derrière base élèves, la loi de prévention de la délinquance...


article de la rubrique Big Brother > base élèves
date de publication : vendredi 16 novembre 2007
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Une lettre du ministre de l’Education nationale rappelle opportunément que la mise en application de la loi de prévention de la délinquance se poursuit dans la discrétion.
Le système base élèves [1] en sera un élément important.

Les enseignants, notamment les directeurs d’école, auront leur place dans la chaîne du contrôle social.


Savoir dire NON.

Une lettre du ministre

A la suite du voeu adopté à l’unanimité le 25 juin dernier par lequel le conseil municipal de Grenoble demandait l’abandon du système base élèves, Michel Destot, maire de Grenoble, a écrit au ministre de l’Education nationale. Voici la réponse que Xavier Darcos lui a adressée :

Paris, le 2 octobre 2007

Monsieur le Maire,

Vous avez bien voulu appeler mon attention sur la mise en place d’un système d’information concernant les élèves des écoles.

Je vous précise qu’il convient de distinguer deux types de traitement dont l’autorité responsable, le contenu et la finalité sont différents.

Le système d’information « Base élèves 1er degré » est mis en oeuvre par le ministère de l’Education nationale depuis 2005 pour aider à la gestion des élèves et au pilotage du premier degré. Il a fait l’objet d’une déclaration en décembre 2004 à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) : celle-ci s’est clairement prononcée sur les données qui peuvent y figurer et assure un contrôle régulier de la base.

Un autre traitement, distinct du précédent, va pouvoir être mis en place par le maire afin de procéder au recensement des élèves soumis à l’obligation scolaire et d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire. Ce traitement, prévu par l’article 12 de la loi du 7 mars 2007 de prévention de la délinquance, recueillera des données à caractère personnel qui seront transmises au maire par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l’inspecteur d’académie, les directeurs d’école et chefs d’établissement.

Les conditions d’application de cet article de loi doivent être précisées par un prochain décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la CNIL. Cette dernière instance a donné un avis favorable au projet, élaboré en étroite concertation entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales.

Il faut souligner que la création de ce dernier fichier relève de la seule initiative des maires et ne présente donc aucun caractère obligatoire [2].

Je vous prie de croire, Monsieur le Maire, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Bien cordialement
Xavier DARCOS

Il suffit de lire l’avis de la CNIL du 22 juin 2007 pour constater que le ministre prend beaucoup de libertés avec la réalité en ce qui concerne le “contrôle régulier” exercé par la CNIL sur base élèves.

En revanche, les deux paragraphes suivants de la lettre de Xavier Darcos méritent plus d’attention car ils montrent le rôle dévolu à base élèves dans la mise en oeuvre de la loi de prévention de la délinquance.

La loi de prévention de la délinquance

La loi sécuritaire du 5 mars 2007, dite loi de prévention de la délinquance,
a pour but de mettre en place un contrôle social de la population.

En plus de ses missions de sécurité publique, le maire se voit attribuer par cette loi un rôle de coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance. Il aura notamment à veiller au respect de l’obligation d’assiduité scolaire qui était jusqu’à présent de la responsabilité de l’Inspecteur d’académie.

Le maire sera donc destinataire de données scolaires —
le secret professionnel étant désormais partagé —. Les informations suivantes pourront lui être transmises par la caisse d’allocation familiale, l’inspecteur d’académie, le directeur de l’établissement scolaire :

  • les enfants en âge scolaire domiciliés sur sa commune,
  • les décisions d’exclusion temporaire ou définitive des élèves,
  • les élèves de sa commune qui ont eu un avertissement pour cause d’absentéisme.

Si le maire constate un défaut de surveillance ou d’assistance scolaire, il pourra proposer la mise en place d’un suivi individualisé de la famille — il en informera alors l’inspecteur d’académie, le chef d’établissement concerné, le directeur de la CAF. Il pourra saisir le juge des enfants si une famille justifie d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ...

La loi de prévention de la délinquance et le code de l’éducation

Les dispositions modifiant le code de l’éducation sont regroupées dans l’article 12 de la loi de prévention de la délinquance ; elles concernent la lutte contre l’absentéisme scolaire [3].

  • Le 1° de cet article indique explicitement que « l’éducation à la responsabilité civique » et la participation « à la prévention de la délinquance » font partie des missions des établissements d’enseignement (écoles, collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur).
  • Le 2° et le 3° organisent l’information du maire sur l’absentéisme scolaire sur le territoire de sa commune. Le maire est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé enregistrant les données relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune.

    Peuvent faire l’objet d’un traitement automatisé :

    • les données transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, et par l’inspecteur d’académie concernant les avertissements pour absentéisme ;
    • les données transmises par le directeur de l’école ou le chef d’établissement en cas d’exclusion temporaire ou définitive de l’établissement ou lorsqu’un élève inscrit dans un établissement le quitte en cours ou en fin d’année ;
    • les données transmises par les chefs d’établissement lorsqu’ils saisissent l’inspecteur d’académie afin que celui-ci délivre un avertissement pour défaut d’assiduité.
      Les chefs d’établissement devront saisir l’inspecteur d’académie dès lors que les conditions légales pour prononcer un avertissement sont réunies.

Voici les deux articles du code de l’éducation qui sont modifés par cet article 12 :

Article L131-6

Chaque année, à la rentrée scolaire, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire.

Les personnes responsables doivent y faire inscrire les enfants dont elles ont la garde.

Afin de procéder au recensement prévu au premier alinéa et d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l’inspecteur d’académie en application de l’article L. 131-8 et par le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement en application du même article ainsi qu’en cas d’exclusion temporaire ou définitive de l’établissement ou lorsqu’un élève inscrit dans un établissement le quitte en cours ou en fin d’année.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les conditions d’application du troisième alinéa. Il précise la liste des données à caractère personnel collectées, la durée de conservation de ces données, les modalités d’habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d’accès.

Article L131-8

Lorsqu’un enfant manque momentanément la classe, les personnes responsables doivent, sans délai, faire connaître au directeur ou à la directrice de l’établissement d’enseignement les motifs de cette absence.

Les seuls motifs réputés légitimes sont les suivants : maladie de l’enfant, maladie transmissible ou contagieuse d’un membre de la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications, absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent. Les autres motifs sont appréciés par l’inspecteur d’académie. Celui-ci peut consulter les assistantes sociales agréées par lui, et les charger de conduire une enquête, en ce qui concerne les enfants présumés réfractaires.

Le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin qu’il adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant et leur rappelle les sanctions pénales dans les cas suivants :

  1. Lorsque, malgré l’invitation du directeur ou de la directrice de l’établissement d’enseignement, ils n’ont pas fait connaître les motifs d’absence de l’enfant ou qu’ils ont donné des motifs d’absence inexacts ;
  2. Lorsque l’enfant a manqué la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins quatre demi-journées dans le mois.

Lorsque le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin que celui-ci adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, il en informe le maire de la commune dans laquelle l’élève est domicilié.

L’inspecteur d’académie saisit le président du conseil général des situations qui lui paraissent justifier la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale prévu à l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.

Il communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.

Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l’article L. 131-6.

Notes

[1Un tract contre base élèves.

[2A propos de ce fichier, on pourra consulter la page que nous avons consacrée à la loi de prévention de la délinquance et l’absentéisme scolaire, et notamment cette note.

[3Deux décrets en Conseil d’Etat, en attente de publication, devraient préciser la liste des données à caractère personnel collectées pour procéder au recensement des enfants soumis aux obligations scolaires et lutter contre l’absentéisme.


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