nouvelle alerte à « l’excès de zèle » : deux enfants de 6 et 10 ans interpellés à la sortie de l’école


article communiqué de la LDH  de la rubrique justice - police > la justice des mineurs
date de publication : vendredi 22 mai 2009
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Comme l’a déclaré le procureur de la République, dans l’affaire de Floirac, où six policiers ont été mobilisés devant une école pour interpeller deux dangereux gamins de 6 et 10 ans accusés d’avoir volé un vélo, tout s’est déroulé de façon “légale”, y compris le fait de retenir ces enfants au commissariat durant deux heures pour les « entendre ». Au final ils s’avèrent innocents, mais auraient-ils été coupables que cela ne changerait rien : cet événement est scandaleux et il serait temps de s’interroger sur ce que révèle ce nouvel “excès de zèle”.

Pour la Ligue des droits de l’Homme, il ne s’agit pas de dérapages ou de bavures, mais de la mise en oeuvre d’une politique assumée et revendiquée : voir dans l’enfance et la jeunesse une « classe dangereuse » et traiter les jeunes comme des délinquants potentiels.


Communiqué de la LDH

La police au collège, l’arrestation à la sortie de l’école : les enfants dans le collimateur sécuritaire

Le Gouvernement semble avoir décidé de célébrer à sa manière le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Le ministre de l’Education nationale envisage de « créer, auprès des recteurs, une force mobile d’agents […] pouvant constater des délits, confisquer des armes, opérer des fouilles si nécessaire », et de « donner la compétence d’officiers de police judiciaire à des chefs d’établissement ». Une force de police intégrée à l’Education nationale, en attendant de faire faire la classe par les policiers ?

A la porte d’une école de Floirac (Gironde), deux voitures de police et six policiers enlèvent, sans prévenir parents ni enseignants, deux dangereux criminels âgés de 10 et 6 ans, au motif qu’une personne aurait cru reconnaître dans le vélo de l’un d’eux celui qu’on lui avait volé et qui était de la même couleur… On commence par rafler les enfants de sans-papiers, et la technique s’étend à présent aux autres écoliers. Le prétendu voleur porte le nom de Ouachim et sa mère se prénomme Aïcha. C’est finalement son seul crime. Mais le « directeur départemental de la sécurité publique » de Gironde ne voit dans le fait d’arrêter des enfants de cet âge et de les garder deux heures à vue dans un commissariat qu’« une affaire complètement banale » et « assume entièrement jusqu’au bout ce qui a été fait ».

Il y a quelques semaines, des gendarmes prétendant conduire une opération de prévention en milieu scolaire avaient lâché à l’improviste un chien policier sur des collégiens du Gers afin, disait la procureure de la République d’Auch, de « créer une bonne insécurité »…

Ainsi donc, il ne s’agit pas de dérapages ou de bavures, mais de la mise en oeuvre d’une politique assumée et revendiquée, la même qui inspire Monsieur Darcos dans ses rêves de police scolaire judiciaire.

Quelle sera la prochaine étape ? Une opération coup de poing dans une crèche ? La fouille des élèves par leurs professeurs, des salariés par les cadres dans les entreprises ? La poursuite de tout manifestant pour « tapage diurne », comme on vient de le voir à Marseille il y a quelques jours ?

La Ligue des droits de l’Homme appelle le Gouvernement de la République à cesser d’encourager des pratiques à l’évidence inconciliables avec le respect des libertés les plus élémentaires et à ne plus voir dans l’enfance et la jeunesse de ce pays une « classe dangereuse » à traiter, fût-ce au mépris du droit, comme des délinquants potentiels.

Paris, le 22 mai 2009

Emotion après l’arrestation de deux enfants de 6 et 10 ans à Floirac

LEMONDE.FR 21.05.09 20h44


Le ministère de l’intérieur a demandé une enquête à la suite de l’interpellation, mardi 18 mai, de deux enfants de six et dix ans par la police à la sortie de leur école à Floirac (Gironde), ce qui a scandalisé leur entourage et le monde enseignant. Les policiers ont affirmé avoir agi en toute légalité dans cette affaire, révélée jeudi par le quotidien régional Sud-Ouest.

Selon des témoins, deux véhicules et six fonctionnaires de police sont venus chercher vers 16 h 30, heure de la sortie de l’école, les deux enfants, deux cousins que la mère d’un autre élève avait dit avoir vus au guidon de vélos lui ayant été dérobés. Les enfants sont restés deux heures dans les locaux de la police à Cenon, commune de la banlieue bordelaise voisine de Floirac, le temps que leurs parents fournissent des explications. "Mon fils a été interpellé ici, ils l’ont fait descendre de son vélo, ils l’ont embarqué dans la voiture avec son vélo. Ils ont attendu le petit de six ans qui est arrivé derrière, et ils ont fait la même procédure", a raconté à la presse devant l’école la mère de l’enfant le plus âgé, Aïcha Ouachim. "Moi j’ai été informée par la maîtresse du plus petit, qui est en maternelle", a-t-elle ajouté, affirmant par ailleurs avoir fourni la preuve que le vélo que conduisait son fils n’avait pas été volé. Elle a précisé que son fils ne voulait plus aller à l’école.

"EXCÈS DE ZÈLE" OU "DÉRIVE SÉCURITAIRE" ?

Dans un communiqué publié par son service de presse, le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, affirme qu’il "prendra connaissance avec attention des conclusions de l’enquête interne demandée par le ministère de l’intérieur". "Les faits impliquant des mineurs de cet âge appellent des réponses proportionnées et doivent tenir compte de la responsabilité des familles", écrit-il, ajoutant que ce cas "ne saurait être confondu avec la question de l’introduction des armes en milieu scolaire".

"Qu’elle corresponde à un excès de zèle ou à une dérive sécuritaire, cette arrestation heurte profondément l’ensemble des enseignants, des éducateurs et des parents d’élèves", écrit dans un communiqué le Snuipp. Le syndicat enseignant demande à Xavier Darcos "d’intervenir pour que la primauté des mesures éducatives soit respectée et qu’aucune interpellation n’ait lieu dans ces conditions".

[...] Lors d’un point de presse organisé à la mi-journée à l’hôtel de police de Bordeaux, le directeur départemental de la sécurité publique, Albert Doutre, avait défendu les policiers. "Je soutiens entièrement et j’assume entièrement jusqu’au bout ce qui a été fait", a-t-il dit, estimant que tout s’était déroulé dans le cadre "des lois de la République". Il s’agit à ses yeux d’une "affaire complètement banale qui prend un tournant polémique surprenant". Les policiers ont selon lui agi avec "discernement", conduisant les deux enfants au commissariat pour être entendus en compagnie d’une mère. Il a aussi rappelé qu’une personne avait déposé plainte et que les policiers "ont des comptes à rendre au parquet". Albert Doutre a enfin précisé que l’enfant de six ans avait "reconnu avoir emprunté le vélo". Pour le deuxième, "l’enquête se poursuit", a-t-il ajouté.

Cette histoire a débuté devant l’école élémentaire Louis Aragon de Floirac. En attendant que l’enquête demandée par notre Ministre de l’Intérieur nous apporte des éclaircissements, suivons le conseil de l’incertain et relisons le poète :

J’arrive où je suis étranger
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu


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