la pression monte dans l’Education nationale... pour gonfler les évaluations CM2


article de la rubrique démocratie > désobéissance pédagogique
date de publication : dimanche 15 mars 2009
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Le communiqué du Syndicat National des Personnels d’Inspection (SNPI-FSU) du 12 mars et le message du 12 février dernier émanant du bureau national du Syndicat de l’Inspection de l’Education nationale (SI.EN-UNSA), reproduits ci-dessous, confirment les fortes pressions hiérarchiques qui s’exercent au niveau des écoles afin de gonfler les résultats des évaluations CM2. Certains Inspecteurs d’académie, redoutant un mauvais pourcentage de remontée ou la faiblesse des évaluations dans leur département, envoient des escouades faire les ajustements nécessaires sur le terrain.

Le sort de l’ex-Inspecteur d’académie du Rhône, limogé quatre mois après son arrivée à Lyon, reste présent à l’esprit de chacun. Convoqué au ministère en février dernier, Jacques Aubry s’était vu signifier qu’il était démis de sa fonction : « on ne m’a pas donné les griefs retenus contre moi, si ce n’est que j’aurais perdu la confiance du recteur » [Roland Debbasch] [1].

Sans doute ces hauts fonctionnaires lisent-ils trop le Canard enchaîné qui, dans son édition du 4 mars, rapportait les imprécations jupitériennes de Nicolas Sarkozy : « Je ne veux plus voir les enseignants, les chercheurs et les étudiants dans la rue ! a-t-il écumé. Fini le projet de décret sur [...]. Fini aussi la [...]. Vous me réglez ça. Vous vous couchez. Je m’en fous de ce que racontent les cons du ministère ! S’il le faut vous n’avez qu’à faire rédiger les textes par les syndicats, mais qu’on passe à autre chose ! On a bien assez de problèmes comme ça. De toute façon, ce n’étaient que des projets de merde. »


« tout défaut de transmission [...] sera qualifié de service non fait, avec les conséquences qui y sont attachées » (extrait d’une note adressée le 10 mars 2009 par un IA à un directeur d’école)

Un communiqué du Syndicat National des Personnels d’Inspection

Non à la manipulation des statistiques sur les évaluations CM2 !

le 12 mars 2009

Des témoignages nous parviennent de toute la France faisant état de pressions directes ou indirectes des IA-DSDEN [2] sur les IEN CCPD [3] pour gonfler les statistiques des remontées des évaluations CM2. La plupart des instructions données l’ont été oralement, mais certaines instructions écrites nous sont parvenues et confirment les alertes qui nous ont été lancées.

Ces instructions consistent à demander aux IEN CCPD de transformer les fichiers des résultats renseignés par les directeurs d’école, notamment ceux qui ont intégré un code 2 validant des compétences partielles, ou bien à transformer les codes A en 0 ou en 1 pour faire remonter les scores.

Le SNPI-fsu appelle les inspecteurs à ne pas compromettre leur indispensable légitimité professionnelle au sein de leur circonscription, ainsi que la valeur de leur expertise institutionnelle nationale dans des opérations de manipulation des informations qu’ils ont à valider et à transmettre.

Ce genre de pratique déroge à l’évidence à la déontologie la plus élémentaire. Elle met à mal la neutralité du service public et la confiance des citoyens envers la fonction publique. Dans certains cas, les instructions délivrées par les IA-DSDEN s’apparentent à une demande de production de faux en écriture publique dénoncée par le Code de procédure publique et le Code pénal. Dans d’autres cas, les instructions sont accompagnées de menaces sur la carrière, voire sur la réussite au prochain oral d’un concours national de recrutement. Là encore, ce genre de pratique est dénoncée par la morale et les lois et il est susceptible de poursuites judiciaires.

Dans la plupart des cas qui nous ont été communiqués, la même légitimation de l’opération revient, comme l’expression d’une manipulation grossière : « l’académie (ou le département, selon les cas) est classée dernière dans la remontée des résultats des évaluations ; il faut absolument atteindre le niveau national, sinon les sanctions vont tomber (sous-entendu pour le recteur, l’IA-DSDEN, voire les IEN CCPD) ». Stupéfiante course à l’échalote !

