Albert Lévy : « ne cédons pas au fantasme sécuritaire »


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date de publication : jeudi 20 mai 2010
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« Ancien substitut du procureur de la République au tribunal de
grande instance de Toulon, Albert Lévy a failli être broyé par l’Institution qu’il continue de servir avec la plus grande conviction (à Vienne). » [Var matin, 20 mai 2010]
Il est revenu à Toulon présenter son livre de réflexions Maux de justice, paru récemment aux éditions À plus d’un titre.

Mercredi 19 mai 2010, il l’a dédicacé à la librairie Charlemagne, entre les textes engagés de l’association Energie Slam [1] et les lectures d’extraits assurées par la comédienne Françoise Perpès.

Il sera ce soir [jeudi 20 mai 2010] au forum de la Fnac à 17h30.


Questions à Albert Lévy

Entretien paru dans Var matin, le 20 mai 2010


  • Vous écrivez que vous vouliez « bousculer le champ du droit pour l’élargir à celui de la vie ». Vous pouvez préciser ?

Je pars du principe que la justice ne peut pas être considérée comme un acte de violence. Elle n’est plus rendue au nom du souverain ou de Dieu car on a voulu la transformer en un acte d’apaisement Or, je m’aperçois, aujourd’hui encore que l’acte de justice peut-être un acte de violence.

  • Des événements particuliers vous ont-ils poussé à écrire ce livre ?

Depuis dix ans, on est parti sur une lecture qui veut que la justice soit crainte pour être respectée. Or, la justice, pour être respectée, doit être comprise. Il faut donc parler le même langage que ceux que nous sommes amenés à juger.

  • Vous nourrissez des craintes sur l’évolution de la société ?

J’ai eu l’expérience du Front national à la mairie de Toulon et du silence, de la duplicité qui s’est transformée petit à petit en complicité passive de ce qui se faisait dans cette mairie-là. Le préfet de l’époque, M. Marchiani, avait décidé de récupérer la manne électorale du Front national dans l’escarcelle du RPR. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai été l’objet d’une telle construction judiciaire. [...]

D’une manière plus générale, ne cédons pas au fantasme sécuritaire. L’insécurité à laquelle nous sommes confrontés, c’est d’abord l’insécurité sociale. Nous devons être vigilants.

Propos recueillis par M. J.


Rencontre avec Albert Lévy

par Thierry Turpin, La Marseillaise, 18 mai 2010


Pour mémoire ; Albert Lévy est, dans les armées 90, substitut du procureur à Toulon, où il a notamment en charge les affaires relatives au grand banditisme. Souvenons-nous aussi que la ville est tombée depuis peu dans l’escarcelle du Front national. Tout cela après que le patron de la droite locale se soit retrouvé embastillé pour cause de liaisons dangereuses – juteuses et avérées, aussi – avec le milieu. Affaire qui éclata suite à l’assassinat d’une députée de la République.

Ça, c’est juste pour faire court et restituer a minima le contexte politico-mafieux ambiant de l’époque, dont l’extrême droite a su électoralement tirer parti. A la mairie déjà. Du côté de la préfecture, le sieur Jean-Charles Marchiani a également en charge la drague du même électorat.

Tout cela pour dire qu’il est plutôt malaisé du côté du port du Levant, voire même dangereux, et en tout cas tout à fait imprudent, de continuer à se positionner comme le garant constitutionnel des libertés publiques et individuelles et de prendre le risque de bousculer ces nouveaux « amis politiques ». Albert Lévy ne va pas tarder à en faire l’amère expérience.

Le dimanche 6 septembre 1998, le substitut du procureur est interpellé à son domicile et placé en garde à vue. C’est le début de huit années d’un véritable acharnement judiciaire. Il lui est reproché d’avoir remis des documents à la presse impliquant une personnalité d’extrême droite. Violant ainsi le secret de l’instruction.

Bousculer le champ du droit

En février 1999, Albert Lévy est nommé au Tribunal de Lyon. « Mais il lui faudra attendre novembre 2006 pour que soit reconnue son innocence dans ce dossier monté de toutes pièces dans l’intention de faire plier un magistrat républicain » rappelle la Ligue des Droits de l’Homme.

Il sera demain soir à la librairie Charlemagne [...] pour présenter son nouvel ouvrage [...].

« La crise économique frappe les plus pauvres, l’État renforce tous les dispositifs de surveillance et de contrôle, il repère, il emprisonne, il enferme, il expulse... » Avec Maux de justice, Albert Lévy, membre du Syndicat de la magistrature et de la Ligue des droits de l’Homme, magistrat au Tribunal d’instance de Vienne, nous interpelle sur l’acte de juger. Et « livre, touche après touche, le tableau d’une société en cours d’implosion ».

« Elle, 84 ans, courbée par le temps et épuisée par la
misère.
À la maison, plus de quoi manger, sans gaz, ni
chauffage. C’est l’hiver ! Son sourire qui illumine son
visage bardé de rides évoque encore ce qu’il offrait
d’humanité au temps de sa jeunesse. Elle psalmodie en
tapotant une main sur l’autre :
« C’est comme ça, c’est
comme ça... »
La placer sous tutelle, pour quoi faire et gérer quoi, si
ce n’est le néant de ses ressources ? Que font les services
sociaux qui me demandent d’ouvrir une mesure de
protection, alors que la vieille dame plongée dans
cet océan de solitude ne peut pas même faire face au
vital de son quotidien ?
J’ai la sensation terrible de ne servir à rien...
 », avoue alors Albert Lévy avant de dénoncer d’innombrables autres injustices. A lire.

Notes

[1Vous avez dit Slam ?

Le slam est un art d’expression populaire, poétique, verbal et déclamatoire, qui se pratique dans les lieux publics sous forme de rencontres oratoires.

L’association toulonnaise Energie Slam existe depuis deux ans et réunit slameuses et slameurs amateurs convaincus que le slam doit s’adresser à tous, petits et grands, jeunes et anciens...


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