l’ONU doit interroger le gouvernement français sur ses promesses non tenues


article communiqué commun LDH/FIDH  de la rubrique droits de l’Homme > rapports
date de publication : dimanche 20 janvier 2013
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Le 21 janvier 2013, la France est soumise à son tour – comme tout membre des Nations Unies – à l’Examen périodique universel (EPU) de la part de l’organisation internationale. Il s’agit d’examiner le respect des droits de l’Homme par notre pays et de formuler des recommandations en vue de son amélioration.

A cette occasion, la LDH et la FIDH ont adressé des recommandations au groupe de travail de l’EPU afin de l’inciter à rappeler à la France les engagements qu’elle avait pris mais qu’elle n’a pas respectés depuis son précédent examen en 2008. Les deux organisations pointent également un certain nombre de domaines où la situation n’est pas satisfaisante, allant des contrôles d’identité au faciès aux discriminations à l’égard des Roms.

Ces recommandations sont reprises ci-dessous, à la suite d’un communiqué commun des deux organisations, en espérant avec Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH, que la France « [cesse] de prendre à la légère les critiques qui lui sont adressées par l’ONU. Sa crédibilité est en jeu ».


Communiqué commun LDH / FIDH [1]

Examen périodique de la France : Les Nations Unies doivent interroger le gouvernement français sur ses promesses non tenues

Le 18 janvier 2013

Les membres des Nations unies doivent utiliser l’Examen périodique universel (EPU) pour recommander à la France de protéger de façon effective les droits de l’Homme de tous, y compris ceux des migrants et des minorités, à l’occasion de son prochain examen qui aura lieu le 21 janvier 2013.

L’EPU est un mécanisme des Nations unies qui permet à tous les pays d’évaluer la situation des droits de l’Homme dans chaque pays membre des Nations unies et de formuler des recommandations en vue de son amélioration. Le dernier examen de la France a eu lieu en 2008 et se concentrait notamment sur la question des discriminations raciales, la protection des droits des minorités et des migrants.

Pour cette prochaine revue, la LDH et la FIDH appellent les gouvernements qui vont y participer, à rappeler à la France ses promesses non tenues de 2008, ainsi qu’à formuler de nouvelles recommandations reflétant le manque de volonté politique du Gouvernement dans ce domaine : « En dépit des promesses maintes fois renouvelées aux différents organes des Nations unies, la France ne s’est toujours pas dotée d’un plan de lutte contre le racisme efficace et cohérent » a déclaré Pierre Tartakowsky, Président de la
LDH. « Le nouveau Gouvernement a également récemment reculé sur la question des contrôles d’identité au faciès, bien que cette situation ait été dénoncée à plusieurs reprises, non seulement par certains États membres des Nations unies, mais par le Comité des Nations unies sur les discriminations raciales ».

La France avait également déjà fait l’objet de sévères critiques en 2008 s’agissant de son non respect des mesures de non éloignement demandées par un organe des Nations unies (le Comité contre le Torture) s’agissant de personnes susceptibles d’êtres victimes de torture dans leur pays d’origine. « Le Gouvernement français doit saisir l’opportunité de l’EPU pour mettre ses pratiques en conformité avec son discours et accepter sans ambiguïté toutes les recommandations relevant de ses obligations internationales », a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH. « La France doit cesser de prendre à la légère les critiques qui lui sont adressées par l’ONU. Sa crédibilité est en jeu ». Nos organisations rappellent que ces injonctions formulées par les Nations unies font partie des obligations internationales librement contractées par la France et auxquelles elle doit se conformer.

Les recommandations de la LDH et de la FIDH

EGALITE ET NON-DISCRIMINATION

1. Contrôle d’identité et profilage racial

Il n’existe aucune donnée statistique permettant de connaître le nombre de contrôles d’identité chaque année, alors qu’il s’agit là d’un point central de l’action policière. Dans son rapport sur les "relations police-population et les contrôles d’identité" publié le 16 octobre 2012, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a recommandé ainsi au Gouvernement, non seulement de rendre possible l’identification des auteurs des contrôles en instaurant, pour chaque policier, le port d’un matricule visible, mais également de remettre à la personne contrôlée un document mentionnant notamment le grade, le matricule et le service auquel appartient l’agent des forces de l’ordre qui effectue le contrôle.

RECOMMANDATION

  • Nos organisations recommandent donc à la France :
    • de réformer dans les plus brefs délais l’article 78-2 du Code de procédure pénale afin de mieux encadrer les contrôles d’identité, et de créer la possibilité d’un contrôle par le juge judiciaire.
    • d’encadrer juridiquement la pratique des palpations de sécurité.
  • Nous recommandons en outre que soit systématiquement enregistrés les contrôles d’identité à l’aide d’un formulaire sur lequel figurera le numéro de matricule de l’agent qui a procédé au contrôle, l’heure, la date et le lieu du contrôle, son fondement juridique, ses motifs et ses suites.
  • Nos organisations demandent en outre au groupe de travail de l’EPU de recommander à la France de traiter en droit et en pratique de la question des contrôles d’identité sur les minorités en France dans ses prochains rapports périodiques, tant devant le Comité des droits de l’Homme que devant le CERD.

