un anniversaire funeste, 29 mai 1942


article de la rubrique droits de l’Homme > les grandes déclarations
date de publication : lundi 30 mai 2022
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Il ne s’agit pas seulement de se souvenir mais aussi et d’abord de déceler ce qui dans l’histoire, continue malheureusement de résonner dans le présent.


L’ÉTOILE JAUNE ET LA RAFLE DU VÉL’ D’HIV - Il y a quatre-vingt ans se déroulait l’innommable ! Un texte inédit de Maurice Rajsfus

CI-dessous, EXTRAITS [1]

paru dans lundimatin#341, le 30 mai 2022

Il y a 80 ans aujourd’hui, le 29 mai 1942, une ordonnance nazie rendait le port de l’étoile jaune obligatoire pour les juifs, dès l’âge de 6 ans. S’ensuivit la stigmatisation, l’exclusion, la déportation et pour beaucoup la mort.

En guise de commémoration, nous publions ce texte inédit de Maurice Rajsfus, célèbre militant et historien de la répression, que nous ont confié ses enfants et ses éditeurs. Rédigé à l’occasion du 75e anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv, ce texte aussi poignant qu’affûté revient sur ses souvenirs d’enfance, lorsque il fallut porter l’étoile, raser les murs et craindre à chaque instant, le zèle de la police française. Et comme il en va tout au long de l’œuvre de Maurice Rajsfus, il ne s’agit pas seulement de se souvenir mais aussi et d’abord de déceler ce qui dans l’histoire, continue malheureusement de résonner dans le présent : « Les forces de l’ordre ne font pas de politique, nous a-t-on toujours expliqué. »

L’Étoile jaune et la rafle du Vél’ d’Hiv
Il y a soixante-quinze ans se déroulait l’innommable !

Deux ans après leur arrivée à Paris, les autorités nazies avaient décidé de nous affubler de cette abominable étoile jaune, par une ordonnance datée du 29 mai 1942. Nous en avions été avertis par voie de presse (...)

Une date avait été fixée pour porter cette décoration : le dimanche 7 juin 1942. Dès ce jour, les fidèles mercenaires de la Gestapo qui portaient l’uniforme de la police française allaient se livrer à une véritable chasse au faciès, interpellant tous ceux qui n’avaient pas le bon profil, pour contrôler leur identité. Dès ce même jour, nous avions été soumis à n’emprunter que le wagon de queue dans le métro parisien. Ce n’était là qu’un hors-d’œuvre (...)

Malgré l’horreur de cette mise à l’écart, le pire était à venir. Une semaine plus tard, alors que le soleil n’était pas encore levé, l’armée répressive, exclusivement constituée de bons citoyens, fidèles à la consigne de l’ennemi héréditaire, se mettait en marche, à Paris et dans sa banlieue. Des coups violents ébranlaient les portes de notre petit logement. Comme dans un rêve, j’entends hurler :

« Police ! Ouvrez ! » (...)

De Gaulle ayant remplacé Pétain au pouvoir, tous ces mercenaires aux ordres de la Gestapo durant plus de quatre ans avaient déjà oublié leur passé honteux, tentant même de convaincre les Français, enfin libérés, qu’ils n’avaient cessé de lutter pour les protéger. Il n’en reste pas moins que les patriotes ordinaires – ceux qui ne font pas de politique – avaient déjà pardonné leurs « errements » à ces policiers désormais au service de la République retrouvée. Tous, même les plus immondes, allaient être réintégrés rapidement, avec avancement dans les grades pour certains.

(...)

Au terme de cette journée qui s’était déroulée dans une chaleur éprouvante, un violent orage s’était abattu sur la région parisienne, comme pour laver le crime commis par ces mercenaires ayant oublié qu’ils avaient été – parfois – des policiers républicains.

Maurice Rajsfus, 2017
Rescapé de la rafle du Vél’ d’Hiv’

  • Les Éditions du Détour republient les livres de Maurice Rajsfus, militant et historien de la répression Maurice Rajsfus. Vous retrouverez notamment sur le même sujet La Rafle du Vél’ d’Hiv, La Police de Vichy, avec une préface d’Arié Alimi, Opération étoile jaune ainsi que Paris, 1942 – Chroniques d’un survivant.

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