lettres d’inspecteurs d’académie au sujet de Base élèves


article de la rubrique Big Brother > base élèves
date de publication : vendredi 27 juin 2008
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Ce site Internet comporte déjà quelques notes émanant de différentes inspections académiques : une lettre musclée de l’IA de Rennes ainsi que la note du 3 juin émanant de l’IA de l’Aveyron — un texte d’anthologie.

Nous avons pensé intéressant de développer cette activité. Après les « lettres de prisonniers », « les lettres de poilus », voici donc :


Lettre de l’Inspecteur d’Académie des Yvelines adressée aux directeurs d’écoles de Sartrouville, sous couvert de l’IDEN de la circonscription de Sartrouville :

Le Chesnay le 26 juin 2008

Objet : Mise à jour Base élèves

Le système d’information pour le premier degré, appelé Base élèves, qui a reçu l’avis favorable de la CNIL, après une phase expérimentale, est désormais généralisé à l’ensemble des écoles.

Il appartient à tous les directeurs d’école de renseigner la base et de compléter les décisions de passage au plus tard pour le 02 juillet 2008. Je souhaite que l’objectif fixé soit atteint et je sais pouvoir compter sur votre implication

L’ATICE de votre circonscription est à votre disposition pour vous conseiller et vous dépanner en cas de difficulté.

S’il advenait qu’un directeur d’école décide de ne pas accomplir cette mise à jour indispensable pour le développement de la base, je me verrais contraint, après mise en demeure de procéder à une retenue sur salaire pour service non fait.

Commentaire de LDH-Toulon

L’Inspecteur fait erreur : la Cnil n’a pas délivré d’avis favorable à Base élèves. Elle n’a d’ailleurs pas à le faire et elle le reconnaît dans son avis du 22 juin 2007 :

« En 2004, le Ministère de l’Education nationale a déclaré à la CNIL la mise en œuvre d’une application informatique à caractère personnel, dénommée "Base élèves 1er degré" pour laquelle un récépissé a été délivré. En effet, depuis la loi d’août 2004 ce type de dispositif n’est plus soumis à l’avis préalable de la CNIL. »

_____________________

Le 18 juin dernier une délégation [1] s’est rendue à l’Inspection académique des Bouches du Rhône pour remettre une pétition soutenue par 34 associations, syndicats et partis, et comportant plus de 1100 signatures, parmi lesquelles 25 élus — dont le président de la région PACA, un euro-député, un sénateur et une députée. Voici la lettre que l’Inspecteur d’Académie leur a adressée peu après.

Marseille, le 20 juin 2008

Vous avez rédigé une pétition demandant l’arrêt de l’expérimentation de Base Elèves.

Une délégation est venue remettre mercredi 18/06/08 à l’Inspection académique cette pétition revêtue de plusieurs signatures. Elle a été reçue par [le] chef du bureau de la Scolarité.
J’ai pris connaissance du texte de votre pétition ainsi que du compte-rendu de l’audience qui vous a été accordée.

Les personnes reçues ont demandé si une réponse à vos questions serait donnée à chaque signataire.
Sur ce point, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous diffusiez la présente lettre. Pour ma part, bien entendu, je ne peux m’adresser qu’aux responsables des 5 organisations qui ont initié cette démarche.

Sur le fond, il ne m’appartient pas de commenter les réponses déjà données par Monsieur le Ministre ou par la CNIL aux préoccupations qui sont les vôtres. D’autant que le contenu de ces réponses est susceptible d’évoluer et que je ne dispose pas d’informations complémentaires.
Toutefois je souhaite apporter quelques précisions qui me paraissent utiles.

Le déploiement de l’application Base Elèves n’est plus dans une phase expérimentale. Un objectif précis à été donné il convient que toutes les écoles utilisent cette application à la rentrée 2009. Cette utilisation est désormais obligatoire.
En conséquence, les directeurs ne disposent pas du choix de participer ou non aux actions de formation.

En qualité de fonctionnaires d’Etat, les directeurs sont tenus d’appliquer les consignes qui leur sont données. Tout manquement à cette obligation serait sanctionnée par un retrait sur traitement pour toute la durée où les instructions ne seraient pas suivies, sans préjudice des sanctions disciplinaires prévues en pareil cas.
Une telle obligation s’applique à toute consigne donnée par la hiérarchie, ce qui doit être considéré comme une garantie du service public dans sa forme républicaine telle que, je crois, nous en partageons l’idée.

Que deviendrait celui-ci si chaque fonctionnaire choisissait parmi les directives qui lui sont données celles qui lui conviennent, en fonction de ses convictions ou en fonction des usagers, voire de ses propres intérêts ?

Vous savez bien que seuls les ordres manifestement illégaux échappent à cette obligation, et qu’en tout état de cause il appartient au juge, lorsqu’il est saisi, de décider ce qui est légitime ou non. Ce sont là les règles élémentaires d’un Etat de droit, protecteur des citoyens.

Vous considérez que les informations saisies le sont à l’insu des familles.

Je vous précise que seules les informations données par les familles sont saisies, dans les limites qui ont été autorisées par la CNIL. Les informations détenues sont donc bien connues des familles concernées et elles disposent en permanence d’un droit d’accès et de rectification.

Sur la question de savoir si les familles peuvent refuser la saisie de ces informations sur Base Elève, la CNIL a déjà répondu en considérant que les parents ne pouvaient pas s’opposer à ce que l’école collecte et enregistre des informations relatives à leur enfant et nécessaires à sa scolarisation dès lors que la scolarité était obligatoire.

Je vous prie d’agréer...

Commentaires de LDH-Toulon

Dans sa dernière mise au point, le 13 juin dernier, le Ministre a annoncé la parution d’un arrêté qui précisera les « évolutions » de Base élèves — l’Inspecteur des Bouches du Rhône reconnaît d’ailleurs que « le contenu » des réponses données par le Ministre » « est susceptible d’évoluer ».
Dans l’attente de la publication de cet arrêté, on ne voit pas quel texte permettrait d’obliger les directeurs à utiliser Base élèves — d’ailleurs laquelle des versions successives de Base élèves ?

Côté sanctions, les Inspections d’Académie de l’Isère et de la Loire-atlantique sont en tête [2].

Terminons en rappelant que « la mission essentielle » de la Cnil est de « protéger la vie privée et les libertés individuelles ou publiques » et non de cautionner un nouveau fichage.

A suivre...

Notes

[1La délégation était constituée de la secrétaire départementale du SNUDI-FO, et des secrétaires départementaux de La ligue des droits de l’Homme, du SGEN- CFDT, de Sud-Education et de la CNT.

[2Pour l’instant, il semble que les sanctions financières soient de 1/30 de l’indemnité de sujétion, soit environ 2 € 30. Quant aux sanctions "professionnelles", voyez le Canard enchaîné de la semaine. Elles seront sans doute l’objet de recours.


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