2. Le plan national d’action de lutte contre le racisme

S’agissant de la mise en œuvre des recommandations sur la lutte contre les discriminations et le racisme formulées par de nombreux Etats, nos organisations regrettent que le plan d’action national annoncé en 2010 lors du CERD et publié en février 2012, ne prévoit pas d’indicateurs précis ni de calendrier détaillé quant à sa mise en œuvre. Le seul dispositif de suivi et de mise en œuvre que ce plan entérine, réside dans la création d’un poste de Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, ce qui semble bien insuffisant au regard des défis énormes posés par la lutte contre le racisme et les discriminations en France.

RECOMMANDATION

  • Nos organisations recommandent donc qu’un plan détaillé de mise en œuvre du plan d’action soit publié, incluant un calendrier précis et nommant une institution indépendante et spécialisée incluant la société civile en vue de s’assurer de sa mise en œuvre et du suivi des mesures prévues.

3. Discriminations à l’égard des Roms

La situation des Roms roumains et bulgares en France demeure extrêmement préoccupante : évacuations à répétition des lieux de vie, expulsions du territoire, entraves dans l’accès au droit commun (scolarisation, santé, protection sociale…), difficulté voire impossibilité effective d’accéder à l’emploi salarié, stigmatisation.

Lors de ses observations finales, le comité pour l’élimination de la discrimination raciale, au terme de sa soixante-dix-septième session, le 27 août 2010, avait recommandé à l’Etat partie « de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Roms soient bien conformes à la présente Convention (…), et d’œuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’homme (articles 2 et 5). »

RECOMMANDATION

  • Nos organisations recommandent au Gouvernement l’arrêt de toute évacuation de lieux de vie sans proposition d’hébergement ou de relogement, ainsi que l’accès effectif aux droits sociaux économiques et culturels garantis : droit à la protection sociale, droit à l’éducation, accès aux soins et à la protection de la santé.

Les recommandations de la LDH

LIBERTES

1. La vidéo surveillance et les traitements automatisés de données à caractère personnel

Au terme de sa quatre-vingt-treizième session, le 22 juillet 2008, le comité des droits de l’Homme s’inquiétait « de la prolifération des différentes bases de données » et recommandait à la France de « prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation des données personnelles sensibles soient compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 17 du Pacte ».

QUESTION

  • Les autorités françaises peuvent-elles expliquer pourquoi les recommandations émises en 2008 par les mécanismes onusiens de protection des droits de l’Homme n’ont jamais été mises en œuvre ?
    Quelles dispositions comptent-elles prendre pour que la France se conforme à celles-ci ?

2. La garde à vue

Lors de ses observations finales, le 10 mai 2010, le comité contre la torture (quarante-quatrième session) avait recommandé aux autorités françaises « de généraliser l’enregistrement audiovisuel à l’ensemble des personnes interrogées (…) ».

QUESTION

  • Les autorités françaises peuvent-elles expliquer pourquoi les recommandations émises en mai 2010 n’ont pas été prises en compte lors de la réforme de la garde à vue de juillet 2010 ? Quelles dispositions envisagent-elles pour les mettre en œuvre ?

3. La détention provisoire

Le 25 novembre 2005, au terme de sa trente-cinquième session, le comité contre la torture avait fait part aux autorités françaises de sa préoccupation au recours fréquent à la détention provisoire.

Le comité a réitéré ses recommandations, lors de ses observations finales du 10 mai 2010, pour que « des mesures soient prises afin de réduire le recours à la détention provisoire, ainsi que sa durée. »

QUESTION

  • Les autorités françaises peuvent-elles indiquer pourquoi les recommandations émises en 2005 et réitérées en 2010 par le comité contre la torture n’ont toujours pas été mises en œuvre ? Quelles dispositions envisagent-elles pour les mettre en œuvre ?

4. La rétention de sûreté

Au terme de sa quatre-vingt-treizième session, le 10 mai 2010, le comité des droits de l’Homme s’inquiétait du fait que l’Etat partie soit « habilité en vertu de la loi n° 2008-174 (du 21 février 2008) à placer des personnes condamnées pénalement en rétention de sûreté pour des périodes renouvelables d’une année, en raison de leur “dangerosité” à l’issue de la peine de réclusion initialement prononcée », et ce même si le Conseil constitutionnel a interdit l’application rétroactive de cette disposition.

Le comité a ainsi recommandé à l’Etat partie de « réexaminer la pratique consistant à placer les personnes condamnées pénalement en rétention de sûreté (…) à la lumière des obligations découlant des articles 9, 14 et
15 du Pacte.
 »

QUESTION

  • Les autorités françaises peuvent-elles expliquer les raisons pour lesquelles les recommandations émises en 2010 n’ont pas été mises en œuvre ? Quelles dispositions prendront-elles pour que cette mesure soit pleinement compatible avec le Pacte ?

EGALITE ET NON-DISCRIMINATION

Lors de ses observations finales, le comité pour l’élimination de la discrimination raciale, au terme de sa soixantedix-septième session, le 27 août 2010, avait recommandé à l’Etat partie « de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Roms soient bien conformes à la présente Convention (…), et d’œuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’homme (articles 2 et 5). ».
Le comité prenait également « note de l’information selon laquelle l’Etat partie prépare un plan national de lutte contre le racisme. ».

QUESTION

  • Les autorités françaises peuvent-elles indiquer les mesures qui ont été mises en œuvre concernant les Roms, conformément aux recommandations du comité pour l’élimination de la discrimination raciale ?
  • Les autorités françaises peuvent-elles expliquer indiquer pourquoi le plan national de lutte contre le racisme n’a toujours pas été publié ? Quelles dispositions comptent-elle prendre pour une mise en œuvre prochaine ?

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