l’état d’urgence devant le conseil constitutionnel


article communiqués de la LDH  de la rubrique démocratie > terrorisme : 13 novembre
date de publication : mercredi 16 décembre 2015
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Le Conseil d’État, saisi par un activiste écologiste assigné à résidence, a décidé vendredi 11 décembre de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), une procédure qui permet de demander aux gardiens de la Constitution si tel ou tel article de loi est bien conforme à la Constitution.

En l’occurrence, c’est l’article 6 de la loi sur l’état d’urgence qui est en cause. Il autorise le ministre de l’intérieur à assigner à résidence toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Une définition extrêmement large pour une mesure de restriction de liberté aussi grave. Le Conseil d’État veut s’assurer que cette disposition ne méconnaît pas l’article 66 de la Constitution, selon lequel : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Vu l’importance de la question soulevée, le Conseil constitutionnel n’a pas tardé à réagir : il a convoqué une audience jeudi 17 décembre afin d’examiner cette QPC — il rendra sa décision mardi 22 décembre. Les dispositions de la loi sur l’état d’urgence sur les perquisitions et sur l’interdiction de réunion ou de manifestation font l’objet de deux autres QPC, déposées par la Ligue des droits de l’Homme, sur lesquelles le Conseil d’Etat ne se penchera que début de 2016. [1]


Communiqué LDH

Paris, le 15 décembre 2015

La LDH interviendra volontairement sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des assignations à résidence, décidées dans le cadre de l’état d’urgence, avec la Constitution

Le Conseil d’Etat, saisi vendredi dernier de sept affaires d’assignation à résidence prononcées dans le cadre de l’état d’urgence, a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de ce dispositif avec les droits et libertés constitutionnellement garantis, au premier rang desquels la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée ou encore celui de mener une vie familiale normale.

La LDH a décidé, par l’intermédiaire de maître Spinosi, d’intervenir volontairement en soutien de cette action devant le Conseil constitutionnel.

Communiqué LDH

Paris, le 10 décembre 2015.

LA LDH INTRODUIT DIVERSES ACTIONS CONTENTIEUSES CONTRE LA PROROGATION DE L’ÉTAT D’URGENCE

La prorogation de l’état d’urgence ne peut être la réponse aux attentats du 13 novembre, comme la LDH et de multiples organisations ont déjà pu l’exprimer par un appel unitaire du 25 novembre dernier. De multiples mesures prises sur son fondement, telles des assignations à résidence ou encore des perquisitions, ont déjà démontré les dérives inhérentes à ce régime d’exception.

La LDH, représentée par maître Spinosi, a donc décidé d’introduire un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du décret du 14 novembre 2015 et de la circulaire du 25 novembre 2015 organisant l’application de cet état d’urgence. A cette occasion, la LDH proposera à la haute juridiction administrative de transmettre au Conseil constitutionnel trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité des règles régissant l’assignation à résidence, les perquisitions et les restrictions à la liberté de réunion au regard des graves atteintes portées aux libertés fondamentales constitutionnellement garanties.

Parallèlement, la LDH interviendra volontairement ce vendredi en soutien de sept recours contre des décisions d’assignation à résidence portés devant le Conseil d’Etat statuant en référé.

La LDH se réserve en outre la possibilité, en cas de renouvellement de l’état d’urgence, d’engager toute nouvelle action contentieuse à son encontre.

Le projet de révision constitutionnelle

par Franck Johannès, Le Monde, le 3 décembre 2015


Voici le projet de révision constitutionnelle, soumis pour avis au Conseil d’Etat le 1er décembre. Il s’inspire pour le premier article de la loi du 3 avril 1955, dont il reprend la formulation vieillotte sur les calamités publiques. Il ajoute une disposition étonnante sur la sortie de l’état d’exception, qui se prolonge donc plus ou moins automatiquement pendant six mois.

L’article 2 est consacré à la déchéance de nationalité, dans une rédaction très proche de l’article 25 du code civil. Les débats sur ce point sont très partagés au Conseil d’Etat, qui doit rendre un avis - consultatif - avant le conseil des ministres du 23 décembre.

Les constituants, aux yeux du Conseil d’Etat disposent naturellement d’une marge plus grande que pour l’adoption d’une simple loi. Si l’insertion de l’état d’urgence dans la Constitution ne devrait pas poser de grandes difficultés - le texte de 1955, rafraîchi en 2015 semble difficilement conforme à la norme constitutionnelle, donc on change la Constitution -, la sortie de l’état d’exception (§ 3 de l’article 36-1) et sa prolongation automatique inquiètent à juste titre les juristes.

Autre difficulté, ce 3e § et l’article suivant, font entrer le mot terrorisme dans la Constitution, ce qui est aussi une forme de sacralisation, et c’est la première fois. Enfin la déchéance de nationalité, même s’il en reste des traces dans le code civil d’aujourd’hui, fait directement écho à la loi du 22 juillet 1940 du maréchal Pétain, ce qui passe moins facilement au Palais Royal qu’à l’Hôtel Matignon.

Article premier

Après l’article 36 de la Constitution, il est inséré un article 36-1 ainsi rédigé :

  • Article 36-1. - L’état d’urgence est décrété en conseil des ministres soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre, sous le contrôle du juge administratif, pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements.
    _
    La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée.

    Lorsque le péril ou les événements ayant conduit à décréter l’état d’urgence ont cessé mais que demeure un risque d’acte de terrorisme, les autorités civiles peuvent maintenir en vigueur les mesures prises en application du premier alinéa pendant une durée maximale de six mois. La loi peut permettre, pendant la même durée, aux autorités civiles de prendre des mesures générales pour prévenir ce risque.

Article 2

Après l’article 3 de la Constitution, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :

  • Art. 3-1. - Un Français qui a également une autre nationalité peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu’il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.

P.-S.

A la date du 15 décembre 2015, plus d’un mois après les attentats ayant frappé Paris le 13 novembre, les 2 700 perquisitions administratives qui ont été menées au total ont abouti à l’ouverture de deux enquêtes préliminaires par la section antiterroriste du parquet de Paris,

Pendant la même période, et toujours dans le cadre de l’état d’urgence, 360 arrêtés d’assignation à résidence ont été signés par le ministre de l’intérieur [2]

Notes

[1D’après l’article « Le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer sur l’état d’urgence » de Jean-Baptiste Jacquin, publié dans Le Monde du 12 décembre 2015.

[2Référence : Le Monde.fr mis à jour le 16.12.2015 à 09h38


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