rapport de la LDH sur l’état des droits de l’Homme en France en 2003


article de la rubrique droits de l’Homme > rapports
date de publication : jeudi 10 juin 2004
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[mardi 25 mai 2004]

L’année 2003 restera comme l’annus horribilis des droits de l’homme en France. Dans son rapport annuel, pour la première fois disponible en librairie
 [1]
, la Ligue des droits de l’homme (LDH) dresse un bilan accablant de l’action gouvernementale. Selon son président Michel Tubiana, « en un an et demi, nous avons assisté au plus grand recul des droits de l’homme en France depuis la guerre d’Algérie ».

Premières mesures visées, les lois Perben I (d’orientation ) et II (sur la criminalité) et Sarkozy sur la sécurité intérieure : elles « confient des droits arbitraires aux forces de l’ordre, enrégimentent les juges, bouleversent les règles de la procédure pénale au profit de la seule accusation et accroissent la répression au point que les prisons ont atteint un surpeuplement jamais connu jusqu’alors ».

Alibi. Michel Tubiana parle de « relativisation des droits de l’homme au gré des intérêts politiques et des situations du moment ». Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la campagne contre l’insécurité avant l’élection présidentielle et celle de 2000 contre le laxisme de la justice après les avancées de la loi sur la présomption d’innocence sont directement désignés comme ayant servi d’alibi à un net recul des libertés individuelles en France et dans le monde.

Concernant la lutte contre les discriminations, la LDH condamne les "promesses non tenues" sur le handicap, et l’affaiblissement ou la disparition des commissions et numéro vert (114) mis en place par la gauche, ou le non renouvellement de la commission consultative des gens du voyage. La lutte contre les discriminations ou le racisme "a été réduite au contrat d’intégration réservé aux nouveaux migrants" alors que les subventions aux associations de terrain ont diminué "de façon drastique", selon la LDH. La Ligue dénonce aussi la persistance des attaques aux droits des femmes ou des gens du voyage. En droit des étrangers, la France "s’est doté d’un arsenal législatif le plus répressif depuis 1945", écrit Catherine Teule, secrétaire générale de la LDH. Enfin, la Ligue condamne les attaques à la liberté d’expression et défend le "droit pour les adultes d’accéder librement à la culture"

Fidèle à ses engagements depuis près d’un siècle, la ligue refuse le distinguo droit de l’homme-droits sociaux. « Sans la garantie des droits sociaux, pas de droits de l’homme. Sans logement, sans papiers, on n’a pas le reste. C’est un tout indissociable. »

Des étrangers en situation irrégulière dans un centre de rétention de la zone d’attente de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. (AFP le 27 oct 2003)

A Sarkozy, qui a ressorti cette année le vocable de « droit-de-l’hommistes » pour parler des associations de défense des droits de l’homme, le président de la LDH répond que c’est le vocabulaire de l’extrême droite. Et que, d’ailleurs, son action y ressemble : il a été par exemple à l’origine de la réunion des ministres de l’Intérieur européens, qui se sont dédouanés ­ en rendant Bruxelles responsable ­ des restrictions du droit d’asile, contraires à la convention de Genève. Mais la France n’hésite pas, contre l’avis du Parlement européen, à livrer aux Etats-Unis les fichiers informatiques contenant les données personnelles des clients des compagnies aériennes.

Fragiles. « De plus en plus, la situation des droits en France est indissociable du contexte mondial. » La situation au Proche-Orient, à laquelle est consacré un chapitre du rapport, est, selon la LDH, « notre maladie à tous » et responsable de replis communautaires inacceptables. Les populations les plus touchées par le recul des droits sont les plus fragiles : les étrangers (droit d’asile restreint), les pauvres (mendicité, gens du voyage), les jeunes des cités (occupation de hall d’immeuble).

Michel Tubiana conclut : « L’ensemble des mesures prises depuis dix-huit mois dans tous les domaines, comme les droits sociaux, la justice, l’emploi, le droit d’asile, la lutte contre le terrorisme ou la sécurité, constitue un système cohérent de recul généralisé des droits individuels en France. »

"2003 fut une année noire pour les libertés", écrit dans ce livre Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH, qui affirme "avoir rarement vu un gouvernement mettre en place aussi rapidement après son accession au pouvoir un dispositif restreignant de façon systématique les garanties des citoyens".

Notes

[1 L’état des droits de l’homme en France - édition la Découverte, 2004, 137 pages, 7,50 euros.

Dans ce livre, la LDH propose pour la première fois un état annuel des droits de l’Homme en France, dans une série de domaines essentiels, où la LDH s’est mobilisée en 2003. Il ne s’agit pas d’un rapport d’activité, mais d’un ensemble de réflexions politiques et d’analyses menées par les responsables des secteurs concernés. Les questions abordées concernent d’abord la France : quelles perspectives politiques depuis les élections présidentielles de 2002 ? Que signifie aujourd’hui cette laïcité dont on n’a jamais autant parlé depuis un siècle ? Quelle justice, quelle police, quels droits pour les étrangers met en place le gouvernement actuel, avec quelles conséquences sur les discriminations ? Quel est l’état des droits sociaux, de la liberté d’expression ?

La LDH intervient aussi sur les questions internationales, avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) à laquelle elle est affiliée. L’Europe, le Forum social européen de novembre 2003, la mondialisation, le conflit israélo-palestinien ou la guerre en Irak : autant de thèmes présentés ici et qui concernent directement le gouvernement et les citoyens de ce pays.

TABLE DES MATIERES

Préface, par Nicole Savy, vice-présidente de la LDH

1. Citoyenneté et vie politique : l’état de la démocratie en France,par Jean-Pierre Dubois, vice-président de la LDH

2. La laïcité. Un combat nécessaire, à contre-courant d’une opinion désorientée,par Gilles Manceron, membre du Bureau national de la LDH

3. Libertés publiques : l’année horrible,par Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH

4. Les discriminations, entre déclarations de principe et politiques de répression,par Nadia Doghramadjian, déléguée du groupe de travail Discriminations

5. La France se protège des étrangers,par Catherine Teule, secrétaire générale de la LDH

6. Les droits sociaux à l’aune du libéralismepar Marie Cévé, membre du Comité central de la LDH, référente pour les Droits économiques et sociaux

7. Culture et liberté d’expression. Le droit de créer librement est-il un droit de l’Homme,par Agnès Tricoire, membre du Comité central de la LDH, déléguée du groupe Culture

8. L’Union européenne : la démocratie encore confisquée,par Arlette Heymann-Doat, membre du Comité central de la LDH, déléguée du groupe de travail Europe

9. Un monde pour tous, un monde de tous les droits : le Forum social européen 2003 et les droits de l’Homme,par Pierre Barge, secrétaire général adjoint de la LDH

10. Économie et mondialisation,par Michel Savy, délégué du groupe de travail Economie et mondialisation

11. Le Proche-Orient, notre maladie à tous, par Michel Tubiana, président de la LDH

12. Irak : les contradictions du mouvement social face à la guerre,par Marie-Agnès Combesque, délégué du groupe de travail Abolition de la peine de mort

13. Après le 11 septembre : user et abuser de la lutte antiterroriste, par Driss El Yazami,vice-président de la LDH

Conclusion,par Michel Tubiana, président de la LDH


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