Monsieur le président, la France doit être exemplaire ...


article de la rubrique démocratie > terrorisme : 13 novembre
date de publication : jeudi 25 février 2016
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Une démarche collective d’une soixantaine d’associations auprès du président de la République.


Monsieur le président, la France doit être exemplaire dans la lutte contre le terrorisme

Le 25 février 2016,

Monsieur le président de la République,

Plus de 60 organisations membres de la FIDH, dont, bien sûr, la Ligue française des droits de l’Homme, sont particulièrement préoccupées par la situation des libertés publiques et individuelles en France. Tous nos membres ont été horrifiés par les attentats commis durant l’année 2015 à Paris et Saint Denis. Ces actes de terrorisme sont commis partout dans le monde et il est de la responsabilité des Etats d’y répondre de manière à préserver la sécurité de tous ainsi que les libertés. La FIDH et ses organisations membres, s’appuyant sur leur expérience bientôt centenaire, affirment que cette lutte doit impérativement se mener dans le respect des droits de l’Homme sous peine de porter atteinte aux principes mêmes de la démocratie, satisfaisant ainsi aux objectifs des criminels. A quoi s’ajoute le fait que, à ne pas respecter les libertés fondamentales, on nourrit stigmatisations et discriminations, au risque de mettre en péril la cohésion d’un pays.

Nos organisations, mais aussi les gouvernements du monde entier et les instances internationales, sont attentifs à la réaction des autorités françaises. Toute mesure attentatoire aux droits des individus et aux libertés publiques serait un reniement des engagements internationaux de la France et indigne du pays de la Déclaration des droits de l’Homme. Elle ne manquerait pas d’être prise comme exemple par les régimes les plus autoritaires pour légitimer leur politique de répression des opposants politiques, journalistes ou ONG comme les nôtres, menée au prétexte fallacieux de la lutte contre le terrorisme.

C’est pourquoi nos organisations s’inquiètent particulièrement de la prorogation de l’état d’urgence , et plus encore de son renouvellement annoncé à partir du 26 février. Si de nombreux gardes fous républicains permettent d’examiner les conditions de sa mise en œuvre, plusieurs informations et témoignages font état d’un recours à la force inutile et d’erreurs dans le cadre des plus de 3000 perquisitions exécutées sans l’autorisation du juge judiciaire. Près de 400 assignations à résidence ont par ailleurs été décidées par les préfets sur la base de simples notes blanches, certaines dépassant le strict cadre de la lutte contre le terrorisme pour concerner par exemple des militants écologistes. Ces actes ont été validés dans leur quasi-totalité par la justice administrative dont le contrôle, exercé a posteriori, s’est révélé largement insuffisant voire inopérant lorsqu’il s’agit de perquisitions. Nous relevons au surplus que, de l’avis même du mécanisme parlementaire de surveillance de l’état d’urgence, les modalités d’action instaurées par celui-ci ne sont presque plus utilisés par les services concernés. Nous en concluons que les moyens du droit commun permettent de faire face à la situation actuelle.

Le projet de réforme de la Constitution sur l’état d’urgence et la déchéance de nationalité, ainsi que le projet de réforme de la procédure pénale qui viennent s’ajouter à la loi sur la surveillance électronique et à trente années de législation abondante sur la lutte contre le terrorisme, inquiètent également quant aux risques accrus de violations des libertés et droits fondamentaux des citoyens qu’elles comportent. La France sera un des seuls pays dont la Constitution inclut trois dispositifs d’exception.

Nonobstant le soutien dont les sondages d’opinion semblent créditer ces réformes, nous craignons vivement, pour notre part, qu’elles ne renforcent au sein de la population, et singulièrement parmi les plus vulnérables, un sentiment d’arbitraire, qu’elles ne favorisent des actes de stigmatisation et de discrimination et ne fissurent davantage la cohésion sociale.

Il serait pour le moins paradoxal que, sous couvert de favoriser l’union nationale, les réformes engagées encouragent au contraire la désunion et, in fine, ne bénéficient principalement qu’aux forces politiques les plus extrêmes de la société française. C’est pourtant la profonde préoccupation que ces réformes nous inspirent, à l’aune de l’expérience douloureuse que nous avons suivie dans nombre de pays depuis le 11 septembre 2001.

Aussi, nos organisations appellent au non renouvellement de l’état d’urgence, au retrait des réformes constitutionnelles proposées, et à l’encadrement par un strict respect des droits humains, de toute réforme entreprise et de la politique étrangère de la France relatives à la lutte contre le terrorisme.

