... même l’inimaginable, en France, “pays des droits de l’Homme”, cent jours après l’élection de Nicolas Sarkozy.
Le même Nicolas Sarkozy qui, candidat à l’élection présidentielle, avait solennellement déclaré à Toulouse le 12 avril 2007, devant des milliers de supporteurs : « A chaque femme martyrisée dans le monde je veux que la France offre sa protection, en lui offrant la possibilité de devenir française [...]
Chaque fois qu’une femme ou un enfant est martyrisé dans le monde, je veux que la France se porte à ses côtés. »
COMMUNIQUÉ LDH
Paris, le 27 août 2007Quand « tout devient possible »… même l’inimaginable
Un enfant se jette par la fenêtre pour échapper au centre de rétention. Un bébé est placé à la DDASS parce que sa mère, elle, n’a pas échappé au centre de rétention. Des dizaines de sans-papiers, à Lille, doivent mettre leurs vies en danger pendant des semaines pour que le gouvernement accepte, au moins en paroles, d’examiner leurs dossiers selon des critères humains. Un préfet exige que les maires de son département se fassent rabatteurs dans la chasse aux étrangers. C’est la France de l’été 2007, c’est ainsi que l’on prétend construire son « identité nationale » officielle.
Un pédophile récidive au bout de 30 ans de prison effective. Quelques jours après le vote d’une loi sensée prévenir la récidive par plus d’emprisonnement, la ministre de la Justice annonce… des mesures nouvelles encore plus dures. Et monsieur Sarkozy a une idée : faire juger par une Cour d’assises les personnes déclarées mentalement irresponsables… pour honorer les victimes. C’est la France de l’été 2007, c’est ainsi que l’on prétend rendre justice au nom de la République.
Le maire de la ville où le même Nicolas Sarkozy voulait traquer « la racaille » a trouvé, quant à lui, un instrument de nettoyage plus original que le célèbre karcher de 2005 : un vaporisateur anti-mendiants, pulvérisant un produit malodorant pour éloigner des SDF indésirables des centres commerciaux. Même sa police municipale a refusé cette désinfection d’un nouveau genre. C’est la France de l’été 2007, c’est ainsi que l’on prétend être à l’écoute des pauvres « qui se lèvent tôt » et ne sont concernés ni par le bouclier fiscal, ni par la diminution de l’ISF.
Les droits des étrangers, les droits des justiciables, les droits des SDF : ce sont aussi les nôtres. C’est l’avenir de toute une société que ces mesures mettent en danger. La LDH appelle les citoyens à juger l’arbre sécuritaire aux fruits qu’il portera si les gouvernants ne reviennent pas à la raison.
A l’été, le ministre de la Chasse à l’enfant multiplie les exploits. Il a ainsi réussi vendredi dernier à disloquer une famille en expulsant Shérazade et ses deux enfants Céléna (3 ans et demi ) et Jhilès (2 ans et demi) vers l’Algérie après trente et un jours et demi d’enfermement en rétention et en laissant leur père en France. Aujourd’hui, Monsieur Hortefeux innove : papa est caché après avoir échappé à l’arrestation à domicile, maman en prison et Mélina à l’orphelinat. Beau travail, monsieur le ministre ! [1]
Mustafa, le père de Mélina est originaire de l’enclave de Srebrenica en Bosnie. Il était persécuté pour avoir voulu témoigner des atrocités commises par les Serbes en 1995 (son père a été assassiné). Cela lui a valu des menaces et une agression au cours de laquelle il a eu plusieurs fractures au visage. En 2005, Sabina, sa femme, est enceinte, et Mustafa à nouveau menacé. Ils fuient pour la France et demandent l’asile. Qui leur est refusé comme dans 90% des cas aujourd’hui.
Le 24 juillet, la police se rendait à leur domicile à Dôle (Jura), appliquant la méthode préconisée par le ministère : on travaille sur fichier, on localise les gens et, au jour dit, on tombe dessus. Mais là, pas de chance pour la police, Mustafa est absent. Peu importe, Sabina et Mélina sont arrêtées.
Aussitôt une quinzaine de Dôlois se rendent devant le commissariat pour demander leur libération. Rien n’y fait, elles sont transportées à Lyon et placées en rétention. Elles y passent un mois, du 24 juillet au 24 août. Belles vacances pour une enfant de deux ans ! Merci, Monsieur Hortefeux !
Le 9 août, le jour où Ivan (12 ans) tombait du quatrième étage en fuyant la police à Amiens, Sabina refusait une première fois d’embarquer sur un vol Air France, malgré les menaces et les pressions. Elle est par exemple menottée devant sa fille. Bravo, Monsieur Hortefeux ! Le 24 août, avant-veille du terme de sa rétention, elle était à nouveau présentée à l’embarquement (Air France), qu’elle refusait une seconde fois.
Sabina (22 ans) a immédiatement été placée en garde à vue puis en détention, tandis que Mélina (2 ans) lui était retirée et confiée à la DDASS sur décision d’un procureur de la République dont il faut saluer la rigueur et le courage. Sabina sera jugée lundi prochain (le 27 août), le juge ayant, avec un sens de l’humanité qui l’honore, prononcé la poursuite de la garde à vue jusqu’à la comparution immédiate.
La suite lundi donc. Pas de commentaire.
Nous sommes en France, cent jours après l’élection de monsieur Sarkozy.
• Richard Moyon •
le 26 août 2007 [2]
[1] Source : le blog A l’école des sans-papiers.
[2] D’après Libération du 28 août, le tribunal de Lyon a offert un sursis à la réfugiée, qui a retrouvé son enfant placée à la Ddass.