l’Allemagne poursuit ses criminels de guerre, la France les amnistie


article de la rubrique démocratie > Sarkozy le manipulateur
date de publication : mardi 26 août 2008
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Dans la hiérarchie macabre des crimes de guerre commis en France au cours de la seconde guerre mondiale, le village de Maillé en Indre-et-Loire vient en seconde position, après Oradour-sur-Glane et ses 642 victimes. Grâce à la volonté de justice de nos voisins allemands, il sera peut-être possible d’identifier les responsables de ce crime de guerre.

Sous prétexte de reconnaître une « faute morale » commise par la France, Nicolas Sarkozy s’est livré à Maillé le 25 août 2008 à une nouvelle manipulation de l’Histoire en assimilant des victimes civiles des Nazis et des victimes militaires d’une opération de guerre en Afghanistan.


Le massacre de Maillé

C’est au matin du 25 août 1944 que tout aurait commencé : une colonne de l’armée allemande marchant au pas se met soudain à tout massacrer sur son passage, puis bloque les accès au village. Maison par maison, pièce par pièce, les soldats traquent alors les civils, les tuent à bout portant, jettent des grenades dans les caves où ils se sont réfugiés. Puis, pendant deux heures, à l’aide de deux canons postés autour du village, 80 obus sont tirés sur la soixantaine de maisons qui composent Maillé.
Sur les 600 habitants du bourg et de ses alentours, 124 dont 42 femmes et 44 enfants ont perdu la vie ce jour-là [1].

A Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), à Tulle (Corrèze), à Villeneuve-d’Ascq (Nord), autres « villages martyrs » de l’époque, malgré des procès imparfaits, des coupables ont été identifiés. Jamais à Maillé.

En France, les crimes de guerre sont prescrits au bout de dix ans. En Allemagne, ils sont imprescriptibles. C’est cette disposition juridique qui permet à un magistrat allemand, Ulrich Mass, procureur général du parquet de Dortmund, spécialisé dans la traque des crimes nazis, de rouvrir le dossier de Maillé, en août 2005, dans le cadre d’une information judiciaire contre X pour « crimes de guerre ». Et ce sont les gendarmes français locaux qui mènent les enquêtes sur le terrain pour le compte de la justice allemande.

Le 15 juillet 2008, Ulrich Mass s’est rendu à Maillé, accompagné de deux enquêteurs et d’un traducteur, pour une reconnaissance des lieux.
Dès son arrivée en Touraine, son émotion est palpable : « J’ai honte de ce qui a été commis ici par les Allemands et je m’excuse auprès de tout le monde. » [2]

Le 15 juillet 2008, le procureur Ulrich Mass se recueille devant le mémorial de Maillé

La « faute » de la France

Nicolas Sarkozy s’est rendu à Maillé le 25 août 2008.

On espérait un hommage du président à la volonté de justice de nos voisins allemands grâce à laquelle il sera peut-être possible d’identifier les responsables de ce crime de guerre.

On attendait de la part d’un président qui n’a cessé de dénoncer «  la repentance, cette mode exécrable qui veut faire expier aux fils les fautes supposées de leurs pères » [3], une évocation du patient travail de mémoire qui, depuis une soixantaine d’années, a permis le rapprochement des peuples allemands et français.

On souhaitait un changement de registre de la part d’un président qui n’a pas hésité à utiliser l’Histoire pour susciter des sentiments nationalistes (voir la vidéo qui circule en Alllemagne).

Mais on a entendu Nicolas Sarkozy déclarer qu’il était venu à Maillé « reconnaître et réparer » au nom de la nation la « faute morale » commise par la France : avoir ignoré pendant soixante-quatre ans le massacre commis par les soldats allemands dans ce petit village.

A dire vrai, on éprouve quelque difficulté à discerner la « faute morale », car la France a souvent manifesté une certaine “compréhension” pour ceux des siens qui avaient été responsables de massacres — sans remonter à la colonne infernale de Voulet-Chanoine qui a laissé des souvenirs toujours vivaces en Afrique, on peut prendre comme exemple le cas de Maurice Papon. Et notre pays a toujours pris soin d’amnistier, et même de réhabiliter, ceux des Français qui avaient participé à ses guerres coloniales : la guerre d’Indochine, l’insurrection malgache, la guerre d’Algérie, la grotte d’Ouvéa...

La faute de Nicolas Sarkozy

Le chef de l’Etat a également déclaré à Maillé que, à l’aune du « souvenir tragique » de ce massacre, « on comprend mieux [...] ce que veut dire la civilisation et pourquoi il faut la défendre quand elle se trouve confrontée à la barbarie la plus totale ». « Je pense notamment au sacrifice de nos dix jeunes soldats face à ces barbares moyenâgeux, ces terroristes que nous combattons en Afghanistan », a-t-il ajouté, en faisant référence aux militaires tués la semaine dernière dans une embuscade tendue par des Talibans — sans un mot pour les victimes civiles des forces de la coalition internationale.

Ce rapprochement entre une action militaire, l’embuscade menée par les Talibans contre nos troupes, et le massacre perpétré par les Nazis des 124 villageois de Maillé, est une nouvelle manipulation de l’Histoire.

Le 20 août 2008, à Kaboul, Nicolas Sarkozy demande aux soldats français de poursuivre le “combat contre le terrorisme”. (Ph. Olivier Laban-Mattei/AFP)

Notes

[1Un site consacré au massacre de Maillé : http://acroy.club.fr/index.htm.

[2Le Dauphiné libéré, édition 38H du 16/07/2008.

[3Discours de Nicolas Sarkozy, à Metz le 17 avril 2007.
La « repentance » a été condamnée par Nicolas Sarkozy dans une trentaine de ses discours, lors de la campagne présidentielle de 2007, notamment à Caen le 9 mars, au Zénith de Paris le 18 mars, à Villebon-sur-Yvette le 20 mars, à Rouen le 24 avril.


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