Nous appelons aussi les autorités françaises à renouer le dialogue avec l’ensemble de la société civile et à s’appuyer sur son expertise.

Enfin, nous vous recommandons d’inviter officiellement en France aux fins d’enquête, les principaux organes du Conseil de l’Europe et des Nations unies compétents, pour évaluer les mesures en vigueur ou proposées et les pratiques en cours, à l’aune des obligations internationales conventionnelles souscrites par la République française. Parmi eux, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe et le Rapporteur spécial de l’ONU sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’Homme nous semblent devoir être invités prioritairement.

La France entend agir dans le cadre des systèmes onusiens et européens de protection des droits, qu’elle soutient par ailleurs et qu’elle s’est engagée à respecter et promouvoir. Une telle invitation nous semblerait cohérente, nécessaire et opportune.

Pour notre part nous organiserons à bref délai une mission d’enquête internationale, espérant de la part des autorités française une collaboration active.

Restant à votre disposition, nous vous prions de croire, Monsieur le président de la République, à l’assurance de notre haute considération.


Signataires :

En Afrique
- Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) – Côte d’Ivoire
- Organisation nationale des droits de l’Homme (ONDH) – Sénégal
- Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) – Côte d’Ivoire
- Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO) – Sénégal
- NSANZURWIMO – Rwanda
- Maison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC) – Cameroun
- DITSHWANELO – Bostwana
- ZimRights – Zimbabwe
- Groupe LOTUS – RDC
- Kenya Human Rights Commission – Kenya
- Ligue tchadienne des droits de l’Homme – Tchad
- Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) – Tchad
- Ligue djiboutienne des droits de l’Homme – Djibouti

En Amériques
- Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) – Haïti
- Ligue des droits et libertés du Québec – Canada
- Liga argentina por los derechos mumanos (LADH) – Argentine
- CCR – USA
- CNDH – République Dominicaine
- Limedddh – Mexique
- Centro de Capacitación Social de Panamá – Panama
- Comisión de Derechos Humanos de El Salvador (CDHES) – El Salvador
- CELS – Argentine
- Coordinadora Nacional de Derechos Humanos (CNDDHH) – Perou

En Asie
- Mouvement Lao pour les droits de l’Homme (MLDH) – Laos
- Comité Viet Nam Pour la défense des droits de l’Homme – Vietnam
- Save Tibet – Tibet
- Human Rights Commission of Pakistan – Pakistan
- Commonwealth Human Rights Initiative – Inde
- Odhikar – Bangladesh
- ALTSEAN – Birmanie
- ADHOC – Cambodge
- Armanshahr/OPEN ASIA – Afghanistan
- Philippine Alliance of Human Rights Advocates – Philippines

En Europe
- Ligue des droits de l’Homme – France
- Ligue des droits de l’Homme – Belgique
- Malta Association of Human Rights – Malte
- Hellenic League for Human Rights – Grèce
- LIDU- Lega Italiana dei Diritti dell’Uomo – Italy
- Ihmisoikeusliitto – Finnish League for Human Rights – Finlande
- Latvian Human Rights Committee – Littonie
- Human Rights Association (IHD) – Turkey
- Committee on the Administration of Justice (CAJ) – UK
- League for Human Rights Netherlands – Netherlands
- Liga für Menschenrechte – Allemagne

En Europe de l’Est et Asie Centrale
- Kazakhstan International Bureau for Human Rights and Rule of Law – Kazakhstan
- Human Rights Movement « Bir Duino-Kyrgyzstan » – Kirghizistan
- Human Rights Center (HRIDC) – Géorgie
- Civil Society Institute – Arménie
- Promo-LEX Association – Moldavie
- Anti-Discrimination Centre « Memorial » – Russie
- Bureau for Human Rights and Rule of Law – Tadjikistan
- Human Rights Organisation « Citizen’s Watch » – Russie
- Public foundation « Legal clinic « Adilet » – Kirghizistan
- International human rights organisation « Fiery hearts club » – Ouzbékistan
- Human Rights Centre « Viasna » – Bélarus

Au Maghreb et au Moyen-Orient
- Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) – Tunisie
- Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) – Tunisie
- DOUSTOURNA – Tunisie
- Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) – Tunisie
- Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) – Égypte
- Association marocaine des droits humains (AMDH) – Maroc
- Organisation marocaine des droits humains (OMDH) – Maroc


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