un juge qui en a ... du courage


article de la rubrique justice - police > la justice des mineurs
date de publication : dimanche 11 juin 2006
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Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, pose la question : « faut-il d’abord mettre une gifle et réfléchir après, ou donner une chance aux gens avant de leur taper dessus ? »


Connaissez-vous ce magistrat évoqué dans Le Canard enchaîné du 7 juin 2006 ?

L’ombre des "grands noirs"

Ousmane Sow - Little Big Horn : le clairon.

Autre moment fort du même Conseil des ministres [du 31 mai] : l’accrochage entre le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice. A propos des événements de Montfermeil et de Gagny, Sarko ouvre le feu :

« Les mineurs de 1945 n’ont rien à voir avec les géants noirs des banlieues d’aujourd’hui qui ont moins de 18 ans et qui font peur à tout le monde. »

Et le ministre de l’Intérieur de s’en prendre aux magistrats qui ne font pas leur boulot :

« Je voudrais vous donner un exemple, celui du tribunal pour enfants de Bobigny. Dans ce tribunal, il n’y a pas eu de condamnation de jeunes pendant les émeutes. Il faut remettre de l’ordre dans tout cela en changeant le président du tribunal. »

Pascal Clément s’énerve : « Le président du tribunal pour enfants de Bobigny est inamovible. S’il ne lui veut pas bouger, il n’y a pas de moyens de le faire bouger, sauf s’il acceptait une promotion. »

Réplique de Sarko : « Il faudrait peut-être s’interroger sur un système dans lequel on ne peut pas déplacer les gens sans leur offrir une promotion. »

Clément : « Les syndicats et les associations ne sont pas d’accord pour mettre en cause le système existant. »

Villepin s’en mêle : « En matière de délinquance des jeunes, il faut à la fois de la fermeté et de la justice. »
Il fallait oser.

Que pense-t-il de la politique Sarkozy-Clément ?

“ Le thème commun du discours de Nicolas Sarkozy et du ministre de la Justice, Pascal Clément, c’est que la meilleure éducation est la sanction. C’est un discours de droite, Alain Peyrefitte l’utilisait déjà en son temps. C’est ce qui oppose, depuis cent cinquante ans, les tenants de l’ordre, qui disent « On met une gifle et après on réfléchit », et les gens qui sont plus sociaux, plus libéraux et qui veulent d’abord « donner une chance aux gens avant de leur taper dessus ». Leur pensée est simple : « Avant de réfléchir, il faut condamner, et c’est dans le cadre de la condamnation qu’il faut mettre des mesures éducatives en place. » Jusqu’à présent, on faisait le contraire. En cas d’échec, il reste la possibilité de condamner à une peine de prison avec sursis. Et si cela échoue encore, il reste l’incarcération. ” [1]

Il rétablit les faits face à la démagogie sécuritaire

Critiqué, le président du tribunal pour enfants de Bobigny répond au ministre [2]

Accusé de laxisme par le ministre de l’intérieur, le président du tribunal pour enfants de Bobigny (Seine-Saint-Denis) réplique : "On est en train de rebattre les cartes qui ont fonctionné lors de la précédente campagne électorale : parler des mineurs délinquants alors qu’aucune augmentation de cette délinquance n’a été constatée en 2005."

Jeudi 8 juin, Nicolas Sarkozy avait indiqué : "Je n’ai pas trouvé admissible que, durant toutes les émeutes du mois de novembre 2005, le tribunal pour enfants de Bobigny n’ait pas prononcé une seule décision d’emprisonnement."
La critique est erronée, souligne le magistrat. "A l’époque, il ne pouvait pas y avoir de condamné, car les comparutions immédiates n’existent pas pour les mineurs", précise-t-il. La question, alors, était celle des mesures provisoires prises par les juges des enfants au regard de ceux qui leur étaient présentés.

Or, sur 118 mineurs, seuls 11 ont fait l’objet de réquisitions de mandat de dépôt par le parquet. "Le parquet n’a pas jugé utile de requérir la détention. Il faut rappeler qu’au début des émeutes les dossiers transmis par la police ne tenaient pas la route", poursuit-il [...]

Dans plus de 60 % des cas, les mineurs étaient inconnus de la justice et les juges de Bobigny ont pris des mesures éducatives. Dans un tiers des dossiers, faute d’éléments permettant une mise en examen, ils ont retenu le statut de témoin assisté pour les jeunes. Auprès des mis en examen, des mesures de liberté surveillée ou de contrôle judiciaire ont été prononcées. Depuis lors, les procédures ont avancé. Dans les affaires les moins graves (les mineurs sous statut de témoin assisté), les juges s’apprêtent à prononcer des non-lieux. Les mis en examen vont être jugés bientôt.

"Ce qui pose problème à M. Sarkozy, c’est que tout le monde a félicité la justice pour la façon dont elle a géré les événements de novembre-décembre 2005", assure le président du tribunal. "Nous avons apporté d’autres réponses que l’incarcération, et ces décisions, à ma connaissance, n’ont pas alimenté les violences en Seine-Saint-Denis."

Que pense-t-il de l’expulsion des élèves "sans papiers" ?  [3]

Ces enfants ne posent effectivement aucun problème d’ordre public ; ils étudient bien et sont destinés à devenir des bons citoyens de France, voire tout simplement, devenir français. On veut les faire repartir pour le principe quand, dans le même temps, on entend doubler le nombre d’enfants étrangers adoptables ! [...]

Autre possibilité : percer l’abcès par une vraie opération de régularisation dans une dynamique positive car après tout c’est une chance pour le pays que d’avoir des gens - enfants comme parents - qui croient en lui et ont envie de réussir ! [...]

Il faut supprimer cette condition aberrante posée qui veut que les enfants concernés ne parlent pas la langue de leur pays d’origine. On comprend le souci de réunir le maximum de chance de régularisation, mais [...] ce n’est pas en niant l’histoire familiale et son appartenance qu’on facilitera l’inscription d’un enfant dans un pays.

Lisez son blog !

Notes

[1L’Humanité du 10 mai 2006.

[2Extraits d’un article de Nathalie Guibert, Le Monde daté du 10 juin 2006.

[3Extraits (bien) choisis de son blog.


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