le 22 juin 2007, la Cnil interpelle le ministère de l’éducation nationale


article de la rubrique Big Brother > base élèves, la CNIL et le ministère
date de publication : mercredi 27 juin 2007
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A la suite des nombreuses demandes qui lui sont parvenues ces derniers temps, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a publié l’avis que vous trouverez ci-dessous. Nous la faisons suivre de la lettre que des syndicats d’enseignants d’Ille et Vilaine avaient adressée le 11 juin au président de la Cnil.

Nous serons très intéressés par la réponse que le ministère fera à la Cnil concernant les «  modalités exactes selon lesquelles [l’information concernant la nationalité des élèves] est exploitée » [A]. Nous regrettons que la Cnil n’ait pas réagi à la mise en évidence de l’absence d’une véritable sécurisation du système, contrairement aux affirmations maintes fois répétées par les autorités — à qui les citoyens peuvent-ils donc s’adresser ?

Mais commençons-donc par lire le Canard enchaîné du jour qui nous apprend qu’«  à la Cnil, on fait observer que les engagements pris par le ministère en matière de sécurité n’ont pas été respectés ».

[Première publication le 24 juin 2007, mise à jour le 27 juin 2007]

Zéro pointé pour le fichier des écoles

[Le Canard enchaîné du 27 juin 2007]


La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) vient d’adresser au ministère de l’Éducation nationale une lettre peu aimable exigeant des explications, avant quinze jours, sur la sécurité des fichiers baptisés « base élèves », qui recensent les écoliers. La Cnil demande à être immédiatement informée des mesures qui doivent être prises pour assurer la confidentialité des données. En réponse, le ministère a pris, pour commencer, une mesure radicale : tout accès à ces fichiers a été provisoirement fermé.

Il faut dire que l’administration s’est mise dans de bien mauvais draps. « Base élèves » est un système informatique dont le principe même avait été contesté par des syndicats d’enseignants et les associations de parents. La fiche de chaque enfant contient son état civil, mais aussi des informations sensibles sur son orientation, ses éventuelles difficultés, sa vie sociale et familiale, l’autorité parentale, la « culture d’origine »... Ces données devaient bien sûr être protégées, et n’être accessibles qu’aux directeurs d’école, aux maires (s’ils en faisaient la demande) et à l’administration centrale. La réalité a dépassé toutes les craintes des opposants.

Les fichiers de centaines d’écoles étaient consultables sur Internet : il suffisait de donner comme nom d’utilisateur le numéro de l’établissement (renseignement public) et comme mot de passe... le même numéro ! « Le Canard » a pu vérifier cet état de fait dans plusieurs académies, avant la décision de fermeture prise la semaine dernière.
Explication : consigne avait été donnée aux chefs d’établissement de se simplifier la vie, en évitant de mémoriser un mot de passe compliqué. Une faute que ne commettrait pas un informaticien débutant.

Impossible de savoir s’il y a eu des consultations frauduleuses, voire des modifications de données. Mais, à la Cnil, on fait observer que les engagements pris par le ministère en matière de sécurité n’ont pas été respectés. Ce qui ne constitue pas seulement une faute, mais aussi une infraction pénale.
Avec la nouvelle doctrine Sarko, selon laquelle aucun délit ne doit rester impuni, cela va saigner !

Louis-Marie Horeau

Que contiennent les fichiers d’élèves des écoles maternelles et élémentaires et qui peut y accéder ?

Avis de la Cnil [1]

22/06/2007 - En bref

La CNIL est régulièrement interrogée sur les fichiers des élèves du 1er degré dits « base élèves » mis en œuvre par le Ministère de l’Education nationale. Elle revient donc sur les grandes lignes de ce dispositif.

En 2004, le Ministère de l’Education nationale a déclaré à la CNIL la mise en œuvre d’une application informatique à caractère personnel, dénommée "Base élèves 1er degré" pour laquelle un récépissé a été délivré. En effet, depuis la loi d’août 2004 ce type de dispositif n’est plus soumis à l’avis préalable de la CNIL.

Ce système concerne tous les élèves des écoles maternelles et élémentaires, privées et publiques, y compris ceux recevant une instruction dispensée en dehors de l’école. Il a pour finalité la gestion administrative des élèves (inscription, admission, non fréquentation, répartition dans les classes, suivi des effectifs, suivi de la scolarité), le pilotage pédagogique, le suivi des parcours scolaires de la maternelle à l’entrée en 6ème et l’élaboration de statistiques académiques et nationales. L’inscription scolaire étant obligatoire pour les enfants jusqu’à 16 ans, les parents ne peuvent s’opposer à ce dispositif concernant leur enfant.

