le rapport d’Alvaro Gil-Roblès Sur le respect effectif des droits de l’Homme en France


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date de publication : mercredi 15 février 2006
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Surpopulation carcérale, manque de moyens "criants" de la justice, restrictions des droits des étrangers, "sentiment d’impunité" des policiers : la situation des droits de l’homme en France fait l’objet d’un rapport très critique du Conseil de l’Europe.

Le rapport Sur le respect effectif des droits de l’Homme en France est publié : au format PDF (184 pages) ou au format WORD (108 pages).

[Première publication, le 12 février 2006,
mise à jour le 15 février 2006.]


COMMUNIQUÉ LDH

Jour de honte

Le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Monsieur Alvaro Gil-Robles, a consacré plusieurs semaines à une enquête sur l’état réel du respect des droits de l’Homme dans la France d’aujourd’hui. Ses conclusions sont accablantes : justice privée de moyens ; conditions de détention, de rétention et d’incarcération souvent indignes d’un État de droit ; législation réduisant sans cesse les droits de la défense alors que « toute société démocratique n’a rien à redouter de la présence d’avocats [...] lors de la garde à vue » ; « sentiment d’impunité » dominant dans les forces de police compte tenu de l’attitude des pouvoirs publics notamment à l’égard des moyens de fonctionnement de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ; politique d’immigration reposant sur une « pratique choquante » de quotas d’expulsions de sans-papiers, conduisant à une « stigmatisation des demandeurs d’asile », faisant des zones d’attente des zones de non droit, entassant des familles dans des centres de rétention dont certains sont dans un état « indigne de la France ».

La seule réaction que le gouvernement français ait trouvé à opposer à ce terrible constat relève du verbalisme voire de la méthode Coué : affirmer que tout va bien sans répondre sur le terrain des faits. Il ne s’agit pourtant pas des discours sur l’attachement aux droits de l’Homme dont les pouvoirs publics sont coutumiers notamment sur la scène internationale, mais tout simplement du « respect effectif des droits de l’Homme en France ».

On ne connaît hélas que trop de pays où les proclamations officielles des gouvernants sont cruellement démenties par la réalité subie par les populations. Que la France puisse, et pas seulement sur quelques questions de détail, entrer dans cette catégorie aux yeux de l’institution européenne gardienne de la démocratie et des droits de l’Homme ne peut inspirer qu’un sentiment de honte à tous ceux qui restent attachés à la garantie égale des libertés de tous.

La Ligue des droits de l’Homme appelle l’ensemble des citoyens à demander que l’on cesse de défigurer ainsi l’image du pays de la Déclaration des droits de l’Homme.

Paris, le 13 février 2006

[AFP, 11/02/2006 17:12] — Pour le commissaire aux droits de l’homme du Conseil, Alvaro Gil-Robles, "il semble ainsi exister dans certains domaines un fossé qui peut s’avérer très large entre ce qu’annoncent les textes et la pratique", selon ce rapport dont l’AFP s’est procuré une copie.

"La France ne se donne pas toujours les moyens suffisants pour mettre en oeuvre un arsenal juridique relativement complet, qui offre un haut niveau de protection en matière de droits de l’homme", souligne-t-il dans ce document assorti d’une cinquantaine de recommandations, résultat de sa visite en France en septembre 2005.

La France, souvent considérée comme la patrie des droits de l’homme, "’n’en reste pas moins traversée par des difficultés persistantes, voire récurrentes, ainsi que l’illustre le nombre d’affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme", constate-t-il.

Il s’inquiète de la diminution du financement public des ONG, estimant que c’est "tout un pan de l’action en faveur de la lutte pour le respect des droits de l’homme qui s’en trouve remis en question".

M. Gil-Robles s’alarme du "durcissement des politiques d’immigration" qui "risque de contrevenir aux droits des véritables demandeurs d’asile".

Il critique les nombreux obstacles entravant les démarches de régularisation des étrangers, en particulier le recours obligatoire à la langue française pour les formulaires, voire même leur impossibilité à faire valoir leurs droits.

