la LDH condamne les interpellations arbitraires


article communiqué de la LDH  de la rubrique démocratie > terrorisme : 13 novembre
date de publication : mardi 1er décembre 2015
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Sur les 317 personnes interpellées à la suite des incidents à Paris dimanche soir, seules 9 ont vu leur garde à vue prolongée. Mais, à ce jour, plus de 2 000 perquisitions administratives ont été menées et plus de 520 personnes placées en garde à vue, dans le cadre de l’état d’urgence.

Sur Europe 1, mardi 1er décembre, le premier ministre Manuel Valls a laissé entendre que la prorogation de l’état d’urgence au-delà du 26 février, terme fixé par la loi adoptée dans la foulée des attentats du 13 novembre, était une possibilité envisageable.
M. Valls s’est justifié en déclarant que cette « restriction des libertés » avait pour objectif de « protéger nos libertés »...

La Ligue des droits de l’Homme a publié aujourd’hui un communiqué dans lequel elle proteste contre les « interpellations arbitraires ». Nous le faisons suivre d’une synthèse par Amnesty international de ce que l’état d’urgence peut permettre.


Communiqué LDH

Les interpellations arbitraires, ça suffit !

La Ligue des droits de l’Homme salue le rassemblement pacifique de la société civile organisé à l’occasion de la COP21 qui a eu lieu le dimanche 29 novembre 2015.

La fin d’après-midi, place de la République à Paris, a vu l’interpellation par les forces de l’ordre de plus de trois cents personnes, beaucoup d’entre elles ayant passé vingt-quatre heures en garde à vue. La police, qui semble avoir été incapable de s’opposer aux agissements d’une poignée de casseurs provocateurs, s’est donc retournée contre la foule. Très vite, les CRS ont chargé et lancé des bombes lacrymogènes sur des manifestants encerclés.

Ces incidents témoignent du climat de tension entretenu par la mise en place de l’état d’urgence et de l’utilisation de cette mesure exceptionnelle pour intimider les mobilisations démocratiques.

La LDH rappelle que le droit de manifester est une liberté fondamentale. Partout en France, les citoyennes et citoyens entendent en user pour faire vivre les libertés, la démocratie contre ceux qui l’ont agressée. Il est urgent de les entendre, urgent de lever son interdiction.

Paris, le 1er décembre 2015

Une synthèse par Amnesty International France

Etat d’urgence en France : menace sur nos libertés ?

L’ASSIGNATION A RÉSIDENCE

  • Hors état d’urgence

Elle concerne les personnes mises en examen (contre lesquelles on dispose d’indices graves et concordants) pour un délit ou crime passible de plus de 2 ans d’emprisonnement. Elle concerne aussi la personne étrangère qui a été condamnée à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou qui fait l’objet d’un arrêté d’expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.

Qui décide ? L’autorité judiciaire, le juge des libertés et de la détention.

  • Pendant l’état d’urgence

Elle concerne toute personne contre laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public.

L’assignation peut être faite sous escorte y compris en dehors du lieu de résidence de la personne. La personne peut être obligée de rester à domicile, de pointer à la police plusieurs fois par jour, et de remettre son passeport. Si la personne a déjà été condamnée pour une infraction terroriste, elle peut être mise sous surveillance électronique, même bien après que celle-ci ait fini de purger sa peine.

Qui décide ? La décision relève exclusivement du Ministre de l’intérieur.

  • Pourquoi Amnesty International est vigilante

Cette mesure porte atteinte au droit à une vie familiale, au droit d’aller et venir, à un procès équitable et à la présomption d’innocence. La notion de « comportement », inconnue jusqu’ici, a été introduite dans l’état d’urgence : une notion vague qui laisse une grande marge d’interprétation aux services de police. Elle est susceptible de toucher de très nombreuses personnes n’ayant commis aucune infraction.

