Albert Lévy poursuivi pour déni de justice !


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date de publication : lundi 17 juin 2013
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Albert Lévy est convoqué jeudi 20 juin à 14h devant la 5° Chambre du tribunal correctionnel de Lyon : il est poursuivi par un avocat pour « déni de justice » au motif qu’il porte un patronyme supposé juif, comme le père d’une prévenue …

En novembre 2012, Alexis Dubruel, avocat de la partie civile dans une affaire familiale, avait demandé la récusation d’ Albert Lévy, pour le motif suivant :
« Le juge du siège porte le nom patronymique de Lévy. Le “papa” de la [prévenue] se prénomme Moïse » ; l’avocat arguait ainsi d’un risque d’« impartialité ». Aujourd’hui l’avocat persiste, et poursuit Albert Lévy pour « déni de justice ».

Peut-on rappeler les nombreuses « attaques antisémites et tentatives de déstabilisation » dont Albert Lévy a fait l’objet ces dernières années...


« De très vieilles ombres sont de retour et nous fixent sans trembler. »
Patrick Chamoiseau



Un juge poursuivi pour « déni de justice »… parce qu’il a un nom juif

par Erwan Manac’h - Politis, le 14 juin 2013


Un avocat lyonnais poursuit le juge Albert Lévy pour « déni de justice » au motif qu’il porte un patronyme supposé juif, comme le père d’une prévenue. Le Syndicat de la magistrature s’indigne.

L’affaire commence en novembre 2012. Maître Alexis Dubruel, avocat de la partie civile dans une banale affaire familiale, demande la récusation du juge Albert Levy. Motif : « Le juge du siège porte le nom patronymique de Lévy. Le “papa” de la [prévenue] se prénomme Moïse », indiquait l’avocat selon Libération. Le conseil arguait ainsi d’un risque d’« impartialité ».

Ne craignant pas le ridicule, l’avocat persiste, au point de poursuivre aujourd’hui le juge Levy devant le tribunal correctionnel de Lyon pour « déni de justice » au motif que le magistrat avait ajourné l’affaire au mois de novembre.

« Cette procédure n’a bien évidemment pas plus de chance de succès que la précédente. Elle témoigne par contre de l’acharnement de cet avocat contre notre collègue [avec] un motif inepte », dénonce ce jeudi le Syndicat de la magistrature dans un communiqué.

Le juge Albert Levy a fait l’objet de nombreuses « attaques antisémites et tentatives de déstabilisation » ces dernières années, rappelle le syndicat. En avril 2012, l’enquête sur le groupe islamiste Forsana Alissa avait même mis au jour un projet d’enlèvement du magistrat, selon Libération. De quoi faire tomber quelques sourires.

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Le père de la prévenue s’appelle Moïse et le juge Lévy : inconciliable pour l’avocat

par Alice Géraud, Libération, le 26 novembre 2012


Démonstration patronymique à l’appui, Me Dubruel demande la récusation d’un magistrat, croyant voir un risque de partialité. Un dérapage antisémite auquel le parquet de Lyon pourrait donner suite.

Glaçant voyage dans le temps : un avocat du barreau de Lyon vient de demander la récusation d’un magistrat au motif qu’il le soupçonne d’être… juif. Ce qui, à ses yeux, fait courir sur le juge un soupçon de partialité. Car, dans le dossier qui l’occupe (une affaire familiale tout à fait banale), le père de la prévenue serait également juif. Alexis Dubruel est certain de son fait : l’un s’appelle Lévy, l’autre se prénomme Moïse.

Sans se démonter, l’avocat a donc rédigé une requête en récusation contre le juge Albert Lévy, adressée le 31 octobre au premier président de la cour d’appel de Lyon. Dans ce document, que Libération a pu consulter (voir ci-dessous), Me Dubruel expose tranquillement ses motifs, tricotant autour de l’article 668 du code de procédure pénale un raisonnement d’un antisémitisme aussi abrupt que déconcertant.

Cet article prévoit qu’un juge puisse être récusé s’il existe entre lui et une des parties au procès « toute manifestation assez grave pour faire suspecter son impartialité ». Or, dans le présent cas, explique l’avocat, « il y a lieu de s’en tenir à de simples constatations d’ordre patronymique et prénonymique ». La bombe est lâchée en deux phrases : « Le juge du siège dont la récusation est demandée porte le nom patronymique de Lévy. Le "papa" de la personne [la prévenue poursuivie pour non-présentation d’enfant, ndlr] se prénomme Moïse. » S’ensuit une démonstration laborieuse sur le fait que porter le nom de Lévy ou le prénom de Moïse signe une appartenance au judaïsme.

