La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen a été proclamée le 27 août 1789, il y a 220 ans. Ce texte fondateur reste une référence en matière de droits et de libertés, même si ses principes fondamentaux sont trop souvent mis à mal.
Un entretien avec Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’Homme, publié le 27 août 2009 sur le site LEXPRESS.fr .
L’obsession sécuritaire de nos sociétés conduit au recul des libertés et des droits sociaux
par Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH)
- Que représente la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 ?
La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) est unique en ce qu’elle s’adresse à l’humanité toute entière. Elle est la première à avoir visé un objectif universel. Son adoption est donc un moment extrêment fort de l’histoire française, mais également de l’histoire mondiale. Les rédacteurs de la DDHC n’ont certes pas tenu toutes leurs promesses vis-à-vis des femmes, des pauvres, des esclaves... mais ils ont lancé un processus qui n’est toujours pas éteint.
- Où en est-on aujourd’hui des droits de l’Homme ?
Ils ne sont pas en bon état. On observe un net recul des libertés et des droits sociaux. L’obsession sécuritaire de nos sociétés en est une des raisons essentielles. Elle conduit les citoyens à renoncer petit à petit à toute une série d’acquis qui nous viennent de la Révolution. La présomption d’innocence n’est souvent pas respectée, le principe de non-rétroactivité des lois est remis en cause par la récente loi sur la rétention de sûreté et les libertés personnelles sont régulièrement atteintes en raison de la multiplication des moyens de surveillance.
- Photo prise en août 2009 dans la commune de Gattières (Alpes maritimes) – Source : groupe Nada.
Les gens ont désormais peur de tout et veulent une sécurité absolue, ce qui est une idée folle. La Déclaration de 1789 rappelle en premier lieu la primauté de la liberté ("Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit"), mais, en réalité, nous ne sommes plus dans ce paradigme. Nicolas Sarkozy affirmait encore mardi 25 août que le premier des droits était la sécurité.
- Pour vous, les gens ont donc renoncé à leur liberté ?
Je pense que la liberté est fragile face à ce besoin de sécurité. La surveillance policière est quatre fois plus importante qu’avant et peu de gens s’en émeuvent. La présence de militaires dans les gares ne choque même plus. On a pris l’habitude de vivre dans un état de siège.
- Quels sont vos principaux combats ?
La question de la société de surveillance est un vrai défi. Les fichiers se multiplient, le nombre de caméras augmente et les puces RFID [identification par radio-fréquences Ndlr], qui permettent la lecture à distance d’informations personnelles, souvent à l’insu des personnes concernées, font désormais l’objet de nombreuses applications.
Par ailleurs, les droits des étrangers ont énormément reculé dans notre pays. Or, les migrations vont nécessairement augmenter dans l’avenir. L’OCDE affirme en effet que l’Europe va connaître un déclin de sa démographie qui sera compensé en grande partie par les migrations. La montée du niveau des mers va également contraindre les populations à se déplacer. Les pays européens font cependant le choix d’une fermeture de leurs frontières, ce qui est à mon avis une décision absurde et stupide.
Enfin, la question des droits sociaux nous mobilisent particulièrement. Les inégalités territoriales sont de plus en plus importantes et entraînent une montée de violence dans les quartiers populaires. Il faudrait mobiliser au profit des victimes des inégalités sociales la même énergie que celle mobilisée pour les banquiers pendant la crise.