler, la réception à Paris de Monsieur Kadhafi sont transformés en autant de cautions des régimes en place. Ceci traduit un mépris rare de tous ceux qui dans le monde, et en particulier dans ces pays, luttent pour le respect des droits de l’Homme au risque de leur liberté et parfois de leur vie.

Le ministre des Affaires étrangères approuve cette politique tout en cherchant à se dédouaner derrière la rébellion toute symbolique de sa secrétaire d’Etat. La participation de cette dernière au dîner annuel organisé par la FIDH à l’occasion de l’anniversaire de la DUDH n’y change rien tant il est vrai que, de tests ADN en contrats commerciaux aux lieu et place du respect des droits de l’Homme, la rupture annoncée par le président de la République n’est qu’une tartufferie.

Parce qu’elle a fondé en 1922 avec les ligues allemande, italienne et espagnole la FIDH, la LDH sait que la défense des individus et des peuples ne peut être restreinte à la politique des Etats et encore moins relever d’un ministère. L’action et l’indépendance, à l’égard de tout pouvoir, des « hommes et femmes d’exception » que sont les défenseurs des droits de l’Homme, sont essentiels dans ce combat. La LDH appelle la France à mettre en accord ses actes et ses paroles et à respecter son histoire et ses principes tant dans ses frontières nationales que dans le cadre de sa politique internationale.

Kadhafi à Paris

éditorial du Monde, le 11 déc. 2007

La France est le premier pays occidental qui fait à Mouammar Kadhafi l’honneur d’une réception depuis l’époque où le dirigeant libyen s’était mis au ban des nations par son soutien au terrorisme. En acceptant de négocier avec lui, en 2003, l’arrêt de ses tentatives pour se doter d’une arme atomique, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont donné le signal d’un changement d’attitude vis-à-vis d’un chef d’Etat dont le régime bafoue les libertés fondamentales et a été impliqué dans des attentats meurtriers contre la compagnie aérienne américaine PanAm et la française UTA.

Toutefois, ni Washington ni Londres n’ont, à ce jour, accueilli celui qui se fait appeler le " Guide de la révolution libyenne ". Il est vrai que l’un des derniers voyages de Tony Blair, en tant que premier ministre, a été pour la Libye, en juin, avec à la clé un énorme accord pétrolier. A ce moment-là, les infirmières et le médecin bulgares étaient toujours en prison à Benghazi. M. Blair était allé en Libye une première fois en 2004, de même que Silvio Berlusconi, alors président du conseil italien, et Jacques Chirac. La même année, Romano Prodi, président de la Commission européenne, avait reçu M. Kadhafi à Bruxelles.

Le président de la République a beau jeu de faire allusion à de tels précédents pour minimiser le cadeau qu’il a accepté de faire au dirigeant libyen. Il n’empêche : la hâte à recevoir le "Guide", les prévenances dont il est entouré pour une bien longue visite donnent à la France un rôle peu glorieux. En ne posant aucune condition à l’approfondissement de sa relation avec Tripoli, Paris accorde un blanc-seing à un vieux dictateur dont le principal atout semble tenir à ses réserves de pétrodollars.

A la différence d’Angela Merkel, qui défend les droits de l’homme et les principes démocratiques en tous lieux et quel que soit son interlocuteur, M. Sarkozy profite de l’incapacité de l’Europe à adopter une position commune sur ces questions pour se "placer" auprès des dirigeants les moins respectueux des libertés. Il n’est pas anormal d’avoir un dialogue avec la Libye, pays qui compte sur la rive africaine de la Méditerranée. Mais le langage de la France semble contraint par l’accord, resté mystérieux, qui a présidé à la libération des infirmières, le 24 juillet. Le malaise exprimé soudain par Bernard Kouchner et Rama Yade, membres du gouvernement, vise à désamorcer les critiques plutôt qu’il n’exprime une exigence.

Au soir de son élection, M. Sarkozy avait annoncé que la France serait "aux côtés des opprimés" et qu’elle était "de retour" en Europe. Il donne aujourd’hui au colonel Kadhafi l’occasion de pavoiser. Il aura été le seul dirigeant de l’Union européenne à féliciter Vladimir Poutine pour le résultat des élections législatives en Russie. M. Sarkozy ne tient pas parole.


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