L’avocat s’appuie sur les fiches Wikipédia respectives des occurrences « Lévy » et « Moïse ». Des fiches qu’il joint très officiellement en annexes de sa requête. « La première page de la notice du mot "Lévy" sur le site Wikipédia mentionne que ce mot "est, dans le peuple juif, un des noms portés par les descendants des lévites, membres de la tribu des lévi" (pièce jointe n°6). La première page de la notice du mot "Moïse" sur le site Wikipédia mentionne que ce nom est celui, "selon la tradition, [du] fondateur de la religion juive - le judaïsme, qui s’appelle parfois, pour cette raison mosaïsme, c’est-à-dire la religion de Moïse" (pièce jointe n°5). » Et l’avocat de conclure : « La matérialité de ces constatations n’est pas contestable. »

Droit de visite. Me Dubruel ne prend pas la peine de poursuivre son raisonnement sur le lien entre le soupçon de partialité et le judaïsme supposé du juge et du père de la prévenue. Pour lui, l’affaire est entendue : un magistrat juif ne peut juger une prévenue d’ascendance juive. Selon Alexis Dubruel, sa cliente (une grand-mère paternelle qui demande le respect du droit de visite pour sa petite-fille) a ressenti lors de la première audience « le syndrome de l’inversion accusatoire ».

L’affaire fait scandale dans les couloirs du palais de justice de Lyon. D’autant que le magistrat visé, Albert Lévy, ancienne figure du syndicat de la magistrature, a fait l’objet dans sa carrière de nombreuses attaques à caractère antisémite. De la part de l’extrême droite principalement, mais pas seulement. En avril, l’enquête sur le groupe islamiste Forsane Alizza avait mis au jour un projet d’enlèvement et de séquestration du magistrat, en raison de sa judaïté supposée.

Déjà très affecté par cette affaire, Albert Lévy n’a pas envie de réagir personnellement à la requête de Me Dubruel. Mais à Lyon, plusieurs magistrats et avocats sont en train de se mobiliser pour le soutenir. Philippe Meysonnier, le bâtonnier de Lyon, n’en revient toujours pas. Il se dit « scandalisé » et « outré ». Le conseil de l’ordre pourrait être saisi par le parquet, afin de demander des poursuites disciplinaires.

Hasard. Pour l’instant, l’institution judiciaire n’a pas officiellement réagi. Le premier président de la cour d’appel devra d’abord répondre à l’acte de demande de récusation. Avec le risque que la cour se contente de la rejeter au motif qu’elle est devenue sans objet. Car Albert Lévy, juge d’instruction au pôle de juridiction interrégionale spécialisée, nesiège qu’exceptionnellement dans ce genre de petites formations à juge unique. Et il se trouve que, par un hasard de planning, il ne doit plus siéger à l’audience pour laquelle Me Dubruel demandait sa récusation.

Ce qui n’empêche pas le parquet général de donner suite au dérapage de l’avocat, sur des faits de diffamation et d’antisémitisme notamment. De source judiciaire, il semblerait cependant que le parquet puisse préférer à l’encontre de l’avocat une issue disciplinaire à des poursuites judiciaires estimées « plus aléatoires ». Plusieurs fois contacté, Alexis Dubruel n’a pas répondu à nos sollicitations.

Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature

Immonde

Le journal Libération révèle aujourd’hui que l’avocat lyonnais d’une partie civile, Maître Alexis Dubruel, a demandé la récusation d’un magistrat au motif que, comme le père de la prévenue, il serait juif. Au soutien de cette requête, l’avocat invoque « de simples constatations d’ordre patronymique et prénonymique » : le juge se nomme Lévy et le père se prénomme Moïse, de sorte que le premier serait suspect de partialité !

Outre qu’elle est juridiquement délirante, une telle démarche est humainement inacceptable et tend à promouvoir une conception fondamentalement viciée et dangereuse du devoir d’impartialité qui s’impose à tout magistrat. Dans une démocratie digne de ce nom, on ne choisit pas son juge, en considération de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle, de sa couleur de peau ou de toute autre caractéristique réelle ou supposée ! A défaut, il en serait fini de la justice et de la démocratie elle-même.

Le Syndicat de la magistrature condamne avec la plus grande fermeté cet acte antisémite déguisé en pseudo-argument juridique, qui s’analyse également en une tentative de déstabilisation d’un magistrat indépendant. L’indispensable liberté dont jouissent les avocats dans l’accomplissement de leur mission essentielle ne peut en aucun cas justifier pareille ignominie.

Le Syndicat de la magistrature exprime sa pleine solidarité à l’égard d’Albert Lévy, collègue et camarade déjà éprouvé par des attaques antisémites et qui n’aspire qu’à exercer sereinement ses fonctions.

Le 27 novembre 2012.