LES PERQUISITIONS

  • Hors état d’urgence

Les perquisitions sont ordonnées par le juge dans le cadre d’une enquête judiciaire, entre 6h et 21h. Si l’enquête concerne des infractions terroristes, elles peuvent être menées à toute heure, y compris de nuit.

Qui décide ? Le juge judiciaire

  • Pendant l’état d’urgence

En tout lieu et à toute heure, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu concerné est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics, de jour et de nuit et sans l’accord de l’intéressé et sans que sa présence soit obligatoire. Une copie de l’ensemble des données informatiques est possible.

Un officier de police judiciaire doit être présent, ainsi qu’un représentant de la personne perquisitionnée, ou deux témoins extérieurs. Si l’officier de police constate une infraction, une procédure judiciaire se déclenche. Le Procureur doit être tenu informé.

Qui décide ? Le préfet

  • Pourquoi Amnesty International est vigilante

Cette mesure est une atteinte au droit à la vie privée et au secret des correspondances.

La notion de « comportement », inconnue jusqu’ici, a été introduite dans l’état d’urgence : une notion vague qui laisse une grande marge d’interprétation aux services de police. Elle est susceptible de toucher de très nombreuses personnes n’ayant commis aucune infraction.

DISSOLUTION D’ASSOCIATION OU GROUPEMENT DE FAIT

  • Hors état d’urgence

La loi prévoit la possibilité de dissoudre les associations provoquant des manifestations armées dans la rue, ou ayant pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire, ou d’attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement ; les associations qui provoquent, justifient ou encouragent la haine, la discrimination ou la violence.

Les associations qui agissent en vue de provoquer des actes de terrorisme peuvent être dissoutes.

Qui décide ? Décret pris en conseil des ministres.

  • Pendant l’état d’urgence

Toute association ou groupement de fait qui participe, facilite ou incite à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public.

Qui décide ? Décret pris en conseil des ministres.

  • Pourquoi Amnesty International est vigilante

L’état d’urgence permet de dissoudre des associations sur la base de critères beaucoup plus larges. La dissolution se prolonge après la fin de l’état d’urgence.

Cette mesure est une atteinte à la liberté d’expression, de réunion et de manifestation.

INTERRUPTION DE SERVICE DE COMMUNICATION EN LIGNE

  • Hors état d’urgence

Le retrait, le blocage et le déréférencement administratif sont possibles pour tout contenu provoquant directement la commission d’actes terroristes ou faisant leur apologie.

Les hébergeurs du site sont initialement contactés et il leur est demandé le retrait du contenu. En l’absence de retrait dans les 24h, les fournisseurs d’accès Internet doivent bloquer les sites en cause.

Une personnalité qualifiée auprès de la CNIL est chargée du contrôle à posteriori de la régularité des demandes de blocage et des retraits de contenus.

Qui décide ? Le Ministre de l’intérieur (Office central de lutte contre la criminalité, les technologies de l’information et des communications)

  • Pendant l’état d’urgence

L’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant ou faisant l’apologie d’actes terroristes est possible.

Qui décide ? Le Ministre de l’Intérieur seul

  • Pourquoi Amnesty International est vigilante

Cette mesure porte atteinte à la liberté d’expression et au droit à la vie privée, sans contrôle préalable du juge.

L’Etat a le devoir de prendre les mesures nécessaires pour la protection de tous les citoyens. A noter que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence ne mentionnent à aucun moment la prévention de la menace terroriste, mais se réfèrent d’abord à la sécurité, l’ordre public et aux intérêts fondamentaux de la nation.

Le spectre des personnes potentiellement visées par l’état d’urgence est donc beaucoup plus large que la réponse aux attaques du 13 novembre à Paris. Il s’agit exclusivement de mesures de police administrative. L’ensemble de ces mesures sont prises par les autorités administratives en dehors de toute enquête judiciaire.

Parce qu’elles portent par nature atteinte aux libertés individuelles fondamentales les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence doivent être nécessaires et proportionnées à l’importance des troubles ou de la menace à l‘ordre public et ne doivent discriminer personne.


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