Un système identique de gestion et de pilotage, le traitement "Scolarité", existe depuis 1995 pour les élèves du second degré.

La mise en œuvre de la "Base élèves 1er degré" associe plusieurs acteurs, à savoir les directeurs d’écoles, les inspecteurs de l’éducation nationale, les inspecteurs d’académie et les maires, ces derniers étant chargés du contrôle de l’obligation scolaire et de la gestion des inscriptions.

Les maires sont donc habilités à accéder à des données concernant les d’enfants en âge scolaire résidant dans leur commune. Celles-ci sont relatives à l’identité de l’enfant (nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, adresse) et à celle de son responsable légal (nom, prénom, adresse, téléphone, lien avec l’enfant). Ces informations ne sont pas nouvelles pour les mairies puisque depuis 1991, une norme simplifiée adoptée par la CNIL prévoit la collecte de ces catégories d’informations à leur bénéfice. En revanche, les données relatives à la nationalité, à l’année d’arrivée en France de l’enfant et aux coordonnées de l’employeur des parents ne sont pas transmises aux maires en raison de leur absence de pertinence au regard de leur missions en la matière.

A la lecture de la déclaration, la collecte de l’information sur la nationalité des élèves est destinée uniquement à l’élaboration de statistiques anonymes par le Ministère de l’Education nationale. La CNIL a cependant interrogé le Ministère sur les modalités exactes selon lesquelles cette information est exploitée ainsi que sur la nomenclature des nationalités utilisée.

S’agissant des élèves en difficulté, la déclaration du ministère précise que seuls le directeur de l’école d’affectation de l’élève, l’inspecteur d’académie chargé de circonscription et l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale sont destinataires de l’indication relative à un besoin éducatif particulier des élèves tels que le bénéfice d’un dispositif d’accueil individualisé (PAI), d’assistance pédagogique à domicile (SAPAD) ou d’un dispositif RASED (réseau d’aide aux élèves en difficultés).

Concernant le suivi de la scolarité, seules les données factuelles du cursus scolaire de l’élève sont conservées (école, classe, niveau (9 niveaux), apprentissage suivis) et non les notes ou évaluations de l’élève.

Le dossier déposé par le Ministère indique que la fiche de renseignements individuels adressée par le directeur d’école aux parents ou à la personne responsable de l’élève porte mention des dispositions de la loi informatique et libertés.

à Monsieur le Président de la Commission Nationale Informatique et Libertés

Les syndicats CNT-STE 35, FSU 35 et Sud éducation solidaire 35 ont l’honneur de saisir la CNIL au sujet du fichier informatisé – dit « Base-Elèves 1er degré » - mis en place par l’Inspection Académique d’Ille et Vilaine dans les écoles maternelles et élémentaires du département.

Ce fichier est actuellement renseigné par les directeurs d’école et des informations confidentielles y figurent sans que les familles et les enseignants fichés aient été complètement informés des données collectées, de leur durée de conservation, des réelles finalités de ce fichier (destinataires des informations, existence des droits, transmissions, croisements). L’information prévue en direction des parents concernant leurs droits est en général très succincte (voir pièce jointe) voire incomplète ou même parfois inexistante.

En outre, dans notre département, la preuve a été faite mercredi 6 juin que des personnes extérieures à l’expérimentation, ayant consulté le site de l’Education Nationale Eduscol, pouvaient avoir librement accès par Internet à ces fichiers, ce qui démontre le non-respect de la sécurité et de la confidentialité des données collectées. (voir pièces jointes)

D’autre part, il s’avère impossible de connaître le contenu de la déclaration faite le 24 décembre 2004 par l’Education Nationale à la CNIL, déclaration obligatoire en raison des données collectées (nationalité, ethnicité, données sociales et psychologiques).

C’est pourquoi les syndicats CNT-STE 35, FSU 35 et Sud éducation solidaire 35 demandent à la CNIL de se prononcer sur la conformité de « Base Elèves 1er degré » sachant qu’en vertu des dispositions de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées :

  • du caractère obligatoire ou facultatif des réponses à chacune des questions
  • des éventuelles conséquences à leur égard d’un défaut de réponse
  • des destinataires des informations collectées
  • de l’existence d’un droit d’accès et de rectification aux informations les concernant.

Rennes, le 11 juin 2007

Notes

[ADepuis la publication de cet article, le ministre de l’Education nationale a décidé, début octobre 2007, de supprimer du fichier Base élèves toutes les mentions liées à la nationalité. [Note de LDH Toulon, en date du 25 mai 2008.]


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