Il cite le cas de deux Congolais, jamais débarqués du navire par lequel ils étaient arrivés, et qui se sont grièvement blessés en sautant par le hublot.

Concernant la justice, confrontée à "un manque criant de moyens", le rapport appelle à un élargissement du rôle de l’avocat en garde à vue, dont la présence est plus "formelle qu’active" et exprime de "fortes réserves" sur son absence jusqu’à la 72ème heure, notamment pour les affaires de terrorisme.

Sur les prisons [1], M. Gil-Robles dresse "un douloureux constat" en raison d’une "surpopulation chronique" qui "prive un grand nombre de détenus de l’exercice de leurs droits élémentaires" et juge "tout à fait excessive" la durée du placement au "mitard" (jusqu’à 45 jours).

Pour les mineurs délinquants, le rapport approuve la création des "centres éducatifs fermés" mais dénonce leur incarcération, facteur notamment de récidive.

Il appelle "à faire preuve de plus d’humanité" pour les mineurs étrangers qui doivent être considérés comme "enfants en danger".

Il souligne "le besoin de redoubler de vigilance" sur le comportement de la police, rappelant que le nombre de plaintes pour brutalités devant la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a augmenté de 34 % entre 2003 et 2004. Il regrette "le sentiment d’impunité qui domine chez les policiers".

Constatant une montée du racisme, il déplore que les lois soient "peu appliquées et que la répression reste faible", aboutissant à une "situation de malaise" pour les populations concernées.

La question des discriminations (emploi, logement, loisirs) "constitue actuellement l’un des principaux problèmes de société", note le rapport, soulignant que là aussi les condamnations demeurent "extrêmement faibles".

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[Reuters] - Surpopulation carcérale, surcharge des tribunaux, sentiment d’impunité dans la police : le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dénonce la France dans un rapport à paraître la semaine prochaine mais dont Le Parisien/Aujourd’hui en France a publié les grandes lignes.

Alvaro Gil-Robles réclame notamment la fermeture immédiate du centre de rétention des étrangers situé sous le palais de justice de Paris, "catastrophique et indigne de la France".

Il appelle également à une rénovation d’urgence des prisons de la Santé, à Paris, et des Baumettes, à Marseille, où, écrit-il, "la subsistance des détenus (lui paraît) à la limite de la dignité humaine".

Si le commissaire espagnol "reconnaît l’importance de l’outil législatif français de protection des droits de l’homme" et porte au crédit des autorités leurs "conscience des problèmes", il note en revanche un fréquent "décalage entre le discours et la pratique".

Listant les manquements qu’il a observés dans l’action des autorités françaises, il s’inquiète notamment du "sentiment d’impunité" qui semble dominer chez les policiers.

Pour ce qui relève de la justice, le commissaire dénonce "la constante croissance" des textes de loi "dans une dimension telle que les professionnels du droit n’arrivent plus à suivre".

Il note aussi le manque de moyens dont disposent les tribunaux et souhaite "l’élargissement du rôle de l’avocat en garde à vue".

Quant aux reconduites à la frontière, il juge "choquante" la volonté affichée par le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, d’en doubler le nombre. "Le fait d’énoncer des quotas est une pratique choquante" qui favorise "nombre d’abus", dit-il.

La publication de ce rapport intervient alors que l’affaire d’Outreau a mis en évidence les lacunes du système judiciaire et initié un vaste débat sur ses possibles réformes.

"Bien sûr qu’il y a une question de moyens, bien sûr qu’il y a une question de surpopulation carcérale qui est liée aussi à la détention provisoire, bien sûr qu’il y a une question de carte judiciaire, il va falloir aussi que les politiques se mettent en cause là-dessus", a déclaré le rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, le député UMP Philippe Houillon, invité sur Europe 1 à réagir au rapport Gil-Robles.

Le rapport d’une centaine de pages sera rendu public mercredi après avoir été présenté au comité des ministres et à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

"Issu d’une visite de seize jours effectuée en France en septembre dernier, il énonce une série de recommandations - plus de 70 - auxquelles le gouvernement doit répondre", précise Le Parisien.


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