Guy Bedos dénonce l’“acharnement pénitentiaire contre Yvan Colonna”


article de la rubrique justice - police > la Corse
date de publication : samedi 17 août 2013
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Ci-dessous la transcription d’un article paru le 16 août 2013 dans le quotidien Corse-Matin.


Guy Bedos : “Colonna, victime
d’un acharnement pénitentiaire”

Soupçonné d’un projet d’évasion, le nationaliste a été transféré en juillet à la prison de Réau. Une situation dénoncée par l’humoriste et le responsable régional de la Ligue des droits de l’Homme.

Dans un entretien accordé à Corse-Matin, Guy Bedos et André Paccou ont dénoncé « l’acharnement pénitentiaire contre Yvan Colonna », après son transfert de la prison d’Arles, l’éloignant encore plus de sa famille. (Photo Denis Derond)

« C’est la goutte qui fait déborder le vase ». Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Érignac à Ajacclo en 1998, « n’est pas Dreyfus ». Et Guy Bedos n’est « pas Zola ». Pourtant l’humoriste, actuellement en vacances dans sa maison de Lumio en Balagne, a voulu s’exprimer sur le récent transfert d’Yvan Colonna, suspecté d’avoir planifié une tentative d’évasion à l’explosif de la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône).

« Aujourd’hui, au lieu de le rapprocher de sa famille, comme la loi l’autorise, on éloigne Yvan Colonna qui est considéré depuis dix ans comme un détenu exemplaire », a déclaré Guy Bedos dans un entretien récemment accordé à Corse-Matin, en compagnie d’André Paccou, responsable de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en Corse. « D’un coup, on l’accuse de vouloir préparer une évasion alors que même que la directrice de la prison d’Arles a été surprise par cette décision qui vient de la haute direction pénitentiaire », assure André Paccou.

« Le doute doit profiter à l’accusé »

Aujourd’hui, Yvan Colonna est incarcéré dans la prison de Réau (Seine-et-Marne), l’une des plus sécurisées de France, avec des détenus catalogués parmi les plus dangereux comme la figure du grand banditisme Antonio Ferrara.

« La perpétuité ne suffit pas, il faut qu’il en bave, s’indigne Guy Bedos. C’est aussi une double peine pour sa famille qui doit payer de plus en plus cher pour lui rendre visite. Après l’acharnement judiciaire, on assiste à un acharnement pénitentiaire. »

Si Guy Bedos s’exprime aujourd’hui sur ce transfert, ce n’est pas en qualité « de pinzutu, d’humoriste, ou de people », mais en tant que membre de la Ligue des droits de l’Homme animé par « un goût profond pour la justice ».

Mais derrière cette démarche, n’y a-t-il pas la volonté de se faire bien voir en Corse, où il possède une résidence secondaire ? «  Non, conteste-t-il, mon engagement est humaniste. Il n’y a pas si longtemps, je me suis rendu en Tunisie pour soutenir les opposants au gouvernement islamiste. Et si Colonna, un homme présumé innocent avec tout contre lui, était venu chez moi à l’époque pour demander l’hospitalité, je l’aurais hébergé. »
Pour preuve, l’humoriste rappelle sou engagement auprès d’Yvan Colonna depuis son arrestation en 2003. « Dès le départ, j’ai été choqué par le traitement judiciaire de l’affaire, précise-t-il. Il ne faut pas oublier que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait déclaré lors de l’interpellation d’Yvan Colonna que “l’assassin du préfet Erignac” avait été arrêté, le privant d’entrée de la présomption d’innocence ! »

Pour autant, Guy Bedos, qui a assisté au premier procès à Paris en 2007, est-il convaincu à 100 % de l’innocence du « berger de Cargèse », avec qui il a entretenu une « correspondance » ? « Ce que je sais, je le répète, c’est qu’une règle fondamentale du droit n’a pas été respectée : le doute doit toujours profiter à l’accusé ».

L’humoriste, « se disant aussi respectueux de la douleur de la famille Erignac », assure même : « on a évacué tout ce qui pourrait innocenter Colonna. Dans cette affaire, la justice ne s’est pas vraiment donné les moyens de trouver le coupable. »

En outre il a aussi mentionné des éléments troublants tels que la taille avérée du tueur incompatible avec celle du militant nationaliste ou des témoignages jouant en sa faveur qui auraient été écartés par les magistrats instructeurs.

À ce sujet, le responsable de la LDH, André Paccou, souligne que « deux missions d’observation de la Fédérahon internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh) avaient été mandatées, à la demande de la section de Corse de la LDH soutenue par le bureau national, lors des deux premiers procès en 2007 et 2009. »

« Une affaire d’État »

Celles-ci étaient composées de juristes de cinq pays différents, dont un ancien avocat général français près de la Cour de cassation, un avocat belge ayant travaillé dans le cadre du génocide du Rwanda, et une juriste tunisienne opposante à Ben Ali pour la deuxième mission. « Dans leurs conclusions, ces experts se demandent même s’il y avait, à l’issue de l’instruction matière à poursuivre Yvan Colonna au vu des éléments du dossier, détaille André Paccou. Ses trois procès chaotiques ont confirmé ce vide. »

Se disant « homme de gauche », Guv Bedos a-t-il observé un changement de traitement d’Yvan Colonna avec l’arrivée au pouvoir du Parti socialiste en 2012 ? « Cette affaire est une affaire d’État qui n’a pas changé depuis le début, que ce soit sous la droite ou sous la gauche », remarque l’humoriste, qui travaille actuellement à la rédaction d’un journal, comportant un passage sur Yvan Colonna, publié probablement d’ici un an.

Il va jusqu’à émettre des doutes sur les raisons véritables du transfert d’Yvan Colonna à la prison de Réau, au moment où ses avocats ont lancé une procédure afin de lui retirer son statut de détenu particulièrement signalé (DPS).

Et ce dans le but d’obtenir son rapprochement à la prison de Borgo (Haute- Corse) [1]. Il rappelle que les mêmes avocats ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

« On nous fabrique un homme irrémédiablement dangereux, précise André Paccou. Et par voie de conséquence, nécessitant un traitement carcéral d’exception, avec en perspective, l’exil à perpétuité. »

Aujourd’hui, suite au transfert d’Yvan Colonna à Réau, après les prisons de Fresnes, Toulon et Arles, Guv Bedos se dit toujours mobilisé, avec notamment André Paccou, le chanteur Jean-Claude Acquaviva et la LDH, malgré « les lettres d’insulte et les critiques » qu’il reçoit du Continent pour son engagement. Avant de conclure : «  Nous ne lâcherons pas ! »

Barbara Ignacio-Luccioni & Pierre Benedetti


P.-S.

[Mis à jour le 23 août 2013] – Lire également dans le Huffington Post du 23 août 2013 :
Justice pour Yvan Colonna, par Guy Bedos, Jean-Claude Acquaviva et André Paccou.

Notes

[1Un supposé projet d’évasion à l’explosif avait été déjoué en juillet à la prison de Borgo, neuf jours avant celui d’Arles.


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