Cette information doit être croisée avec les témoignages de plus en plus nombreux qui nous parviennent sur la gestion autoritaire et ouvertement menaçante par le ministère et l’administration centrale à l’encontre des recteurs et des IA-DSDEN. Le limogeage spectaculaire de l’IA-DSDEN du Rhône a été à cet égard l’élément de trop dans cette gestion archaïque, irrespectueuse et contraire aux valeurs de notre République et de la démocratie. Désormais, tous les IA-DSDEN craignent de se voir renvoyés à tout moment. Une rumeur, plus ou moins fondée, nous est très récemment parvenue faisant état d’une « prochaine charrette » (sic). Dès lors, on ne peut s’étonner que certains IA-DSDEN perdent leur sang-froid et se livrent à des pratiques inadmissibles.

Tout cela est le fruit d’une politique éducative inspirée par le culte absurde du résultat avec des chiffres manipulés, par l’autoritarisme et la personnalisation dans la gestion de la fonction publique, une politique qui vise à l’atomisation du service public national dont les relais territoriaux sont mis en concurrence sur le modèle des entreprises privées à but lucratif.

Le SNPI-fsu soutiendra avec force tous les IEN CCPD qui défendront la dignité de leur fonction et celle du service public en refusant de se conformer à des instructions manifestement illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public. De même, conformément à ses statuts, il soutiendra tous les IA-DSDEN qui se verraient menacés ou sanctionnés pour avoir défendu avec courage et lucidité les valeurs du service public.

Un message du Bureau national du Syndicat de l’Inspection de l’Education nationale

Evaluations en CM2 : refus des pressions locales

le 12 février 2009

L’écho médiatique des évaluations nationales en CM2 illustre bien les tensions qui traversent
actuellement le système éducatif.

Nous ne reviendrons pas sur les critiques que nous avons émises sur ce dispositif ; elles se
sont révélées en grande partie fondées, mais ne sont pas les causes fondamentales des
difficultés que nous connaissons aujourd’hui.

Les échanges avec le Cabinet du ministre ainsi qu’avec la DGESCO faisaient ressortir une
apparente volonté d’éviter les situations de crise. L’approche nous semblait sage puisqu’elle
permettait d’une part de lever –au moins partiellement– les inquiétudes relatives à l’usage des
informations remontant des établissements et, d’autre part, contribuait à souligner
l’importance de l’évaluation qui est indissociable de toute perspective d’enseignement.

Que les propos des plus hautes instances du ministère de l’Education aient été sincères ou
opportunistes, peu importe. C’est une fois encore le manque de clarté dans les communiqués
qui pose problème. Ainsi, sous couvert d’ordres aux origines souvent nébuleuses, l’autorité
hiérarchique locale n’hésite pas à solliciter les IEN pour des manipulations curieuses,
discutables ou franchement malsaines !

Faire remonter des chiffres semble être devenu la priorité des départements et des académies.
Tous les moyens semblent bons pour les obtenir : la menace (retrait de salaire, rappel des
obligations des fonctionnaires…), la ruse (transformation des cotations inexploitables en un
zéro qui ne veut rien dire mais qui est informatiquement exploitable) ou la « force »
(« descente » d’un IEN éventuellement accompagné de ses conseillers pédagogiques).
Qu’est-ce qui justifie ce zèle ? La prise de conscience du caractère indispensable de ces
chiffres pour améliorer le fonctionnement du système éducatif ? Du tout ! C’est tout
simplement la peur qui motive nos responsables locaux… Comme le disent certains : « ma
tête est en jeu ! »

Le SI.EN-UNSA Education engage les inspecteurs à faire preuve de plus de sérénité et d’un
plus grand sens du service public que celui qui semble animer ces zélés « pisse-statistiques ».
N’oublions pas que la crise des évaluations, comme toutes les crises, connaîtra une fin.
Veillons donc à pouvoir retourner dans les écoles la tête haute et sans qu’ait été entamé le
contrat de confiance qui nous lie aux enseignants !

Le Bureau National affirme son soutien sans réserve à tous les collègues amenés à s’opposer à
des ordres inacceptables et dangereux pour le système éducatif. Il réagira sans faiblesse s’il
vient à être informé de difficultés dans l’application de cette consigne.

Notes

[1D’après Le Progrès du 20 février 2009.
Depuis lors, estimant qu’il y a eu excès de pouvoir de la part du ministère, Jacques Aubry a déposé un recours en annulation auprès du tribunal administratif de Lyon.

[2IA-DSDEN : Inspecteur d’académie – directeur des services départementaux de l’éducation nationale.

[3IEN CCPD : Inspecteur de l’Éducation nationale – chargé de circonscription du 1er degré.


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